D'une rive à l'autre

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L’Île aux mots a ouvert ses portes le 4 février 2024 dans le 2e arrondissement de Marseille, à proximité immédiate de la future cité scolaire internationale Jacques Chirac. Un lieu culturel accueillant où il fait bon accoster.

Formé à l’école polytechnique d’architecture et d’urbanisme d’Alger, Nadir Yacine rejoint la France au début des années 2000 et choisit de s’y installer. Après vingt années dédiées à la maîtrise d’ouvrage en management de projets urbains, il a une idée : « Il y deux ans, j’ai publié un premier roman (Insularités, éditions Frantz Fanon). J’avais besoin de transmettre, de revivre mon Algérie à travers les mots et ses multiples identités. Mettre ce pied dans l’univers du livre m’a permis de me rendre compte de ce que j’aimais avant tout : transmettre, montrer la pluralité des pensées comme des idées ». Et quoi de mieux qu’une librairie pour faire vivre de telles envies ?
Lorsqu’il entend parler de la construction de la cité scolaire pensée comme une jonction des peuples, des langues et des cultures, il commence à visiter des locaux dans le quartier d’Arenc : « Cette ambition affichée correspondait parfaitement à mes recherches : un projet multiculturel. J’ai aussi découvert un quartier en profond changement partagé entre le port, les centres d’affaires, les administrations et une population locale, populaire, à cheval entre ces nouveaux ensembles et les banlieues nord de Marseille. Quand j’ai vu que la première bibliothèque était si éloignée et que mon confrère le plus proche était au Mucem, mon choix a été vite arrêté ! »

L’île aux mots propose déjà près de 3 500 références dans un espace de 77 m². Un tiers du fonds est dédié aux littératures étrangères traduites et françaises, proposant à sa clientèle de voyager entre les deux rives de la Méditerranée, de petits sauts de puces en Amérique latine, en Asie ou bien encore dans les fjords nordiques. Le stock jeunesse représente lui aussi un tiers des titres, toujours dans ces problématiques d’ouverture aux autres, de curiosité, de libre arbitre ; les publications du Port a jauni y sont fortement représentés, tout comme l’ensemble du catalogue des Belles Lettres.
Le tiers restant se répartit entre romans noirs, BD, mangas et vie pratique, mais c’est bien dans les « essais » qu’on retrouve toute l’essence du projet mené par le libraire : « Ces écrits servent à questionner l’actualité, le monde, sa sociologie et ses dérives. Nous avons voulu mêler les pensées du féminisme, de l’écologie, du dialogue interreligieux, de l’inclusion, mais aussi de la compréhension de l’histoire, des migrations, de l’évolution des civilisations méditerranéennes. C’est très important de pouvoir dialoguer avec les jeunes générations, leur faire entendre d’autres histoires, leur montrer d’autres chemins. Nous vivons notre métier comme un bastion contre l’obscurantisme ».
Attachée à faire vivre les ouvrages locaux, la boutique héberge également de très nombreuses maisons d’édition de la région et plus particulièrement des marseillaises et n’hésite pas à présenter quelques titres en autoédition. Autre singularité, le déploiement de supports dédiés aux enfants en situation de handicap, autisme, Asperger ou autres troubles « dys » : « C’est une très forte demande de notre lectorat ! ».

La structure n’a de cesse de communiquer en quête d’une clientèle plus large et dans l’attente de l’ouverture définitive de l’École internationale. Après seulement trois mois d’existence, les libraires ont déjà organisé plus de 10 rencontres, hors et dans les murs : « Les auteurs semblent contents de venir ici et ces rendez-vous nous amènent plus de public. Nous avons des gens de toute la ville qui viennent et se brassent avec les habitants du quartier. C’est une vraie satisfaction pour nous de voir toutes ces personnes se croiser et se réunir autour des livres et de la pensée ».