Né dans une famille d'ingénieurs, bilingue de naissance et bercé par l'Inde durant son enfance, Brice Matthieussent sort diplômé de l'école des Mines puis enchaîne avec des études de philosophie et un doctorat d'esthétique. Lecteur pour le compte de plusieurs maisons d'édition, il se voit proposer sa première traduction chez Stock et se consacre dès lors à la littérature anglo-saxonne, qu'il traduit à un rythme effréné depuis bientôt 40 ans. Nombre des plus grands romanciers contemporains sont ainsi passés entre ses mains avant de nous parvenir, accessibles de ce côté-ci de l'Atlantique, grâce à un travail minutieux, parfois ingrat mais toujours passionnant.
En parallèle de cette intense activité – pas moins de 200 traductions à son palmarès –, Brice Matthieussent dispense des cours de traduction à Paris VII, collabore à la revue Art-Press, publie des essais, écrit pour des revues littéraires ou de cinéma, enseigne l'histoire de la photographie à Arles… Il vit à Marseille depuis une vingtaine d'années.

Pour ponctuer ce parcours, des rencontres décisives. Ainsi Christian Bourgois, l'éditeur auprès de qui l'aventure a réellement commencé. Kerouac ouvre entre eux la porte de 35 ans d'amitié et de respect mutuel. Accointance intellectuelle, même passion pour les auteurs de la Beat Generation, pour les littératures en marge, les écritures non formatées. À la fin des années 80, Brice Matthieussent crée aux éditions Bourgois la collection "Fictives" où il publiera environ 70 titres, d'auteurs américains exclusivement.

Curiosité, diversité des goûts et des intérêts, il n'est qu'à piocher au hasard dans le catalogue des traductions qu'il signe pour voir à quel point il prend plaisir à varier les styles, à revêtir toutes sortes de costumes. Et si la corrélation avec Jim Harrison lui colle à la peau, c'est avec humour qu'il se défend de l'étiquette de "littérature forestière" ! Dans ses choix, les grands espaces de l'Ouest américain cèdent la place aux bas-fonds des villes, au vagabondage, à l'odyssée humaine sous de multiples tonalités.

Au fil des milliers de pages traduites, Brice Matthieussent s'est maintes fois interrogé sur cette activité pas tout à fait comme les autres : comment transcrire dans une autre culture, un autre univers linguistique, en ayant la certitude que le passage d'une langue à une autre dénaturera immanquablement la première ? "Translation" disent les Anglo-Saxons. Et c'est en effet davantage dans l'idée d'un transfert qu'il se place. De là à penser que traduire relève du fantasme, de la gageure, il n'y a qu'un pas. Avec une désinvolture feinte, flirtant avec l'ésotérisme, il parle d'une longue période d'errance pendant laquelle un texte va se réincarner en une autre langue.
Alors, traduire ou ne pas traduire. Traduire bien sûr, comment pourrait-il en être autrement. En dépit de cette dichotomie traduire/trahir, il faut aller à la rencontre des textes quitte à n'en livrer qu'un reflet, mêler les mondes.
Aujourd'hui, Brice Matthieussent a levé le pied. Non pas qu'il soit lassé mais il n'entreprend désormais que des textes dont il se sent proche, et d'autres sirènes l'appellent.

L'éternel débat s'ouvre ici une fois encore : est-on écrivain quand on traduit un écrivain ? Malgré les polémiques récurrentes, qui le contesterait ? Bien sûr aussi, on s'interrogera sur ce travailleur de l'ombre, peu visible, peu cité, rarement entendu, tapi derrière l'auteur.
Abnégation, humilité… la question reste à jamais posée.
Brice Matthieussent vient quant à lui de s'accorder un joli pied de nez avec Vengeance du traducteur, paru aux éditions P.O.L en septembre dernier. Une première fiction qu'il mûrit depuis plus de 14 ans, où de note de bas de page en note de bas de page, un traducteur bavard se joue de son médiocre auteur, supprime, réécrit, et se hisse finalement à la place de l'écrivain. Une mise en abyme d'équilibriste dont le filin serait cette fameuse barre de séparation texte/notes, une irrévérence, un clin d'œil que l'on attend à son tour… in english par exemple !

Derniers Titres parus de Brice Matthieussent

couverture du livre Une odyssée américaine

Une odyssée américaine

Une odyssée américaine « La ferme ne me possédait plus, et c'est ainsi que j'ai quitté notre verte vallée où j'avais passé tant d'années. Pour des raisons...

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