Guillaume Guéraud

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LeMangade Guillaume Guéraud, ou la volonté de faire voler les mots et les pensées dans tous les sens, paraît en mars. Le monde normal manque vraiment de cinglés !

Dans son curriculum vitae, voici comment l’attachant énergumène se présente :
« Guillaume Guéraud est né en 1972 à Bordeaux. Vit aujourd’hui à Marseille, parce qu’il est tombé amoureux d’une fille qui vivait là. Son palmarès : meilleur butteur de sa cité dans la banlieue de Bordeaux à 11 ans. Deux ans plus tard, il apprend à forcer les antivols de mobylettes. 03/20 au bac de français en 1989. Travaille comme journaliste dans la presse mais se fait virer de partout grâce à son insolence. Au chômage, il écrit maintenant des livres parce qu’il n’a rien trouvé de mieux à faire. Pour gagner de l’argent, il finira peut-être par braquer des banques ». Suit sa bibliographie, aux titres souvent à eux seuls éloquents… Cité Nique-le-Ciel, Affreux, sales et gentils, Dernier western, Ça va déménager, Arrête ton cinéma, La belle est la bête, Ma rue, Arc-en-Fiel

Est-ce parce que Guillaume Guéraud est nostalgique de son adolescence que ses personnages ont entre 13 et 15 ans ? C’est en tout cas une des raisons pour lesquelles l’auteur se sent particulièrement à l’aise avec cet âge qu’il qualifie de tous les extrêmes, du pire comme du meilleur. Et qui lui permet, dit-il, de faire faire n’importe quoi à ses personnages, tout en restant crédibles !
S’ils ne sont pas autobiographiques, les livres de Guillaume Guéraud ont pris la teinte des ambiances et anecdotes de sa vie en cité. Les quartiers difficiles, mais aussi l’asile, la Guerre d’Indochine, les sans-papiers, les réserves indiennes… : les sujets, les toiles de fond peignent toujours des réalités sociales difficiles. Avec ses premiers livres, il voulait changer le monde, et pourquoi pas déclencher une révolution ! Maintenant, il espère simplement que ses lecteurs ouvriront plus grands leurs yeux.

Paradoxalement, il ne se sent pas écrivain à messages. Pour lui l’essentiel est avant tout de raconter une histoire, forte. Et pour cela, les personnages en révolte, écrasés, exclus, que ce soit par la folie ou la misère, lui semblent les plus intéressants. Et plus il y a de violence, plus il y a de force.

Violent dans ses mots écrits, le voilà placide dans ses mots dits.

Très souvent sollicité pour animer des rencontres avec de jeunes ados, Guillaume Guéraud s’amuse des réactions opposées que suscitent ses livres, perçus comme porteurs tantôt de haine, tantôt de tolérance. S’il s’étonne de constater que certains professeurs appréhendent sa venue en classe, il reconnaît affectionner les rencontres avec ceux qui n’ont pas aimé ses ouvrages ou les critiquent vertement. Les CM ou les 6e, les mauvais élèves, les perturbateurs constituent son public de prédilection : identification, ça réagit, ça fuse. Et l’on ne sera pas déconcerté d’apprendre que parmi ses livres, ce sont les plus radicaux qu’il préfère, ouvrant la voie à toutes les discussions.
Faire lire, sortir du cadre quotidien, démystifier l’écrivain : autant de rôles que tient l’écrivain intervenant, en se gardant de verser dans l’animation de débat politique.

Centres sociaux, collèges, bibliothèques de quartier font appel à lui pour animer également des ateliers d’écriture. Il n’accepte désormais que les projets où il sent une réelle motivation : quand les jeunes ne sont pas préparés, gare à l’ennui.

Sceptique sur l’intérêt et la possibilité d’écrire à plusieurs, Guillaume Guéraud a développé une méthode de travail à partir de supports visuels, qui n’aboutit pas forcément à un texte commun. Comme un accompagnement. Il ne semble pas persuadé que l’écrivain ait plus de légitimité à apprendre à écrire que le jardinier… lui c’est au cinéma qu’il a appris à aimer raconter des histoires. Et en lisant.

Au début, les phrases coulaient toutes seules, un style parlé, familier. Maintenant, ses écritures lui demandent plus de travail. A cheval sur un roman adulte et des albums pour tout petits, il ne rêve que d’une chose : écrire et en vivre, ce qui n’est pas le moins hardi des paris.