Jean-Marc Pontier fait dialoguer les arts et la littérature

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Jean-Marc Pontier est auteur de monographie, scénariste, dessinateur et professeur de français. Récemment installé dans le Var, il a grandi à Marseille, ville qui inspire son oeuvre pour sa lumière, son histoire.

Sa bande dessinée Que dire ? (scénario de Rebecca Lighieri), sélectionnée pour le Prix littéraire des lycéens et apprentis de la Région Sud 2021, est l’occasion de le rencontrer. 

“L’interdisciplinarité” est votre maître-mot ?

J’ai toujours partagé mes activités artistiques et littéraires entre peinture, écriture et, à la confluence des deux, le roman graphique. Je suis membre fondateur du groupe Autres et Pareils (avec Olivier Domerg, Brigitte Palaggi et Emmanuelle-Bayamak-Tam) qui a pour vocation le partage artistique interdisciplinaire. J’écris aussi des monographies sur des artistes (Edgar Mélik, Max Jacob, David B, De Crécy, Hergé).

Quelles sont vos inspirations ?

Si inspirations il y a, elles ne sont pas vraiment conscientisées. Le motif de la mémoire revient souvent (c’est le thème central de Peste blanche) ou le caractère édifiant du sentiment amoureux (Les Panthères), la folie collective ou l’absurdité du paraître (Saint Trop, avec Christophe Girard). Spatialement parlant, Marseille est une ville qui m’inspire, tant au niveau esthétique que narratif.

Scénariste, dessinateur ou les deux en même temps : que préférez-vous faire ?

Pour moi c’est le même exercice de création : l’important c’est d’inventer des histoires, que ce soit avec les mots, les dessins ou les deux. J’ai adoré écrire Saint-Trop’ pour Christophe Girard parce que je savais que son trait caustique était parfaitement adapté à mon sujet comme j’ai adoré dessiner les personnages de Que dire ? d’après le scénario tellement sécurisant de Rebecca Lighieri. C’est plus difficile quand je mène les deux de front. J’ai parfois l’impression que le dessinateur veut dominer l’écrivain et vice-versa, mais l’idée est de ne créer qu’une seule et même histoire. Ces deux parts un peu schizophrènes sont en définitive au service du récit.

« Je pense qu’il y a en moi deux artistes ratés : un peintre et un écrivain qui sortent de leur médiocrité quand ils travaillent ensemble. »

Que dire de votre dernier ouvrage Que dire ? paru aux éditions Les Enfants Rouges en 2019 ?

Que dire de Que dire ? Que ce fut une aventure extraordinaire avec ma scénariste Rebecca Lighieri (Emmanuelle Bayamak Tam) qui m’a proposé d’illustrer cette nouvelle. Au départ j’étais perplexe : son texte était tellement parfait en soi que je ne voyais pas ce que je pouvais y ajouter. J’ai dû me décomplexer et décider d’en faire un nouvel objet. Je me suis emparé des personnages et la dimension graphique leur a donné une autre vie. C’est une belle histoire d’amour impossible, une tragédie du silence, en quelque sorte, qui a pour écrin le splendide terrain de jeux du Palais Longchamp à Marseille. Rebecca a validé tous mes choix graphiques, ouf ! En même temps je savais que nous avancions sur la même onde de sensibilité. Les lecteurs nous ont suivis puisque le livre a été sélectionné pour le Prix des lycéens .

Comment s’est passée la rencontre avec votre éditeur Les Enfants Rouges ?

J’ai rencontré Nathalie Meulemans au festival BD de Bastia. Je lui avais proposé une histoire courte qu’elle a publiée dans une revue. Puis on a décidé de faire un recueil de petits récits graphiques (Pièces obliques) et les autres livres ont suivi. Nathalie est une éditrice fidèle qui défend mes projets avec enthousiasme, même si je ne suis pas vraiment un auteur à succès. Les Enfants rouges est une petite structure, humaine et pour ainsi dire familiale tout en étant très pro. C’est un format qui me va.

Sur quoi travaillez-vous actuellement ?

J’ai entamé pendant le confinement un roman graphique qui se passe à Marseille dans les années 1920. Il y avait à l’époque le « quartier réservé », un vaste repaire de maisons closes et de prostituées plus ou moins clandestines, de trafics en tous genres. Mais c’est là aussi qu’ont débarqué en Europe les premiers joueurs noirs de Jazz américains. J’ai imaginé un maquereau qui veut que son fils reprenne l’affaire. Mais son fils est un intello qui préfère les livres au commerce des femmes. Ça va s’appeler Fils et j’en ai pour deux ou trois ans…