Être propriétaire d’une œuvre permet-il de se l’approprier ?
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La question se pose fréquemment pour le propriétaire d’une œuvre de savoir s’il peut librement l’exploiter puisque il en a la propriété physique.
Selon l’article L111-3 du Code de la propriété intellectuelle, la propriété de l’objet matériel est indépendante de la propriété incorporelle dont l’auteur reste titulaire. La simple acquisition de l’œuvre n’autorise pas son exploitation tant que l’œuvre n’est pas tombée dans le domaine public. L’exploiter constituerait un acte de contrefaçon selon l’article L122-4 du Code de la propriété intellectuelle selon lequel « Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur (…) est illicite», et l’article L335-3 du même code selon lequel « est (…) un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion (…) d’une œuvre de l’esprit en violation des droits de l’auteur (…) ».
Ainsi, le propriétaire du mur sur lequel figure une œuvre d’un artiste connu ne peut vendre son mur. Ce serait un acte de contrefaçon et une violation du droit moral de l’auteur. C’est ce qui a été jugé dans l’affaire du graffiti (œuvre murale) Slave Labour de Banksy, qu’un collectionneur inspiré… par l’appât du gain a tenté de faire vendre par une galerie américaine après avoir acheté une partie du mur, support de l’œuvre, à son propriétaire….
Plus compliquée est la situation de l’artiste qui emprunte à un artiste. La création ex nihilo est rare, et là où un artiste peut dire qu’il s’est simplement inspiré d’une œuvre, peut être considéré par le créateur « repris » comme un pillage. Même s’il s’agit de reproduction de fragments d’œuvres, il faut l’autorisation préalable de l’auteur, ce qui est rappelé par l’article L113-4 du Code de la propriété intellectuelle selon lequel « L’œuvre composite est la propriété de l’auteur qui l’a réalisée, sous réserve des droits de l’auteur de l’œuvre préexistante ».
Mais à l’heure du numérique, les créations dites « transformatives » (mashup, bootleging, remix, fanvids, fan-fiction, UGC, etc.) se font majoritairement sans demande d’autorisation, sans que cela n’encombre les juridictions (voir le rapport de Mme Benaboun, mission du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique sur les «œuvres transformatives »).
© Vincent Schneegans, avocat à Marseille, pour l’ArL Provence-Alpes-Côte d’Azur, 2017