Les 2e Assises européennes du Livre : le récap'

Publié le

Organisée par la Foire du Livre de Bruxelles et la Commission européenne, la deuxième édition des Assises européennes du Livre s’est tenue le 24 février 2021, en ligne bien sûr. Au programme : les perspectives d’évolution de l’édition et de la librairie en période de crise. L’Agence vous propose un récap’ de quelques tables rondes qui se sont tenues.

Cette première table ronde dresse un panorama des tendances de la période Covid et de questionne le “monde d’après”.

La Fédération des éditeurs européens (FEE) souligne la grande hétérogénéité des tendances en fonction des pays. Si le secteur du livre aux Pays-Bas ou au Royaume-Uni connaît une hausse de 5 % de son CA, l’Allemagne et la France subissent des baisses modérées de l’ordre de 3 %, quand le Portugal décroche de près de 20 %. L’impact de la crise sanitaire sur le livre est moins grave que redoutée, mais varie en fonction des politiques “Covid” développées par chaque pays membre.

Sans grande surprise, ce sont les secteurs de la jeunesse, de la BD, du manga ou bien encore le parascolaire qui s’en sortent le mieux, quand les fonds liés au tourisme ou à l’évènementiel chutent.

La Fédération note une hausse importante des ventes en ligne de livres papier qui n’a que très peu profité aux librairies, mal préparées et mal équipées. L’augmentation des ventes de livres numériques reste à chiffrer.

30 % des titres qui devaient être publiés ont été reportés et les titres qui ont rencontré le plus de succès sont  les best-sellers des grands groupes éditoriaux au désavantage des petits éditeurs et des auteurs moins visibles. Les éditeurs et les librairies, en recherche de trésorerie, ont favorisé ces titres pour répondre aux besoins d’une nouvelle clientèle qui, s’éloignant de certaines plateformes en ligne, vient y retirer ces titres.

L’Agence slovène du livre, la FEE, et les éditions Zoé (suisse) mettent en avant qu’un plus grand dialogue s’est institué durant cette période entre les métiers de la chaîne du livre, et ont confirmé que les librairies se portaient bien dans leur pays respectif, l’augmentation des ventes en ligne et la bonne santé des grandes plateformes de vente en ligne appelant à développer des solutions plus locales.

Si aucun ne perçoit le monde d’après comme un monde de renouveau, ils insistent sur les problématiques que la crise a mises en lumière : s’interroger sur la surproduction éditoriale, mieux promouvoir l’édition de création, et intégrer les questions environnementales.

La deuxième table ronde questionne les cessions de droit et le métier d’agent littéraire par temps de Covid.

Sur les 20 foires et salons membres de l’association européenne Aldus up, l’association des éditeurs italiens rappelle qu’aucune ne s’est tenue depuis mars 2020 et que l’ensemble des cessions de droits se sont déroulées en ligne. Les foires ont cherché à innover mais surtout à maintenir les temps professionnels.

L’agence littéraire Zeitgast dresse le bilan de l’activité d’agent littéraire pendant cette période. Si les acquisitions ont bien repris à l’été 2020, elle souligne que les à-valoirs versés sur les titres ont diminué du fait de la crise, les éditeurs prenant moins de risques. Les titres échangés s’adaptent également à la situation : les joies de la cuisine et le bien-être arrivant en tête des échanges. Si elle note l’absence d’échanges humains, la visioconférence a permis à de plus petites structures, des éditeurs plus jeunes, d’intégrer le jeu des cessions de droits. Autre avancée, le recours à la signature électronique s’est généralisé alors que les questions de sécurité freinaient jusqu’alors les pays méditerranéens et la France.

Si chacun fait part de sa hâte à voir les salons du livre rouvrir, le virage numérique de la dernière année devrait aboutir à plus d’échanges en distanciel et à une sécurisation plus grande des plateformes.

Ces deux tables rondes distinctes questionnent l’accompagnement institutionnel et financier des acteurs de la chaîne du livre.

La première table ronde consiste en un tour d’horizon des dispositifs wallons, suisses et européens. La convention pluriannuelle wallone liant un éditeur au Service général des lettres et du livre, n’existe pas dans le champ des aides françaises. L’idée est d’accompagner le développement du catalogue d’un éditeur entre 3 et 5 ans, pour 5 à 10 titres par an, dans la limite de 50 000 € par an. Les éditeurs sont également fortement accompagnés dans le cadre de la recherche de nouveaux marchés : aide à la prospection à l’étranger, accompagnement au développement de la stratégie internationale.

