Des livres numériques à la portée de tous ?

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Le ministère de la Culture a publié en décembre 2024 une enquête sur l’accessibilité effective des sites de vente et de prêt effectuée auprès de personnes en situation de handicap visuel (le prisme de ce handicap ayant été choisi car l’optimisation d’un site pour des publics aveugles et malvoyants permet d’améliorer le confort d’usage pour tous). Les conclusions révèlent notamment l’existence de nombreuse barrières au bon fonctionnement, qui engendre une insatisfaction des utilisateurs.

Cela fait quelques mois – voire années – que les éditeurs d’ouvrages électroniques s’y préparent ; à compter du 28 juin 2025, leur production littéraire devra être « nativement accessible », c’est-à-dire présenter des caractéristiques techniques permettant de les paramétrer facilement sur différents supports adaptés (via les formats Epub, DAISY…). Le projet Livre Numérique Accessible 2025 porté par la directive européenne 2019/882 et dont le périmètre des obligations a été précisé par un décret en août 2023, a fourni un certain nombre de ressources aux professionnels, notamment via un site internet dédié. En France, on estime qu’environ 820 000 personnes sont empêchées de lire du fait de troubles visuels sévères (une minorité d’entre elles seulement maîtrise le braille). En outre, d’autres handicaps et problèmes cognitifs sont également un frein à la pratique de la lecture pour certaines personnes.

À cette question de l’accessibilité du livre, s’ajoute celle des plateformes. Le ministère de la Culture a ainsi commandé à la Fédération des Aveugles et Amblyopes de France une étude pour évaluer les sites de vente et de prêt sous le prisme d’un usage des personnes en situation de handicap visuel.

La Fédération a constitué un panel de 24 personnes qui ont expérimenté les portails sélectionnés par le ministère : Amazon, Cultura, ePagine, FNAC, Les Librairies, Mollat, la Bibliothèque numérique de la Ville de Paris, La Boîte numérique, Calvados et Les médiathèques Rennes Métropole.

Il convient de préciser que bien qu’un certain nombre de participants soient déjà inscrits sur la bibliothèque en ligne spécialisée Éole (service de l’association Valentin Haüy), seuls 8 % avaient déjà emprunté dans une médiathèque « grand public ».

Les constats sont loin des résultats attendus. En effet, pour la vente, seuls 17 % ont réussi un achat sans assistance, avec un temps moyen pour finaliser une transaction de 52 minutes. Concernant le prêt, il a fallu compter 36 minutes ; 27 % ont réussi à agir de façon complètement autonome. Les principales barrières identifiées sont :

  • La navigation complexe et peu intuitive.
  • Une technologie technique opaque.
  • Des formulaires de processus de paiement/validation de prêt mal adaptés.
  • Un problème de compatibilité avec les lecteurs d’écran.
  • Un manque de guidance dans le téléchargement et l’ouverture des fichiers.

Ces obstacles majeurs surviennent à différentes étapes du parcours et sont souvent liés à une non-conformité des normes RGAA (Référentiel Général d’Amélioration de l’Accessibilité). L’insatisfaction des utilisateurs est majeure : 63 % des sondés ne veulent pas réutiliser les sites de vente de façon personnelle, 1/3 seulement envisage de réutiliser ceux de prêt.


Préconisations

Pour la Fédération, le livre numérique nativement accessible est « une opportunité historique de convergence entre les besoins des publics en situation de handicap et ceux du grand public ». Les formats tels que “l’Epub3” peuvent répondre à une grande diversité de pratiques, et abolissent la distinction entre édition adaptée et édition standard. Pour cela, il faut néanmoins que les plateformes de diffusion respectent les normes en vigueur.

L’étude fournit ainsi un certain nombre de conseils et principes qu’il serait préférable d’intégrer dès la conception des plateformes. L’optimisation des contrastes, la simplification des interactions visuelles ou encore la clarification des formulaires sont par exemple des standards faciles à corriger. Ils doivent être accompagnés d’un investissement dans des solutions personnalisées, ce qu’il n’est possible de mettre en place qu’en testant régulièrement l’expérience avec des usagers.