Ramona Bádescu

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Pomelo rêve,Ramona Bádescu aussi.Pomelo est amoureux, Ramona Bádescu aussi.Pomelo est bien sous son pissenlit, peut-être Ramona l’est-elle aussi ?

Titulaire d’un DEUST de formation aux métiers du théâtre, puis comédienne et créatrice d’une compagnie, Ramona Bádescu a débarqué il y a peu dans la littérature jeunesse. Une surprise, même si elle a toujours écrit, essentiellement de la poésie. C’est en 1999 qu’elle rencontre Benjamin Chaud, illustrateur jeune mais déjà confirmé, sorti des Arts Déco de Strasbourg, et qui vit aujourd’hui comme elle à Marseille. La magie de l’inattendu : il lui demande de créer un personnage, elle lui parle d’un éléphant rose. Quelques mois plus tard naît Pomelo. Albin Michel l’accueille, travaille l’objet-livre avec soin : couverture intégra aux belles couleurs, format comme un roman, papier épais, cousu, relié. L’aventure éléfantastique démarre !

Troisième titre de la série, Pomelo rêve sort en librairie ce mois-ci : la même veine, encore plus aérien, plus coloré que les deux précédents Pomelo est bien sous son pissenlit, et Pomelo est amoureux. Un pari réussi : ne tient pas le rythme des séries qui veut. Si les premiers ouvrages avaient planté le décor, un univers potager, farfelu, décalé, sensible, Pomelo rêve s’envole en toute liberté vers l’insolite onirique. Avec une fantaisie du trait au service d’un personnage drôle et contemplatif.
Une envie d’ailleurs pourtant si proche. Se situer en dehors des traditionnels terrains du quotidien ; ici pas d’école, pas de papa ou de maman : qu’est-ce que ça fait quand on est seul ? Poser des questions, ne pas donner de réponse, laisser aller. Car Ramona Bádescu n’a pas de solution. Son Pomelo n’est pas pédago : il sent, hume, explore les mondes de l’enfance. L’odeur de la menthe lui donne des frissons, et s’il a peur que la pluie efface les couleurs, il a toujours un petit mot gentil pour faire rougir les fraises. Sens, sensation et sensualité s’ancrent, au plus près de l’instinct des petits.

Ramona Bádescu a passé ses onze premières années en Roumanie, avec laquelle elle entretient toujours un lien particulier. Elle, entre deux pays, deux cultures, ne sait pas bien qui elle est. Partout, elle se sent un peu étrangère. Et maintenant, elle aime ça. Ancrée dans une ville aussi grande que cosmopolite, déracinée malgré tout, est-ce un hasard si cette auteure porte toujours sur les petites choses de la vie le regard émerveillé de l’enfance ? Elle en garde les émotions, la naïveté, l’infinie tendresse.

Pomelo s’adresse à tous les enfants. Touchant dès 1 an, Pomelo est aussi un compagnon d’apprentissage de la lecture. Des phrases courtes, un personnage que l’on suit sur chaque page : il paraîtrait même que des enfants de CE2 adoptent le petit éléphant. Demain dira si les bambins du monde entier s’y attachent ; car Pomelo entame une carrière internationale : Suède, Allemagne, Corée, Japon… son monde serait-il universel ?

Avec ou sans son comparse Benjamin Chaud, Ramona Bádescu commence à animer ateliers en école ou rencontres (comme à l’Epicerie, lieu associatif marseillais) ; elle connaît déjà bien les salons, telles les récentes éditions de Montreuil et Bologne pour lesquelles son éditeur n’avait pas hésité à décorer son stand d’un Pomelo géant sur fond de poireaux hauts de 3 mètres ! Reste que Ramona Bádescu est partante pour intervenir auprès des acteurs du livre de la région. Y aura-t-il des professionnels intéressés ?… en attendant, elle diversifie ses travaux : écriture d’un texte pour une pianiste, création d’un spectacle pour enfants, publication prochaine d’autres livres pour la jeunesse. Elle espère, à 24 ans, que le succès rencontré ne la cloisonnera pas : écrire pour les adultes, participer à une BD, pourquoi pas ? Envie : un maître mot. Improvisation de vie : une idée à suivre.

Pour mieux expliquer à Benjamin Chaud ce qu’elle veut exprimer, Ramona Bádescu mime son Pomelo… Et à la voir, on finit par penser qu’elle ressemble à son héros. Aussi touchante, des yeux grands comme des soucoupes, qui déclinent les sentiments.