Éditeurs : financement participatif ou souscription ?

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L’équilibre financier d’un projet éditorial repose sur trois éléments : le coût unitaire de l’ouvrage, son prix de vente au public et la marge laissée à chaque intermédiaire sur ce même prix. Il s’agit donc d’un modèle économique fondé essentiellement sur les frais de fabrication du livre.

Le coût unitaire d’un ouvrage intègre toutes les dépenses liées à la production (impression, conception, achat d’images ou de droits, etc.), mais aussi aux frais annexes (masse salariale, communication propre au lancement du titre, etc.).

L’article premier de la loi sur le prix unique du livre précise que l’éditeur fixe le prix de vente de l’ouvrage, qui reste le même quel que soit le lieu de vente (librairie, supermarché, etc.). Il doit donc, pour ce faire, tenir compte de la marge que chaque acteur de la chaîne du livre (ou chaque maillon) captera : montant des droits d’auteur, coûts de diffusion et de distribution, remise accordée aux points de vente, etc.

Si les ristournes entre acteurs sont plus ou moins contraintes, l’éditeur peut toujours envisager de jouer sur les dépenses de fabrication pour faire baisser le coût unitaire : imprimer en plus grande quantité, rogner sur les frais de lancement du titre, ne pas compter de temps de travail ou se priver d’illustrations.

Mais le risque de méventes, la baisse du niveau de mise en place des titres et la course folle à la nouveauté que se mènent les mammouths de l’édition contraignent les petites et moyennes structures éditoriales à toujours plus de prudence. Les aides à la fabrication proposées par le CNL et certaines Régions permettent de limiter les risques, voire d’abaisser le prix de vente, mais ne sont parfois pas une garantie suffisante pour les éditeurs.

C’est pourquoi, de façon fréquente, ces derniers ont recours à la souscription et, depuis une période plus récente, au financement participatif. Mais quel est l’intérêt de privilégier l’une ou l’autre formule ? Quelles en sont les règles ?

Un éditeur peut lier la publication d’un titre à un seuil minimal de préventes appelées “souscriptions” : il propose à qui le souhaite de préacheter le livre. Le système est encadré par la loi :

  • La souscription est nécessairement limitée dans le temps.
  • Le prix de vente en souscription peut être inférieur au prix de vente public final.
  • Dès que le livre paraît officiellement en librairie, l’éditeur ne peut plus le vendre au prix de la souscription ou de lancement.
  • Si le niveau des souscriptions est insuffisant pour permettre la publication de l’ouvrage, les souscripteurs doivent être remboursés.
  • À aucun moment ce prix ne peut être présenté comme une remise.
  • Il est interdit de lancer une souscription pour un ouvrage déjà existant.
  • Il est interdit de réserver le prix de lancement à une certaine catégorie d’acheteurs (tout le monde doit pouvoir souscrire selon les mêmes conditions).
  • L’assurance d’un seuil minimal de vente permettant de couvrir tout ou partie des frais de publication.
  • L’affinage du tirage en fonction de la demande.
  • L’utilisation de ce seuil de préventes pour rassurer les libraires quant à l’accueil potentiel du public.
  • L’ajustement du prix de vente final.
  • La possibilité pour les lecteurs assidus de profiter d’un prix de lancement plus avantageux.
  • Que les acheteurs du titre se limitent aux souscripteurs (généralement, cercle proche de l’auteur, fidèles de la maison d’édition) et que le tirage soit surévalué.
  • Vexer son auteur en annexant la publication de son livre à la réussite de la souscription.

La capacité de l’auteur et de l’éditeur à mobiliser leurs réseaux.

Les ventes relèvent de la catégorie des marchandises ou des produits finis en fonction des choix comptables de l’éditeur. 

La souscription pour construire un modèle économique :

  • qui s’appuie sur le catalogue et les fidèles de la structure ;
  • qui stabilise les coûts de fabrication ;
  • qui est moins rémunérateur, car touchant un public plus restreint, plus ciblé ;
  • mais qui est plus prévisible.

