Le livre face à la pandémie : chronique d'une crise dans 9 régions françaises

Publié le

Au printemps 2020, dans le temps de sidération du premier confinement et les semaines qui ont suivi, neuf agences régionales du livre (dont Provence-Alpes-Côte d’Azur) réunies au sein de la Fill ont mené en pleine crise dans leurs régions respectives des enquêtes auprès des acteurs de la chaîne du livre. Plus de 8 000 professionnels ont ainsi été sollicités entre le 15 mars et le 15 mai 2020, 1 553 d’entre eux ont répondu aux questions, soit un taux de retour de 20 %.

Les données collectées ont été rassemblées en une synthèse interrégionale intitulée Le livre face à la pandémie. Chronique d’une crise dans neuf régions françaises. Ce travail constitue l’amorce d’une observation partagée qui se poursuivra en 2021.

En voici quelques extraits :

Auteurs et autrices, la grande solitude

« Maillon de la chaîne du livre aussi essentiel que précaire, l’auteur est très fortement touché par la crise sanitaire. Sans statut spécifique, souvent ni salarié ni travailleur indépendant, l’auteur a bien du mal à faire entendre sa différence dans l’urgence de la crise. Les pertes financières pour les seuls mois de mars et avril sont évaluées en moyenne à 3195 € en Occitanie, 2907 € dans les Hauts-de-France. 44 % des auteurs répondants en Provence-Alpes-Côte d’Azur déclarent être dans une situation allant de “difficile” à “dramatique”. »

L’absence de statut de l’auteur : redoutable en temps de crise
Sur l’ensemble des auteurs publiés à compte d’éditeur, une majorité dispose déjà d’une activité rémunératrice autre (environ 65 % en Provence-Alpes-Côte d’Azur) et donc d’un statut : salarié, profession libérale, microentrepreneur, etc. Grâce à ces statuts, l’auteur/salarié (par exemple) dispose d’une sécurité sociale, retraite, chômage, allocation familiale, etc. Or, il n’existe pas de statut d’auteur (comme il n’existe pas de statut pour les plasticiens par exemple). Les artistes-auteurs, dès qu’ils perçoivent des revenus issus de l’exploitation d’une oeuvre artistique, relèvent du régime général de la sécurité sociale. Cela ne constitue pas un statut. C’est pourquoi les auteurs pratiquent la pluriactivité qui nécessite de jongler avec différents statuts.

Maisons d’édition, la double peine

« Les maisons d’édition indépendantes, nombreuses en région, sont doublement atteintes par la crise sanitaire. La fermeture des librairies d’un côté, l’annulation des salons et festivals du livre de l’autre, les privent de leurs deux espaces privilégiés de vente au public. Si 88 % des éditeurs interrogés constatent une baisse des commandes et si 81 % sont contraints de reporter des projets de publication, 75 % du panel ont également été fortement touchés en tant qu’exposants sur un salon ou un festival, 41 % en tant qu’intervenants et 36 % comme organisateurs de manifestations annulées ou reportées. Le cumul des deux phénomènes met l’édition en grande difficulté. »

En Provence-Alpes-Côte d’Azur, 66 éditeurs répondants (sur 140 recensés) comptent 269 titres reportés, initialement prévus entre mars et juin 2020,  soit 50 % de la production annuelle, 84 titres annulés (15 % de la production annuelle) et 126 titres morts (23 % de la production annuelle). 80 % des éditeurs interrogés ont reporté des titres et 30 % en ont annulé. 45 % d’entre eux pensaient commercialiser à nouveau les titres reportés en 2021.
On estime une perte d’activité moyenne sur la période de 60 % du chiffre d’affaires (46 % des ventes des éditeurs de la région proviennent des achats en librairie).

Librairies, le choc de la fermeture 

« L’arrêté de fermeture du 14 mars 2020 a été un véritable coup de massue pour les librairies françaises, soudain ramenées au rang de “commerces non essentiels”, priées de baisser le rideau en attendant des jours meilleurs. Maillon fragile de la chaîne du livre, la librairie lui est néanmoins “essentielle”. Qu’elle ferme, et c’est toute la filière qui se met à l’arrêt. […] Pendant le premier confinement, 75 % des librairies répondantes ont fait appel au fonds de solidarité TPE PME, 64 % ont négocié des délais de paiement auprès de leurs fournisseurs, 61 % ont mis en partie ou en totalité leurs salariés au chômage partiel, 54 % ont demandé des reports de charges sociales, 41 % envisagent d’avoir recours à la garantie bancaire BPI (l’emprunt garanti par l’État semble particulièrement bien adapté à la profession).

En Provence-Alpes-Côte d’Azur, en juin 2020, le montant des emprunts contractés s’élevait à 3,8 M€, le montant des subventions attribuées à 2,2 M d’euro;. »

Manifestations littéraires, un effet domino

« Si certains en doutaient encore, la crise sanitaire montre avec force le rôle essentiel joué par les salons et festivals dans l’écosystème du livre. Leur annulation soudaine a mis en difficulté auteurs, éditeurs, libraires, médiateurs, qui y rencontraient leur public, et y puisaient une part conséquente de leur économie. »

Bibliothèques, maintenir le service au public

Fermées pendant le confinement, les bibliothèques ont fait preuve d’initiative et d’innovation pour maintenir le service au public, tout en protégeant les personnels et les usagers.