Rencontrer Marion Brunet

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Marion Brunet, auteure de roman noir et de littérature jeunesse, vit à Marseille. Elle rencontre les lecteurs du centre pénitentiaire des Baumettes un jeudi après-midi. Deux heures d’échanges passionnés sur son parcours, son écriture, ses livres et tout ce qui fait oublier le quotidien de détenu.

Marion Brunet grandit dans le Vaucluse dans les années 80. Elle se forme au travail d’éducatrice spécialisée, travaille en hôpital psychiatrique de jour avec des adolescents et au sein de foyers d’accueil pour mineurs pendant 15 ans.
Avant de se lancer officiellement dans l’écriture, elle obtient un DU d’atelier d’écriture, vit des expériences professionnelles puis s’en distancie.
En 2014, Marion Brunet décide de se consacrer entièrement à l’écriture, aux ateliers, aux manifestations littéraires et à son travail de lectrice pour les maisons d’édition.

Son premier roman raconte une fratrie de lycéens qui se heurte au regard de la société : Frangine a été édité en 2013 par Sarbacane, dans la collection Exprim’. Depuis, les adolescents sont le fil rouge de tous ses livres : parce que c’est « un âge riche, passionnant et intense », qui inspire forcément, confie-t-elle.
Mais son lectorat est large. Si sa trilogie de L’Ogre est destinée à la jeunesse, les autres titres sont souvent catalogués “adolescents“, alors qu’ils sont avant tout des livres “transversaux“, capables de toucher adultes comme jeunes.

Discussion sous haute bienveillance

Marion Brunet est venue échanger deux heures durant avec les lecteurs du centre pénitentiaire des Baumettes autour de ces romans L’Été circulaire (roman noir dont l’intrigue se situe à l’Isle-sur-la-Sorgue),Sans foi ni loi (western féminin) et son tout dernier, Vanda (roman qui aborde la maternité).

Blandine Scherer, la bibliothécaire des Baumettes, avait préparé la rencontre, fait circuler les livres et la parole avant d’accueillir l’invitée. Ils étaient 10 (COVID oblige), hommes et femmes, exceptionnellement regroupés lors de la rencontre littéraire, dans la grande bibliothèque lumineuse. Assis dans un grand rond de chaises distanciées, une table basse avec les livres de Marion Brunet au centre, ils avaient beaucoup à échanger pour comprendre ses choix littéraires, sa façon de bluffer le lecteur sur la porosité entre le réel et la fiction ; au point qu’il s’assure de l’emplacement d’un hôpital psychiatrique ou d’un café marseillais. 

« J’ai une narration qui peut parfois être un peu brute. »

Elle raconte sa fabrique à elle : le squelette de l’ouvrage à naître qu’elle élabore en premier et auquel elle donne de la chair.

À l’origine de chaque ouvrage il y a une colère ou une révolte. Marion Brunet écrit de la fiction « prise dans la réalité », elle nourrit ses livres de ses vécus et parle de roman noir plutôt que de polars : « j’ai envie que les genres soient mélangés ».  Aucun personnage ne sera « tout blanc ou tout noir » parce que personne n’est « le mal ni la justice incarnée ». Ses deux derniers ouvrages racontent des mères face au jugement de la société. Et ces thèmes-là résonnent fort dans ce lieu précisément.

L’envie de se mettre au travail est parfois difficile : s’auto-discipliner, dépasser sa peur d’écrire quelque chose de mauvais et si Marion Brunet s’autorise une grande liberté géographique, c’est pour mieux se libérer des clichés et éviter d’ancrer ses histoires dans un lieu réel (Marseille n’est pas citée une seule fois dans Vanda ; la ville se sent, se reconnaît tout en restant un lieu de roman).

Fin de séance, les deux heures sont terminées, retour en cellules. On se hâte de partager le gâteau réalisé avec les moyens du bord par l’un des participants et chacun repart le cœur rempli de ces échanges.

Marion Brunet attend d’autres occasions d’échanger, de continuer rencontres et discussions sur son travail. Si certains livres devraient prendre vie côté cinéma, Marion elle, continue sa voie d’écrivaine avec son écriture engagée… Son dixième ouvrage sera publié en janvier 2021.