4 questions à... Guillaume Richez

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Né en 1975 à Avignon, Guillaume Richez est auteur de romans policiers. Diplômé de Lettres modernes à Aix-Marseille Université, il travaille près de Marseille en tant que chef de projet pédagogique pour une collectivité territoriale.

En 2012, paraît chez J’ai Lu son premier roman, Opération Khéops. Le deuxième, Blackstone (Fleur Sauvage), est un thriller géopolitique sélectionné pour le Grand Prix de la littérature policière en 2017. La même année, il crée le blog  Les Imposteurs pour défendre des oeuvres de littérature contemporaine. Il y propose des entretiens grand format et des podcasts de rencontres avec des poètes et poétesses (Rim Battal, Samantha Barendson, Katia Bouchoueva, Juliette Cortese, Jean D’Amérique, Hugo Fontaine, Laure Gauthier, Johan Grzelczyk, Kateri Lemmens, Isabelle Lévesque, Lisette Lombé, Florence Pazzottu, Florentine Rey, Maud Thiria, Laura Vazquez…).

Il contribue au livre Rock fictions (Cherche-Midi, 2018) de la photographe Carole Épinette en signant l’une des nouvelles de cet ouvrage, aux côtés notamment de Franck Bouysse, Amélie Nothomb, Thomas Vinau et Sigolène Vinson.

Il s’agit de Le Marchand de glaces est passé (The Iceman Cometh) du dramaturge américain Eugène O’Neill, publié chez L’Arche dans la traduction de Jean Paris.

O’Neill est un écrivain dont les pièces sont très rarement mises en scène en France où l’on connaît plus l’oeuvre de Tennessee Williams, sans doute en raison des adaptations cinématographiques de ses pièces. Pourtant O’Neill est un grand classique de la littérature américaine. Il est le seul dramaturge américain à avoir reçu le Prix Nobel de littérature (en 1936).

J’avais quinze ans quand j’ai découvert son oeuvre. Un moment important dans ma vie de lecteur car ce n’est pas un livre qu’un professeur m’a proposé de lire au lycée. C’est un livre que j’ai choisi, vers lequel je suis allé spontanément. À ce moment-là, j’écrivais des bribes de scénarios (j’étais un grand cinéphile). Je passais aussi beaucoup de temps à la bibliothèque Ceccano à Avignon. C’est un lieu somptueux qui occupe une place de choix dans le patrimoine avignonnais. L’édifice a été construit au XIVe siècle pour être le palais du cardinal de Ceccano.

Mon goût pour le cinéma me conduisait alors à privilégier la lecture de textes dramatiques. J’ai lu les pièces de Duras avant même de lire ses romans. Et j’ai donc découvert les drames d’O’Neill. Ce fut un véritable choc. Le Marchand de glaces est passé est une œuvre extrêmement sombre dont la lecture a bouleversé le lecteur que j’étais et qui a également eu une grande influence sur ce que j’écrivais dans ces années-là. 

Ma première passion a été pour le cinéma quand j’étais enfant, bien avant la littérature. C’est de là que vient mon envie de raconter mes propres histoires, de créer des personnages. J’avais neuf ou dix ans et je voulais être réalisateur, ce qui peut expliquer l’aspect « cinématographique », très visuel, qui caractérise, dans une certaine mesure, l’esthétique à l’oeuvre dans Opération Khéopset Blackstone.

Je devais pouvoir visualiser la scène, le décor, les personnages, pour écrire. Cette approche s’appuyait donc nécessairement pour moi sur un travail de recherche très poussé, jusque dans le plus infime détail. Cela pouvait aller de la description minutieuse d’une arme et de son maniement, jusqu’à la marque d’une bouteille d’eau minérale que l’on trouve dans la salle de crise de la Maison Blanche !
Quand je choisissais un restaurant pour un chapitre de Blackstone, j’observais très attentivement toutes les photos que je pouvais trouver du lieu, vérifiais les horaires d’ouverture et le menu. Si j’écris que le Po-Boy (une spécialité culinaire en Louisiane) au boeuf rôti coûte 5,95 $ au restaurant Po-Boy Express situé sur Perkins Road à Bâton-Rouge, c’est que je me suis renseigné !

Plus que « cinématographique », je dirais que ma démarche se voulait avant tout hyperréaliste. Il y avait cette ligne-là, mais il y a aussi de très nombreux clins d’œil à la culture populaire dans Opération Khéopset dans Blackstone.

Opération Khéopsétait une oeuvre de commande, un roman écrit en seulement trois mois selon un cahier des charges assez précis. Blackstone était, en revanche, un pur exercice de style. Mon intention était d’écrire un gros roman de genre comme un auteur américain l’aurait fait, comme s’il s’agissait d’un texte traduit.

Que ce soit pour mon premier roman, Opération Khéops, ou pour Blackstone, le processus a été sensiblement le même : j’ai développé la trame tout en effectuant mes premières recherches. L’élaboration du scénario s’est faite de manière concomitante. J’ai choisi d’orienter mes recherches en fonction des idées que je souhaitais suivre, de façon très intuitive.

Parfois cela n’a débouché sur rien, ou très peu. Je me souviens, par exemple, que pour la préparation de Blackstone j’ai notamment lu Les Services secrets chinois : de Mao à nos joursdu journaliste Roger Faligot, un ouvrage de plus de 700 pages dont un seul paragraphe m’a été véritablement utile ! J’ai compilé plus d’une centaine d’articles de presse, lu des ouvrages spécialisés sur les services de renseignement américains, les relations internationales entre les États-Unis et la Chine, le cyber-espionnage, les forces spéciales américaines, les avions de chasse de l’US Air Force, les sous-marins, etc.

Avant de me lancer dans l’écriture, il me faut un sujet qui m’intéresse suffisamment pour y consacrer des années, mais aussi un scénario solide, ­­- ce qui me paraît essentiel lorsqu’on écrit un thriller. Mais le plus important, ce sont les personnages. Je ne peux pas commencer la phase d’écriture si je n’ai pas défini les personnages pour raconter l’histoire à leur hauteur.

Je travaille depuis plus d’un an et demi sur un livre de poésie dont j’ai lu quelques extraits lors du festival de poésie en ligne FAIM ! en mai dernier. C’est un livre qui s’éloigne de tout ce que j’ai pu écrire jusqu’à présent. Il y a eu une rupture très nette dans mon écriture au moment de la publication de mon texte « Érosion » dans Rock fictions. J’ai compris que si je voulais continuer à écrire, il fallait que cela ait un sens véritable pour moi, que ce ne soit pas un simple exercice de style. J’ai commencé par un récit, mais cela ne fonctionnait pas. Je croyais encore travailler à ce texte quand je me suis aperçu que mes notes étaient des poèmes. Je crois aussi que mon activité de critique dans Les Imposteurs m’a permis de prendre conscience de tout cela de manière très fine. Depuis la création du blog, la part que j’accorde à la poésie y est chaque année de plus en plus importante.