Plus récent, le financement participatif a le vent en poupe, et un nombre croissant d’auteurs autoédités ou de structures éditoriales y ont dorénavant recours. Il s’agit pour les premiers de financer le temps d’écriture (sur le principe des à-valoir versés par les éditeurs), pour les seconds, d’indexer une publication à un seuil minimal de participations.

« Le financement participatif consiste en un échange de fonds entre individus en dehors des circuits financiers. L’appel de fonds se fait à partir de la description d’un projet précis au moyen d’une plateforme tierce. Le financement peut prendre la forme d’un don, d’une contrepartie, d’un prêt avec ou sans intérêts, ou bien encore d’un investissement en capital. » ( economie.gouv.fr/cedef/financement-participatif )

  • Le porteur présente son projet directement sur une plateforme et énonce ses besoins. Il fixe généralement différents niveaux de participation et y adosse une contrepartie (un livre dédicacé, une rencontre avec l’auteur, une illustration originale, des goodies, une invitation à un salon du livre, d’autres titres du catalogue, etc.).
  • Le participant choisit librement quel(s) projet(s) il souhaite suivre et le(s) montant(s) qu’il souhaite verser.
  • Le montant du don n’est pas plafonné.
  • Le projet est lancé quand le seuil minimal de participations est atteint ou dépassé.
  • Certaines plateformes exigent que le seuil minimal soit atteint pour reverser les sommes.
  • Ce service n’est pas gratuit et est facturé entre 4 % et 7 % du total de la levée.
  • L’assurance d’un niveau de financement suffisant pour imprimer le livre.
  • L’affinage du tirage et du coût unitaire.
  • L’ajustement du prix de vente s’il n’a pas été fixé dans le cadre de la campagne.
  • Le ciblage d’un public plus large que les cercles proches de l’auteur et de la maison d’édition.
  • L’appréciation de la viabilité du projet et de son accueil afin de rassurer certains organismes (des aides publiques nationales ont pu être rapportées à la réussite de ce type de campagne). L’estimation de l’intérêt d’un lectorat diversifié pour le titre afin de tranquilliser les libraires.
  • Que les acheteurs du titre se limitent aux participants à la levée de fonds et que le tirage soit surestimé.
  • Perdre son auteur (en effet, il n’est jamais simple de rapprocher création artistique et risque éditorial).
  • Que la maison d’édition soit taxée de structure à compte d’auteur déguisée en raison de l’indexation, dans le contrat, de la publication du livre à la réussite de la campagne de financement participatif. Ce qui nécessite un autre travail de communication sur les sites de l’auteur et de l’éditeur, ainsi que sur les réseaux sociaux, où les informations s’échangent très rapidement.
  • Épuiser ses réseaux en ayant recours trop fréquemment à la pratique.
  • Un don est soumis à un avantage fiscal pour le participant.
  • Si les fonds dégagés pendant la campagne relèvent de dons sous forme de préachat, ils seront considérés comme des ventes de marchandises ou de produits finis.
  • S’ils concernent des dons avec ou sans contrepartie significative, ils seront considérés comme des produits exceptionnels.
  • Seuls les dons avec contrepartie sont soumis à la TVA (pour les assujettis).
  • Tous les produits sont assujettis à l’impôt sur les sociétés.
  • Le prêt participatif : l’argent n’est pas donné, mais prêté et plafonné à 2 000 euros ; par personne et par projet s’il est avec intérêts (au taux d’usure), et à 5 000 euros ; s’il est sans intérêts. Le porteur est limité à 2,5 millions d’euros d’emprunt participatif par projet.
  • La souscription de titres financiers : les particuliers ou les institutions peuvent prendre part à un projet en acquérant des actions ou des obligations de l’entreprise. Il n’y a pas de plafond de souscription individuelle. Le porteur est limité à 8 millions d’euros de levée de fonds.
  • Sous certaines conditions, il est aussi possible de contribuer à la capitalisation d’une PME-TPE au moyen des “mini-bons”, équivalents de titres émis par une entreprise en échange d’un crédit accordé.