Libar M. Fofana

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Son éditeur le présente comme un écrivain-né. Sous l’intrigante formule se cache l’homme comblé d’un don révélé tard dans sa vie. Et, en l’occurrence, quel don !

Pour Libar Fofana, cette révélation est liée à un bouleversement des perceptions. Lors d’un concert, il devient malentendant. Hospitalisé à La Timone, il s’ennuie, se réfugie dans un univers parallèle, lit Vian, se décale. Se met à griffonner : drôle d’endroit pour une rencontre avec l’écriture ! Puis vient le moment où le besoin d’être à nouveau dans le monde le prend. Il écoute, beaucoup, différemment. Il retranscrit, il écrit ; de petites histoires d’abord, des anecdotes ; puis des fabliaux, puis des nouvelles. Un concours d’écriture éveille le désir d’être édité. Il écrit un roman, Le fils de l’arbre, l’envoie à Gallimard, qui le publie. Son deuxième ouvrage, N’Körö, vient de paraître.

Libar M. Fofana prend le lecteur par la voix, la main, et l’emmène en Afrique.
Une Afrique tout autre que celle des famines et des guerres, représentée sans cesse en Occident. Une Afrique qui prend aux sens. Il y entrelace les destins, conte l’essence de la vie, les hommes qui pleurent, aiment, doutent. Et si on lui demande le pourquoi d’une scène, d’une attitude, il répond inlassablement : « c’est la vie qui est comme ça. » Toujours coller à la réalité en mettant à jour les liens imperceptibles qui unissent les hommes…

Le livre, la connaissance tissent un ouvrage complexe dans ses intrigues. Ce qui illustre la fascination de l’écrivain pour les dictionnaires, dont la vertu n’est pas tant d’apprendre des mots que des savoirs. A ses yeux, c’est le recueil le plus complet car on y parle de tout, un petit peu !

Et l’un de ses personnages d’ajouter : « La sagesse n’est pas dans l’accumulation du savoir, mais dans l’utilisation que l’on fait de ce savoir ».

Libar M. Fofana mêle habilement malinké et français. Certains lui reprochent l’utilisation, même saupoudrée, d’un français enfantin, sans les « r », qui véhiculerait l’image dégradante du « petit nèg’e ». Mais une fois encore, il répond que c’est la réalité de son pays, et au-delà de l’Afrique francophone tout entière.
Les proverbes sont distillés au fil des aventures. En Guinée d’où est originaire l’écrivain, ils font partie du quotidien. C’est une façon de vivre, une expression de la sagesse populaire portée en particulier par les vieux, les femmes et les griots. Une invitation permanente à la réflexion : à chacun d’y trouver sa voie.

Rester simple, favoriser au maximum une lecture fluide, des phrases courtes : Libar M. Fofana tend vers le dépouillement, dans l’idée d’ennuyer le moins possible. Et dans le souhait d’exprimer l’oralité.

Il désire aborder des sujets plus profonds, plus denses, plus forts. S’il a mis jusqu’à présent entre 12 et 15 mois pour écrire ses romans, il veut davantage s’accorder le temps d’écrire des textes plus longs. Et peut-être ira-t-il entre deux romans enregistrer des contes, et contribuer ainsi à perpétuer la mémoire de l’Afrique.

Aujourd’hui, Libar M. Fofana se prend de plus en plus au jeu des rencontres avec ses lecteurs. Il affectionne le dialogue avec les lycéens, leur regard sur la littérature, leurs questionnements enrichis par leur désir fréquent d’écrire, que ce soit à Bamako, à Lille, ou dans les quartiers difficiles. En revanche, il ne croit guère aux ateliers d’écriture, car selon lui il n’y a pas d’école pour écrire. Il sait juste expliquer sa démarche, son style et avant tout, il aime à raconter des histoires. Professionnels de la région, profitez-en pour régaler vos publics !