Salade Niçoise

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Foin de l’isolement sidéral des libraires, de leurs soi-disant guéguerres et rivalités.
Quand leur principal concurrent s’agite, tisse et consolide sa toile, onze libraires niçois entrent en concertation et décident d’agir.

Comment survivre lorsque l’on est une poignée de librairies indépendantes, de tailles variées, de genres extrêmement divers, que l’on est aussi parfois papetier, parfois dépositaire de presse, et que l’on a en face de soi des concurrents de poids constitués en chaînes ?

Il est bien question de poids en effet. D’en prendre, pour gagner en voix et s’élever contre les entorses à la loi Lang par exemple. S’unir et entrer en résistance ? Pas seulement. Les libraires savent bien qu’il ne suffit pas d’aller contre pour subsister, et qu’en parallèle, il y a urgence et nécessité à s’affirmer, faire valoir ses spécificités, ses compétences propres, travailler ensemble pour monter en qualité. En tout état de cause, un impératif s’impose : gagner en visibilité auprès du public, devenir un interlocuteur représentatif auprès des pouvoirs publics, au service des différentes manifestations culturelles que ceux-ci proposent.

Le projet naît d’une initiative de Jean-Marie Aubert (librairie Masséna) et de Sylvie Brunschwig (Maison de la Presse), de leur désir de faire se rencontrer les libraires indépendants. Par ailleurs, Nice se dote d’un tramway et l’accouchement est long et douloureux pour les commerces d’un centre ville sens dessus dessous. Annoncé pour 2007, le retour au calme doit s’ouvrir sur des jours meilleurs pour nombre de ces commerces fortement malmenés. Et de fait, l’implantation des onze librairies du groupement suit le tracé du futur tramway… Cette renaissance exige que l’on s’y prépare.

Pour l’heure, Libraire(s) à Nice travaille à son identité visuelle, qui sera déclinée dans chacune des onze enseignes : logo et charte graphique seront repris sur divers dépliants, signets, sacs éventuellement, en vitrine et à l’intérieur des magasins. Il s’agit d’être percutant et rapidement identifiable : l’association s’adresse à Olivier Balez, illustrateur, pour la création de l’univers visuel et de la charte graphique, et à Jean-François Ferrandez pour la maquette et la typographie.

Les premières actions s’appuieront sur des opérations d’envergure nationale, dont la communication à grande échelle bénéficiera au lancement officiel de l’association. Puis viendront d’autres opérations, telle « La nuit des Libraires » au printemps 2006, et des rencontres d’auteurs, adaptées aux publics de ces librairies.

Dans leur profession de foi, signalons en vrac une réelle entente, un engagement dans l’expérience de l’altérité, la mutualisation des informations détenues par chacun, une certaine coordination professionnelle, la création d’un véritable réseau de confrères, à même d’orienter le public vers les librairies sœurs et de communiquer sur son existence et son action.

Au seul stade de l’élaboration des dossiers administratifs et de la consultation de quelques organismes et politiques bien choisis, l’association jouissait déjà d’un accueil très favorable.

Et ensuite ? Une fois enracinée sa présence et sa valeur ajoutée, une fois légitimée son existence auprès des divers organisateurs d’événements culturels autour du livre et de la lecture, que pourrait encore proposer une telle association ? sur quels axes pourrait-elle fédérer, dans la durée, l’ensemble de ses  adhérents ? Quelques exemples, malheureusement trop rares encore, comptent de belles réussites : pourquoi ne pas s’engager sur le champ des négociations groupées (sur le transport par exemple), pourquoi pas, à terme, s’entendre à travailler ensemble sur les marchés publics, comme c’est le cas à Rouen ?

L’union fait la force, et la librairie indépendante, que chacun s’accorde à juger essentielle dans le paysage culturel de la lecture et de l’édition de création, a tout à sauver à le rappeler sans cesse.