Lors d'une réimpression, un éditeur peut-il supprimer certaines bulles d'une BD sans l'autorisation de l'auteur ?

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L’auteur bénéficie d’un droit au respect de son œuvre qui est « perpétuel, inaliénable et imprescriptible » (article L121-1 du Code de la propriété intellectuelle). L’objectif de la loi est de protéger à la fois la personnalité de l’auteur à travers sa création, et la communication de l’œuvre comme l’auteur l’a souhaité.  La lettre et l’esprit ne font qu’un !

Dit comme cela, il semblerait qu’il n’y ait aucune limite. Et le « tout à l’égo » de l’auteur, conforté par une telle rédaction, pourrait le pousser au procès à chaque virgule de travers.  Il se heurterait alors au juge, lequel a dans ce domaine comme en beaucoup d’autres, une marge d’appréciation. Le droit n’est pas mathématique…

Pour ce qui concerne l’intégrité de l’œuvre, les juridictions sont moins regardantes lorsque l’enjeu est plus technique que littéraire. Dans ce dernier cas, lors d’une réimpression d’un livre dont la 4° de couverture a été modifiée sans l’accord de l’auteur, et jugée dévalorisante, l’éditeur a été condamné (Cour d’appel de Paris, 25 mars 1998). Condamnation aussi de l’éditeur qui lors d’une réimpression supprime des photographies… et les légendes qui les accompagnent : le juge considère que les légendes « participaient de l’écriture de l’ouvrage en ajoutant un commentaire qui venait appuyer le propos de l’auteur chapitre après chapitre » (Cour d’appel de Paris, 25 Juin 2010). En revanche, un juge lyonnais n’a pas été ému par quelques fautes d’orthographe… (Cour d’appel de Lyon, 12 juin 1989).

Pour les bandes dessinées, ce sont souvent les personnages qui sont l’enjeu de conflits (Tintin par exemple). Et les lecteurs assidus de BD ont un grand respect pour leurs bulles, parfois plus encore que leurs auteurs. Autant donc éviter toute suppression intempestive…

© Vincent Schneegans, avocat à Marseille, pour l’ArL Provence-Alpes-Côte d’Azur, 2011