Emprunter les voix de l'imaginaire

Ses deux fondateurs, Julien Mazars et Timothée Encinar, se connaissent depuis leurs années de lycée à Arles. Le premier a été formé à l’École du Louvre et a travaillé pour la fondation Luma Arles en tant que médiateur, assistant de production et chargé d’accueil à la librairie itinérante. Le second, après un BTS management des unités commerciales et une licence pro spécialité « Librairie » à l’IUT d’Aix-en-Provence, a été libraire pendant douze ans (Cultura, Arles BD).

Installés à la place de La Boîte à histoires, librairie jeunesse depuis 1975, les deux gérants ont souhaité maintenir cet axe de travail. Ils ont donc engagé une salariée de l’ancienne équipe et ont conservé de la précédente structure un fonds jeunesse important ainsi que les marchés avec les écoles, tout en développant un projet autour des littératures de l’imaginaire.

Les Voix des chapitres dispose ainsi d’une sélection de 8 000 références dans 90 m², la surface ouverte au public ayant été agrandie. Hors l’espace jeunesse, les libraires proposent des références choisies qui mettent en avant certains titres. Ils instaurent un classement original : science-fiction, fantastique, fantasy, policier, document (beaux livres, essais sur la littérature et sur la pop culture) et monde réel (qui comprend les ouvrages historiques, certains mangas – comme ceux de Taniguchi –, la romance et, pour la partie adulte, les « Mauvaises vies », « Histoires un peu trash », « Critique sociale énervée », etc.).
Chaque rayon se compose d’un segment « Tout public » et d’un autre « Adulte ». Certaines classifications devenues courantes, comme « Young adult » ou encore « Shonen » et « Senen » dans le manga, ne trouvent pas leur place ici. S’affiche une volonté de favoriser les passerelles et de distinguer les contenus qui s’adressent à tous de ceux qui visent un public spécifique ou averti par leurs thèmes ou leur traitement (comme l’horrifique ou les romans policiers mettant en scène des serial killers). Les ouvrages sont ensuite classés ainsi : le roman en haut, la BD au milieu, le manga en bas. Cette organisation permet de décloisonner les catégories et de promouvoir la transversalité des genres de l’imaginaire.
Une réflexion sur les liens entre les deux fonds (jeunesse et tout public/adulte) a en outre conduit l’équipe à créer une pastille « Contenu sensible » : « En fonction des références et des habitudes ou de l’âge, certains livres ne sont pas adaptés et sont trop compliqués ; il était important de prévenir nos clients. »

Si Les Voix des chapitres est avant tout une librairie, le projet se veut plus large ; il s’agit de proposer un espace de rencontre et de partage aux différentes communautés de lecteurs, mais accueillant d’autres acteurs : rôlistes, cosplayers, joueurs, etc. Des partenariats avec des associations situées à proximité (Baraka Jeux) ou avec d’autres librairies spécialisées (comme la Grande Librairie internationale, avec un dépôt d’ouvrages en langue originale ou bilingues qui permettraient au lecteur d’accéder avant traduction à une série complète) sont envisagés afin de favoriser l’inscription du lieu dans la dynamique du quartier.
Très actifs, Thimothée et Julien ont lancé, avant même l’inauguration de la librairie, un podcast thématique et ont créé des vidéos avec leur mascotte Potsi ; ils publient aussi régulièrement des posts sur les réseaux sociaux. Dès l’ouverture, des rendez-vous y ont été programmés : des lectures dans le cadre d’un événement « Chair de poule » Bayard ; une rencontre/dédicace avec l’autrice Jessica S. Olson en décembre 2023 ; une autre est annoncée le 17 janvier avec l’autrice Sarah Rivens pour son dernier roman, Lakestone (édité chez HLAB).

Les deux gérants ont de nombreuses idées pour faire vivre leur boutique ; ils souhaitent par exemple organiser des tables rondes sur la pop culture et les sciences avec des autrices ou des chercheuses comme Alexandra Fouilleroux (L’Astrobiologie expliquée par Godzilla, Star Trek… & la pop culture !, L’Étudiant Éditions, 2023) ou Lolita Graziosi-Broissiat, autrice d’une thèse sur les super-héros. Ils aimeraient également mettre en place des ateliers pour les enfants ainsi que des lectures dans le cadre scolaire ou sur place, ou encore des sessions de jeux de rôle. Un projet résumé par le nom du lieu, qui ouvre une réflexion sur la diversité des littératures de l’imaginaire en jouant sur l’homonymie des termes : voix/voies, chapitre faisant référence à la fois au livre et à une assemblée religieuse (au sens de regroupement d’une communauté et de son lieu de réunion).

À découvrir…