Laura Vazquez, une rentrée littéraire remarquée

Publié le

Née en 1986 à Perpignan, Laura Vazquez fait partie de la “génération Internet”. Elle s’en nourrit, visite les réseaux sociaux, note ce qui s’y passe. Dans La Semaine perpétuelle,un jeune garçon renonce au monde, à la manière des moines. Il reste chez lui, regarde et questionne la société en partageant des vidéos et en postant des poèmes.

« Je regardais beaucoup de vidéos de jeunes gars musulmans qui expliquent la vie sur Youtube. Ils abordent des thèmes variés. Ils entrecoupent leurs vidéos de chants coraniques. Ce qui est intéressant, c’est que ce sont des traductions de l’arabe ancien, cela donne en français une langue très étrange, nouvelle, avec beaucoup d’images. Je suis donc partie de cette langue-là et de deux jeunes gars sur Internet qui expliquent pourquoi on meurt, pourquoi on voit les choses, comment on les voit…», raconte l’autrice.

Bien qu’elle soit issue d’un milieu familial où le livre est absent, Laura Vazquez se souvient qu’elle écrivait déjà enfant : des prières contre la mort, des poèmes, de petites narrations. Plus tard, lorsqu’elle fait ses études littéraires en Espagne dans le cadre du programme Erasmus, elle s’intéresse à la poésie contemporaine et découvre alors, par le biais d’Internet, un milieu vivant, des auteurs, des écritures accessibles, « pas intellectuelles ». Une voie s’ouvre à elle : elle se dit qu’il est possible de l’emprunter. Un premier texte est retenu et publié par la revue Boxon en 2012.

Il y a une dizaine d’années, elle s’installe à Marseille, y fait de nombreuses rencontres et est invitée aux “Inédits” du Centre international de poésie Marseille (cipM) en 2013. Elle explore ensuite l’engagement physique de l’écriture en pratiquant la lecture publique de ses textes en France et à travers le monde (Ming Contemporary Museum, Shanghai, Chine ; Actoral, Paris et Marseille ; Centre Pompidou, Paris ; musée d’Art contemporain, Genève, Suisse ; Norsk Litteraturfestival, Norvège ; festival Voix vives, Tolède, Espagne ; centre d’art Perdu, Amsterdam, Pays-Bas). Parallèlement, elle compose aussi des pièces sonores et crée des vidéos, seule ou avec d’autres artistes ; elle a notamment formé  le groupe TSUKU avec Simon Allonneau. 

Son premier ouvrage, La Main de la main, paraît aux éditions Cheyne en 2014 (prix de la Vocation). Plusieurs autres ont suivi, dont Oui (Plaine Page, 2016), Astropoèmes, écrit avec Arno Calleja (L’Arbre à paroles, 2018), et Défense et illustration de rien (Derrière la salle de bains, 2020).

C’est le désir d’histoires, le surgissement de plus en plus fréquent dans sa poésie de personnages, de pronoms personnels, qui ont conduit Laura Vazquez à aborder l’écriture romanesque. L’autrice a collecté plusieurs idées de roman dans un dossier, esquissant des personnages, des décors, des lieux. Après de nombreuses tentatives, c’est lors d’une résidence d’hiver à la Fondation Michalski, dans les montagnes suisses enneigées, qu’elle trouve l’élan nécessaire pour se lancer : « Une grande bibliothèque, un environnement très Thomas-Bernardien, très isolé, très beau. Je n’ai pas pu y échapper, j’ai continué et poussé l’idée que j’avais. »

En écrivant La Semaine perpétuelle, Laura Vazquez a construit un rapport nouveau à l’écriture, plus apaisé. Elle a organisé son temps pour travailler chaque jour, de manière artisanale, aidée par la méditation bouddhiste, lisant beaucoup (Giono, Tolstoï, Bortnikov, Proust ou Albane Prouvost, avec un intérêt particulier pour les journaux littéraires) et écrivant avec régularité.

« C’était le seul moyen d’échapper à la colère et à la frustration qui surgissaient, de dépasser ce rapport difficile, volontaire que j’avais à l’écriture. »

Chacun de ses écrits connaît plusieurs versions, chaque étape d’écriture permettant d’élaguer le texte, de retirer ce qui est en trop. Ainsi, La Semaine perpétuelle est le fruit d’au moins une dizaine de variantes. En outre, l’autrice travaille depuis plusieurs années sur une épopée poétique en cinq parties qui a pour thème la recherche d’une compréhension du monde.

Laura Vazquez anime des ateliers destinés à des publics de tous types et de tous âges, à des écrivains amateurs comme professionnels, et ce dans des cadres très divers (écoles, milieu carcéral, etc.). Lors d’une résidence à La Marelle en 2021, elle participe à une étude neuroscientifique sur l’impact que peut avoir l’écriture sur le développement cognitif des enfants. Dans ce cadre, elle organise des séances quotidiennes de vingt minutes dans une école marseillaise : les écoliers doivent raconter une courte expérience donnant lieu à une histoire, enregistrée, puis déposée sur la chaîne Youtube Des enfants racontent des histoires Le projet se poursuit cette année avec trois classes de l’école élémentaire Saint-Mitre (Marseille, 13e).

Lors du premier confinement, l’autrice a lancé des sessions d’écriture en ligne, qui ont très rapidement remporté un vif succès. Elle propose depuis un atelier hebdomadaire  gratuit. Un groupe Facebook  lui est associé, où sont publiés beaucoup des textes produits. En parallèle, elle encadre aussi des workshops ouverts à tous autour de différents thèmes (l’intuition, l’endurance, etc.) : une tentative de parler d’écriture de façon concrète, de fournir des méthodes.

« Ce qui m’intéresse c’est comment les écrivains font pour ne pas se perdre dans l’écriture. L’écriture demande tout. Il n’y a rien que cela ne demande pas. Comment faire ? Comment faire quand cela se passe mal ? Souvent, cela se passe mal. Je n’ai pas la réponse, j’ai l’expérience. »