Attention, jeux dangereux !

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Les techniques de promotion ludiques et le droit de la consommation

Le jeu est une technique de promotion qui permet d’attirer la clientèle en lui faisant espérer un gain.
De nombreux abus ayant été constatés, le droit de la consommation encadre aujourd’hui strictement les mécanismes de ce type d’opération.
Les professionnels du livre qui utilisent le jeu pour promouvoir le livre et la lecture veilleront à respecter les règles en vigueur.
De même, s’ils recourent aux cadeaux et aux primes pour attirer des lecteurs potentiels, ils auront tout à gagner à en connaître la stricte réglementation.

Les jeux concours

Un jeu concours peut se définir comme une épreuve faisant appel à la sagacité, à l’habileté ou à l’ingéniosité, permettant aux concurrents de gagner des lots plus ou moins importants. Il n’y a aucune obligation d’achat, mais les organisateurs viseront souvent à promouvoir leur image, leur production ou leur activité.
Pour qu’une opération soit qualifiée de concours, il importe que les questions présentent une réelle difficulté et qu’elles ne soient pas si faciles que tout participant puisse y répondre ; il importe également que le résultat ne dépende pas du hasard, même partiellement.

L’organisateur devra par ailleurs veiller à ne pas provoquer des achats par l’appât d’un gain facile en organisant un concours dont la solution était apparemment à la portée de tous, mais dont la difficulté était en réalité dissimulée par les artifices d’un règlement trompeur.

De plus, il conviendra de veiller à ne pas rentrer dans la qualification de loterie payante ou de vente avec primes, qui sont illicites, sauf exception.
Enfin, les organisateurs devront veiller à ne pas enfreindre les règles du droit de la publicité. Le concours peut en effet tomber sous le coup de la qualification de publicité de nature à induire en erreur, lorsque les lots distribués ne correspondent pas aux lots annoncés ou lorsque l’on distribue aux particuliers des documents leur laissant croire qu’ils ont gagné un lot, alors que pour obtenir ce lot, il faut participer à un concours.

Les participants à un concours devront pouvoir connaître les conditions dans lesquelles la participation est possible, et donc obtenir facilement le règlement du concours et les dates d’ouverture et de clôture des épreuves.
Des livres pourront tout à fait légalement constituer les lots.

Les loteries tolérées

Les loteries commerciales se caractérisent par le fait que l’attribution des lots est le fruit du hasard. Elles sont implicitement autorisées par le Code de la consommation sous réserve que trois conditions soient remplies : un écrit (Le bulletin de participation), l’ambition d’un gain pour chaque participant, l’absence de participation financière.

Là encore, des livres pourront être offerts.

Les cadeaux

Les professionnels ont la possibilité d’offrir au public des cadeaux.
Le cadeau n’est ni une prime, ni une ristourne. Il est une libéralité qui est faite avec un objectif commercial.
La distribution de cadeaux est donc licite dès lors que l’attribution de ceux-ci n’est pas liée à une obligation d’achat ; dans le cas contraire, ils tomberaient sous le coup de la réglementation des ventes avec primes.
En ce qui concerne l’attribution de points cadeaux, il conviendra de veiller à ne pas enfreindre la loi Lang relative au prix du livre.
En effet, la chambre commerciale de la Cour de cassation a considéré qu’il y avait réduction illicite sur le prix du livre, lorsqu’un distributeur de livres par correspondance remettait à ses clients des points-cadeaux pour l’achat d’un livre, et qu’en cumulant un certain nombre de points-cadeaux, le client pouvait ensuite obtenir la remise gratuite d’un livre.
S’il n’y pas d’obligation d’achat, le cadeau peut être un livre.

Les primes

Les ventes avec primes sont en principe prohibées.

La prime peut se définir comme étant la remise, totalement ou partiellement gratuite, immédiatement ou de manière différée, d’un objet à tout acheteur d’une marchandise déterminée.
Cependant, le mécanisme des primes auto payantes, c’est-à-dire l’offre au client d’un produit ou d’un service à un prix avantageux, est licite.
Cependant, en ce qui concerne le livre, l’article 6 de la loi du 10 août 1981 dispose :

“Les ventes à prime ne sont autorisées, sous réserve des dispositions de la loi n° 51-356 du 20 mars 1951 modifiée et de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 modifiée, que si elles sont proposées par l’éditeur ou l’importateur, simultanément et dans les mêmes conditions, à l’ensemble des détaillants ou si elles portent sur des livres faisant l’objet d’une édition exclusivement réservée à la vente par courtage, par abonnement ou par correspondance”.

Les primes directes au consommateur sont donc prohibées.

Par ailleurs, la prime ne pourra jamais être un livre. En effet, lorsque la prime est constituée par un livre moyennant un prix avantageux, cette formule contrevient à la loi Lang du 10 août 1981 relative au prix du livre.

L’attribution d’un album de bandes dessinée pour six francs après règlement d’un plein d’essence a été jugée constitutive de concurrence déloyale. L’opération a été analysée non comme une vente avec primes mais comme constituée par deux ventes distinctes, celle du carburant et celle de l’album, peu important que la conclusion de la seconde soit consécutive à celle de la première.

Enfin, sont tolérées, la remise d’échantillons et de menus objets de faible valeur.
La notion de faible valeur se définit comme suit : Si le livre est d’une valeur inférieure à 80 euros TTC, la prime ne pourra pas excéder 7 % du prix net de ce livre ; si la valeur du livre est supérieure à 80 euros TTC, la prime ne pourra excéder 5 euros + 1 % du prix net du livre avec un plafond de 60 euros (350 francs).

Ainsi, pour l’achat d’un livre d’une valeur de 65 eurosTTC, un libraire pourra offrir à un client un stylo d’une valeur de 5 euros TTC, départ production et dédouanés à la frontière française.

Un article de Myriam Angelier,
Avocat au barreau de Marseille