Quelle est la portée du droit de divulgation en matière d’œuvres posthumes ?

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L’article L 121-2 du Code de la propriété intellectuelle prévoit :
« L’auteur a seul le droit de divulguer son oeuvre. Sous réserve des dispositions de l’article L. 132-24, il détermine le procédé de divulgation et fixe les conditions de celle-ci.
Après sa mort, le droit de divulgation de ses oeuvres posthumes est exercé leur vie durant par le ou les exécuteurs testamentaires désignés par l’auteur… »

Il est fréquent qu’un auteur désigne de son vivant son exécuteur testamentaire et lui transmette de ce fait son droit de divulgation.
 
La question qui peut alors se poser est celle de savoir si la personne ainsi désignée pourra seule signer un contrat d’édition pour une œuvre posthume ou si ses pouvoirs se limiteront aux seuls choix du moment et des modalités pratiques de la publication.
 
Dans cette seconde acception du droit de divulgation, l’exécuteur testamentaire ne pourrait s’affranchir de l’accord des titulaires des droits patrimoniaux pour négocier les modalités financières d’un contrat d’édition.
 
Dans un arrêt du 25 mars 2010, la Cour de cassation a clairement opté pour une interprétation extensive du droit de divulgation.
 
L’affaire soumise aux juges, opposait la fille d’Emmanuel Levinas à son frère à qui elle reprochait d’avoir signé seul un contrat d’édition pour des œuvres posthumes de leur père.
 
Ce dernier opposait à sa sœur le fait que son père lui avait légué par testament son droit moral pour « la publication et la conservation des manuscrits et des œuvres déjà éditées ».
 
Dans son arrêt, la Cour de cassation approuve la Cour d’appel de Paris d’avoir validé le contrat d’édition et proclame que le droit de divulgation, attribut du droit moral, emporte le droit de déterminer le procédé de divulgation et celui de fixer les conditions de celle-ci, ce qui autorise son titulaire à signer seul un contrat d’édition, y compris pour en déterminer les modalités financières.
 
Cette solution n’allait pas de soi, dans la mesure où le contrat d’édition est avant tout un contrat de cession du droit patrimonial de reproduction.
 
La primauté du droit moral que consacre ici la Cour de cassation ne sera pas sans conséquences pratiques importantes dans la gestion des droits d’auteur.

© Franck Benalloul, avocat à Marseille, pour l’ArL Provence-Alpes-Côte d’Azur, 2010