C'est dans le décor du Hussard sur le toit que René Frégni, né en 1947 à Marseille, vit et écrit depuis une vingtaine d'années. Perché au dernier étage d'un immeuble en plein cœur de Manosque, son appartement domine la vieille ville et son rythme méridional.

René Frégni écrit à la main, sur un cahier d'écolier, avec une émotion que le temps n'a pas atténuée. “Quand j'ouvre mon cahier, j'ai le trac comme un comédien qui va entrer en scène.” Pour se rassurer il accomplit des gestes simples : laver la vaisselle, passer l'as- pirateur... Besoin d'ordre autour de lui pour entrer dans un état second, hypnotique. “J'écris le film que je projette, je vois des choses que je raconte avec mon stylo. Il y a un petit bonhomme dans ma tête qui me dicte les phrases.”

Auteur de douze romans et quatre albums pour la jeunesse, René Frégni n'a pas toujours rêvé d'être écrivain. À l'âge de six ans, suite aux moqueries de ses camarades de classe, il jette ses lunettes. Incapable de lire, il rate toute sa scolarité. Sa jeunesse, c'est “une vie d'herbe sauvage” dans les rues de Marseille...
Grâce aux lectures à voix haute de sa mère, à laquelle il rend un magnifique hommage dans Elle danse dans le noir (prix Paul Léautaud, 1998), il vit ses premiers émois littéraires : “Je me suis rendu compte en écoutant ces histoires que les personnages de roman sont beaucoup plus réels que les gens qu'on croise tous les jours. Pour moi, le comte de Monte-Cristo était le plus beau des Marseillais, je le cherchais dans la ville...”.

Il a 19 ans lorsqu'il est incarcéré six mois pour désertion. Seul dans sa cellule, à l'abri des regards, il chausse à nouveau des lunettes. Lui qui n'a jamais lu un seul livre se met à les dévorer. C'est en prison, où il a “la chance de rencontrer la lecture, l'écriture et un profes- seur de philosophie”, que sa vie “bascule vers les livres”.

Après quelques années en Turquie sous une identité d'emprunt, il revient en France et devient infirmier dans un hôpital psychiatrique où il crée une troupe de théâtre. Il loge alors dans un cabanon près de Manosque. De cette vie marginale, il puise les ingrédients de ses premiers romans dont aucun éditeur ne voudra pendant quatre ans. Quand Denoël accepte enfin de publier Les Chemins noirs, c'est “un choc merveilleux”...

En 1990, René Frégni commence à animer des ateliers d'écriture en milieu carcéral ; une aventure humaine qui va orienter sa vie. Il se souvient de la toute première fois : “Pour me présenter, j'ai dit aux détenus que j'avais publié deux livres et que je n'avais pas le bac. Pendant trois heures, on a parlé de football et de femmes”. Au fil des séances, des liens d'amitié se tissent et des rituels s'installent. “On commence par boire un café, toujours, on se raconte des blagues, on parle, on rit, on lit nos textes.”

« On peut faire un massacre avec un stylo ! »


Frégni lecteur aime Giono, Céline, Beckett... des écrivains à l'univers sombre. Ce qui compte pour lui, c'est qu'une lumière – celle du Sud, de la poésie ou de l'humour – vienne éclairer la tragédie. Pour se détendre, il plonge volontiers dans les polars de Mankell, Chase, Jim Harrison. Pourquoi cette prédilection pour le roman noir ? Difficile à dire, tant les interactions entre son œuvre et sa vie sont nombreuses. “Ma plume s'est noircie avec la prison : je l'ai trempée dans l'univers du crime”, précise-t-il. Fasciné par la transgression, il s'intéresse aux angles morts, à ceux dont la vie bascule, qui se débattent dans l'adversité.

Même s'il porte aujourd'hui ses lunettes sans complexe, René Frégni a gardé l'habitude de scruter ce qui l'entoure et se définit comme “une éponge qui se gorge de réalité”. Qu'ils soient autobiographiques ou romancés, ses récits parlent de lui. Son prochain titre, La Fiancée des corbeaux, paraîtra cet hiver chez Gallimard.

Derniers Titres parus de René Frégni

couverture du livre Au coeur du monde

Au coeur du monde

Au c?ur du Monde Au contrechamp de ses photos, François Mouren-Provensal compose de courts textes poétiques. Une volonté de déclencher le rêve, de caresser...

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