Les éditions Hors d'atteinte : l'expérience au cœur du récit

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Fondée en 2018 par Marie Hermann et Ingrid Balazard, la maison d’édition marseillaise Hors d’atteinte ambitionne d’analyser notre époque en faisant entendre de nouvelles voix.

De nouvelles perspectives pour comprendre le monde

L’histoire des éditions Hors d’atteinte commence par la rencontre de Marie Hermann et Ingrid Balazard lorsqu’elles étaient en poste dans des maisons d’édition parisiennes partageant les mêmes locaux. De leurs échanges sur leurs métiers respectifs ou leurs découvertes littéraires est née l’envie de travailler autrement, sur d’autres sujets, notamment sur des questions contemporaines comme la lutte des femmes pour leurs droits, la question coloniale ou encore la reconfiguration du monde politique.

Leur postulat est le suivant : pour mieux comprendre le monde qui nous entoure, un monde qui change vite et profondément, il faut renouveler les perspectives et les cadres d’analyse. Loin des approches théoriques, c’est donc par le biais de l’expérience et du vécu que les deux éditrices proposent d’appréhender notre monde.

Pour mettre au point leur projet, elles se sont entourées de directeurs de collection venant d’autres maisons d’édition, d’universitaires, de journalistes ou de traducteurs, qui composent désormais le comité éditorial de Hors d’atteinte.

Rue des Pâquerettes de Mehdi Charef : leur toute première aventure éditoriale

Avant de fonder Hors d’atteinte, Marie Hermann rencontre Mehdi Charef à l’occasion de la réédition de son ouvrage Le Harki de Meriem (Agone, 2016). S’ensuit le début d’une collaboration qui donne naissance à la première publication de la maison, parue en 2018 : Rue des Pâquerettes.

« Un lien fort s’est créé entre nous, c’est le premier auteur à qui on a parlé de notre projet de maison d’édition. Il a accepté de nous suivre dans l’aventure sans réfléchir. Rue des Pâquerettes est un roman important pour nous : c’est notre premier roman, mais c’est aussi une entreprise à long terme, puisque c’est le premier tome d’une trilogie. Surtout, il correspond totalement à notre ligne éditoriale », explique Marie Hermann.

Dans ce roman autobiographique, Mehdi Charef raconte son arrivée en France, à la fin de la guerre d’Algérie. Avec sa mère, ses frères et sœurs, ils rejoignent son père qui travaille dans la région parisienne. Ce dernier vit dans un bidonville à Nanterre, situé rue des Pâquerettes. C’est là que la famille vivra durant quelques années. Un témoignage donc, qui permet d’aborder une partie complexe et souvent ignorée de l’histoire de France. Rue des pâquerettes traite à la fois d’humanisme, d’espoir, de révolte et d’identité.

Une première publication repérée par le Prix littéraire des lycéens et apprentis de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur qui l’a intégrée à sa  sélection 2019-2020 .  

Les sciences humaines et la littérature autrement

Les deux collections de la maison présentent un graphisme en miroir : l’une au fond blanc, l’autre au fond noir.  « Dès le départ, on avait envie de mettre en parallèle les sciences humaines et la littérature, d’appréhender des aspects parfois incompréhensibles de notre monde à travers leurs outils respectifs », explique Marie Hermann.

La collection “Faits & idées” permet d’aborder l’histoire, la philosophie ou la géographie sous l’angle du vécu. Dans Les Premiers Jours de l’inhumanité (première publication de la collection), le philosophe Jacques Bouveresse revient sur les écrits de l’auteur viennois Karl Kraus (1874-1936) concernant la montée du nazisme, et l’applique à l’époque actuelle afin d’essayer de comprendre comment un régime devient autoritaire.

La collection “Littératures” rassemble quant à elle ce qui traite de l’intime et de l’imaginaire, du passé et de l’avenir. Elle propose d’élargir notre horizon : quel monde serait souhaitable ou, au contraire, quel est le pire qui puisse arriver ? « On veut représenter des littératures qui osent parler de problématiques fortes. Cela peut être de manière détournée, métaphorique, subversive ou épurée. Le roman Cicatrices de Dali Misha Touré, publié à la rentrée 2019, est justement très épuré et simple alors qu’il traite d’un sujet difficile (la polygamie). Il n’y a pas d’artifices, et c’est pour cela qu’il est réussi », précise l’éditrice.

En plus des deux collections et des ouvrages à paraître, la maison d’édition entretient une relation étroite avec la revue Ballast, née en Belgique il y a quelques années. Il s’agit d’une collaboration ouverte dans laquelle chacun fait bénéficier l’autre de son réseau et de ses savoir-faire. Outre qu’elles partagent désormais le même diffuseur (Harmonia Mundi), les deux structures ont des objectifs communs : parler des transformations sociales en mettant en avant la voix de ceux que l’on entend rarement. 

À paraître… 

Avec quatre ouvrages désormais publiés, la maison d’édition n’a pas l’intention de s’arrêter en si bon chemin et a déjà d’autres projets de publication en cours, à paraître fin 2019 ou courant 2020. À venir donc : Organisons-nous ! d’Adeline de Lépinay, prévu pour le mois de novembre, qui réinterroge les bases de l’organisation collective en se basant sur les mouvements sociaux récents.  
Puis suivront un ouvrage consacré à Clara Zetkin (1857-1933), enseignante, journaliste et femme politique marxiste allemande, qui est à l’origine de la Journée internationale de la femme (8 mars) ; et un autre à l’histoire du parti communiste, de ses origines à nos jours, par Julian Mischi, universitaire français, qui aborde la manière dont le parti s’est constitué, la question de son fonctionnement démocratique (ou non) et le rôle important des femmes dans sa construction.