L'Amourier fête 10 ans de publications
Le 01/09/2005
« Amourier », nom occitan donné au mûrier, arbre dont les feuilles sont utilisées pour l'élevage des vers à soie.
Dix ans de mûrissement et de tissage de textes. Dix ans d'amour, aussi.
Nul besoin des rumeurs, touffeurs et autres heurts de la ville pour tomber en édition.
Sise dans l'isolement du beau village de Coaraze, l'Amourier dispose de tout le recul nécessaire au bien sentir, ressentir, appréhender. Ainsi Jean Princivalle, éditeur autodidacte passionné, s'exerce-t-il à son rôle de passeur de textes et partage-t-il avec ses lecteurs autant la découverte d'auteurs dont les oeuvres vont se construisant, que la plume d'écrivains affirmés tels Michel Butor, Bernard Noël ou Michaël Gluck, qui charpentent le catalogue.
D'une poésie certaine.
La politique éditoriale est exigeante ; un seul mot d'ordre : la qualité, fût-elle ardue, fût-elle difficile à vendre. La beauté l'épouse et l'emporte. La beauté du mot bien sûr, du trait, du soin particulier apporté à l'objet. La geste de l'Amourier s'inscrit sous le signe du noble esthétisme. Démarche à la fois humble et ambitieuse d'un éditeur dont le désir n'est que de « promouvoir la diversité ». En parallèle de ce credo, Jean Princivalle défend celui d'un catalogue « qui n'a pas de ligne éditoriale exclusive » (comprenez d'exclusion, c'est-à-dire qui exclurait certains genres d'écritures).
Au fil de ses trois-fois-deux-font-six-et-quatre-font-dix années, la maison a construit un catalogue éclectique, rigoureux et ouvert une large place aux arts plastiques.
Le label compte aujourd'hui 108 titres, côtoyés par des tirages de tête et des livres d'artistes dont la production est momentanément en suspens. 108 titres déclinés en plusieurs collections : «Grammage» ou «d'Aventures» dédiées à la poésie, «Thoth» à la prose narrative, «Carnets», «Anticlinales», «l'Amble» mêlent texte et illustrations d'auteurs et d'artistes contemporains, «Ex caetera» et «Hors collection» accueillent le particulier, le résolument à part…
Après la douloureuse expérience de diffusion-distribution Alterdis, de triste mémoire pour bon nombre d'éditeurs, l'Amourier assure maintenant sa propre commercialisation ainsi que la logistique attenante. Totalement en dehors des circuits éditoriaux de nouveautés, d'offices… et d'argent frais, la maison n'échappe pas à la problématique commerciale des petites structures éditoriales (d'autant si elles publient des livres de fonds), et traduit bien la difficulté d'avoir une visibilité au milieu d'un tourbillon de titres à rotation rapide. Pour pallier l'engrenage commercial du livre, force est de trouver des outils adaptés, de constituer des réseaux.
En premier lieu, celui de l'Association des Amis de l'Amourier, le noyau dur, le cercle des poètes assidus : dévoués à cette maison et fervents défenseurs de la petite édition. Sous la présidence d'Alain Freixe, le bureau de l'AAA réunit Raphaël Monticelli, Martin Miguel et Yves Ughes. L'association édite une gazette à parution « ponctuelle et gratuite » présentant les derniers titres parus à l'Amourier et proposant une tribune de discussion et d'information, voire même d'écriture, sur l'univers de la poésie ou du livre d'artiste. Sur papier ivoire, Basilic touche 1 800 abonnés et paraît trois fois l'an, en préalable des temps forts de la maison : au printemps avant la Fête des Amis de l'Amourier le premier week-end de juin, à l'automne avant le festival de Mouans-Sartoux, et en fin d'année avec la publication d'un ou plusieurs texte(s) inédit(s) d'auteur(s). Un bon de commande est inséré dans la gazette.
Les 4 fidèles de l'AAA composent d'autre part le comité de lecture en qualité de DAB's (directeurs artistiques bénévoles) avec Bernadette Griot, laquelle mitonne et peaufine la ligne graphique de la maison depuis cinq ans.
Par ailleurs, un site Internet existe depuis janvier 2005 et permet l'achat en ligne. Une lettre d'information est diffusée à 2 000 adresses mél (n'hésitez pas à vous y abonner !).
Cependant, c'est encore par les salons, expositions, et surtout par son réseau de libraires partenaires que l'Amourier assure un petit chiffre d'affaires.
Depuis les débuts et l'acquisition d'une presse à imprimer toujours opérationnelle, la maison a bénéficié de quelque aide pour s'équiper et développer ses collections. Une gestion rigoureuse aura permis de tenir et de valoriser l'économie de moyens inhérente à la petite édition de création. Si la presse à casses de plomb ne sert plus à imprimer in extenso les livres, elle accouche encore de certaines des couvertures, l'intérieur étant réalisé en numérique par petites quantités à la fois, au fur et à mesure des besoins et pour un coût de stockage parfaitement indolore.
Et maintenant ? À l'âge de sa maturité, l'Amourier se trouve aujourd'hui à la croisée des chemins. Espérons que cette première décennie en appelle d'autres.
Jean Princivalle assure la transition en bon épicurien et s'adonne deux heures par jour à la culture de son jardin. Il compte souffler les 10 bougies de l'Amourier avec force bulbes colorés. Un nouveau Graal ? Peut-être pas ; la nourriture conjointe et
harmonieuse du corps et de l'esprit n'est-elle pas une ancestrale quête ?