Danse avec les mots

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La compagnie de l’Imparfait a concocté un dispositif original, “Volte”, comprenant plusieurs formes artistiques, mêlant poésie et danse contemporaine (et aussi musique et chant), pour faire l’expérience du corps par les mots, et inversement.

Coup d’envoi avec Artaud

La compagnie de danse de l’Imparfait est créée dans le Var en 1994 par Thierry Giannarelli, directeur artistique. Après Acmaba, L’Éclipse, L’Épopée de GilgameshetComment Wang fo fut sauvé de Marguerite Yourcenar, le spectacle l’Ombilic des limbes d’Antonin Artaud présenté en 2001 définira artistiquement leur travail. Fruit d’une résidence au théâtre de Lorgues, ce spectacle a tourné dans le Var, à l’hôpital psychiatrique de Pierrefeu ainsi qu’à la Friche de Marseille, où il a été accueilli par la compagnie La Liseuse de Georges Appaix.

  • **”Pourquoi « imparfait » ? Ce qui est humain, c’est l’art, c’est aussi l’imperfection.”**

De la neurobiologie considérée comme l’un des beaux-arts…

Thierry Giannarelli, neurobiologiste, a fait une thèse sur l’audiologie (neurobiologie sensorielle) et travaillé plus particulièrement sur la propioception, la sensation que nous avons de notre propre corps, dont nous sommes rarement conscients. Or, le danseur fait appel à ce mode sensoriel qui est pour lui un outil : s’il n’avait que les muscles et leurs capteurs neuromusculaires responsables du feed-back, il ne pourrait danser.
De même, la prise de sens d’un texte est une sensation corporelle. Elle est présente dans le texte ainsi que dans celui qui va recevoir, qui va entendre le texte.
Véronique Delarché, directrice administrative et danseuse, a quant à elle suivi des études en océanographie. Un binôme au parcours pour le moins atypique !

Des activités de médiation

Depuis 10 ans, Thierry Giannarelli mène un travail avec des publics en difficulté (sourds-muets, détenus, internés en psychiatrie) dont un groupe d’handicapés mentaux du CAT de Garéoult depuis 6 ans.
Initier à l’expérience sensorielle, développer une autre intelligence (celle de l’abstraction), faire vivre une émotion et montrer que la démarche artistique est élémentaire pour être heureux, voici la philosophie aristotélicienne de cet animateur attentif.
Thierry Giannarelli est également intervenu dans une dizaine d’ateliers dans des écoles primaires du Var.
Toujours dans cet axe de médiation, un lieu de stages et de répétitions est en
construction à Cabasse. Proche de Brignoles, ce lieu accueillera dès septembre 2004 les personnes voulant se rapprocher du travail de la compagnie.

Le dispositif artistique “Volte” : autour des Métamorphoses d’Ovide*
“Que serait le poème si les mots ne prenaient pas corps ?”

“Volte” est l’attitude intérieure dans laquelle nous nous mettons pour accueillir l’art en nous.
Les expériences proposées par la compagnie participent d’un parcours initiatique vers l’art. Ce parcours est construit en 4 étapes :

1 - Le laboratoire sensoriel et poétique : s’interroger sur le rapport entre le mot et l’action.
Le public entre dans un espace clos, qui peut être aménagé directement dans une médiathèque au milieu des livres comme cela a été le cas dans les médiathèques de
La Valette, St-Raphaël, La Garde, Mandelieu. Plusieurs expériences peuvent être vécues individuellement, accompagnées par des artistes de la compagnie :

  • À l’aide de vibrateurs neuromusculaires, une personne ressent des “illusions de mouvement” : elle ressent sa corporalité, et comprend ainsi ce qu’est la sensation du
    mouvement. L’objectif de l’expérience est d’apprendre à éprouver plutôt que penser, de (re)mettre en route cette capacité.
  • On modifie ensuite le contexte tactile et la personne peut prendre conscience qu’une sensation corporelle n’est jamais une information isolée sur un muscle donné mais toute une globalité.
  • Un artiste dit des mots en même temps que la personne vit “l’illusion de mouvement ” : des visions intérieures de divers mouvements se créent. Les mots prennent sens en devenant des sensations corporelles. Le mot ou la sensation de l’action, n’est-ce pas presque la même chose ?
  • La personne vit une “illusion de mouvement” avec les bras suspendus et on lui dit un passage des Métamorphoses d’Ovide : elle vit l’envol. Les mots liés à la sensation
    corporelle donnent l’impression de vivre l’acte. Apprendre à percevoir, travailler
    “la gymnastique du croire” selon Thierry Giannarelli, voici l’objectif de cette installation.

2 - Les manipulations poétiques :
Dans ce nouvel espace du dispositif, il n’y a plus de vibrateur, d’arte fact. La personne choisit un texte (Erri de Luca, Claudio Magris, Pierre Michon ou Ovide) et ce choix détermine sa position (debout, assise ou allongée).
L’expérience dure 3 minutes pendant lesquelles la personne est amenée au geste, à la danse minimale, par un artiste qui l’invite grâce à son toucher en même temps qu’il lui dit le texte choisi. Au final, le poème s’incarne,… différemment selon les personnes.

3 - Les raccourcis d’art
Trois danseurs, une chanteuse et un guitariste disent ensemble les Métamorphoses lors de courtes séquences (5 minutes). Le lien entre les différents interprètes et les chemins de la construction chorégraphique est rendu très lisible, afin d’emmener le public dans la poésie de ces divers modes d’expression.

4 - “Revenir d’absence”: le spectacle
Danse, parole, chant, musique et vidéo autour des Métamorphoses : pétrification - transformation en animal - transformation en arbre - transformation en oiseau - hominisation - inflorescence ou vaporisation ou transformation en étoile.

La Compagnie a pu également proposer des “Désaltérations poétiques” (manipulation poétique et rafraîchissement) dans le cadre du Festival d’Avignon, des soli (chant ou danse)…
Pour une approche ressentie des mots : invitez vos lecteurs à une nouvelle perception.