Au Val Triste, “il existe un site étrange dans le col quand le vent s'énerve où, d'une plate-forme taillée dans la roche, on peut écouter la montagne chanter.” S'il est un écrivain français qu'on peut rattacher au courant “Nature Writing”, où l'on croise les Américains Jim Harrison et Dan O'Brien, c'est bien André Bucher. Son nouvel éditeur, Le mot et le reste, le confirme en intégrant son sixième roman au sein d'une collection qui accueille aussi le Walden d'Henry D. Thoreau. S'il y trouve sa place avec logique, par la présence des paysages bruts de la Drôme reculée et leur description poétique, son intérêt littéraire réside surtout dans la justesse d'une confrontation de cette nature omniprésente aux actions et aux sentiments des personnages.
C'est par un journal relatant un fait divers tragique survenu en 1948, quand un père en proie à la folie abat sa femme devant ses deux fils, que le récit débute. On retrouve ces frères dix-sept ans plus tard – l'un devenu mutique, l'autre blessé par la guerre d'Algérie –, mêlant leurs destins à ceux d'autres personnages, eux aussi en déséquilibre entre passé et présent, espoir et échec. Ainsi Vladimir, un bûcheron d'origine serbo-croate, unique rescapé d'une famille décimée par la guerre des Balkans, qui vit un exil secret et douloureux.
Malgré sa brièveté, Fée d'hiver surprend plus d'une fois par ses changements de direction narrative et la variation de ses points de vue. Complexe dans sa structure mais simple dans son trajet, le roman, empreint d'une atmosphère de conte merveilleux, avance avec sérénité de la douleur à la lumière.


Cette critique, revue et remaniée, a été publiée une première fois dans Le Matricule des anges en avril 2012.

Pascal Jourdana
La Marelle, villa des auteurs
Marseille (13)


ISBN : 978-2-36054-037-2
2012 – 16 euros
Éditions Le Mot et le reste, Bouches-du-Rhône

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