La Wallonie-Bruxelles a injecté 1,9 millions d’euros dans le cadre des plans d’urgence et se démarque de la France avec des subventions aux opérateurs de diffusion des livres, une campagne promotionnelle « Lisez-vous le belge ! » et des achats pour un million d’euros de livres belges francophones distribués aux bibliothèques et aux centres d’actions sociales.

En Suisse, les subventions sont portées essentiellement par les régions. Si les éditeurs reçoivent des subventions à la traduction ou à la présence sur les foires du livre et au développement de la promotion à l’international, elles sont rattachées à la présence d’auteurs suisses contemporains à leur catalogue. Les auteurs sont également aidés s’ils font des résidences longues ou brèves à l’étranger ou en Suisse, les manifestations sont mieux soutenues si elles intègrent à leur programmation des auteurs suisses. Enfin, de façon générale, la rémunération des auteurs conditionne l’obtention des aides pour les manifestations et les éditeurs.
La Suisse a couvert 80 % des pertes des entreprises culturelles pendant la période Covid et financée les projets de transformation induits par la crise avec un plafond de 270 000 € par acteur.

L’Europe présente ensuite les différents dispositifs potentiellement ouverts aux acteurs de la chaîne du livre notamment aux éditeurs, auteurs et manifestations littéraires :

Le dispositif Erasmus conforte la coopération entre le monde de l’éducation et les éditeurs.
Le Programme Horizon peut accompagner des développements numériques, les mises en conformité aux normes européennes (écologiques et innovation), le développement de l’accessibilité des sites.
Le programme Europe Creative, soit 800 millions d’euros dédiés aux secteurs culturels et créatifs pour les sept prochaines années. Son objectif principal est de renforcer la diversité culturelle et sa circulation en Europe en accompagnant les entreprises créatives. Le partenariat se crée entre au moins trois organisations différentes basées dans au moins trois pays différents.
Nouveauté, ce dispositif propose d’accompagner les artistes auteurs dans leurs voyages prospectifs dans d’autres pays d’Europe, dans leurs recherches ou dans leurs formations.
Le volet traduction littéraire évolue en permettant la création de consortium intégrant une partie ou l’ensemble des métiers de la chaîne.
La table ronde suivante est plus centrée sur les politiques territoriales, leur réactivité face à la crise, leur rôle dans le développement de la création et dans le renforcement des acteurs de la chaîne. Des représentants de la Croatie, de Suisse et de France animent ce tour de table.

Dans les points à retenir, le meilleur niveau d’accompagnement des politiques culturelles semble être unanimement la région. Le modèle français et le rôle des territoires à travers les structures régionales du livre (SRL) décrit par Delphine Henry au titre de la Fédération interrégionale du livre et de la lecture - a été source de nombreux échanges. Le maillage français est ressorti comme bien plus complexe que ceux de leurs homologues, mais le fait que l’État soit décentralisé via les Directions régionales des affaires culturelles et puisse coordonner des actions rapides et adaptées aux territoires en lien avec les régions, les départements et les SRL apparaît comme le niveau de réponse le plus adapté. Les SRL sont apparues comme des maillons essentiels pour faire remonter les informations et créer un vrai lien avec les professionnels.

Un seul mot d’ordre pour cet échange : le rassemblement. Car, c’est bien connu : l’union fait la force ! Trois formes alternatives de librairies ont ainsi été mise en avant : une librairie participative anglaise et deux plateformes de vente en ligne de libraires indépendants, espagnole et belge.

La librairie coopérative Kett's Book (Norfolk, Royaume-Uni)

L’histoire de la librairie démarre en 2014 dans… un pub ! Des lecteurs s’y sont réunis pour décider de sauver la librairie de leur quartier sur le point de fermer. Peu de temps après, l’aventure Kett’s Book commence avec 16 membres fondateurs bénévoles et un fond de 24 000 livres. Un mode de gestion participatif est choisi : la librairie n’a pas d’actionnaire et chaque membre fondateur a une voix lors des assemblées.

En 7 ans, la librairie a élargi son fond et emploie aujourd’hui un libraire à temps plein. Malgré la concurrence alentour, le chiffre d’affaire est positif. Pour Tracy Kenny, directrice de la librairie, la raison est simple : « les gens croient en ce projet » qui a pour ambition de replacer le livre au centre de la vie quotidienne du quartier avec des clubs de lecture, des boîtes à lire ou encore des visites dans les écoles…

Todos Tus libros (Espagne)

Le site possède un catalogue de près de deux millions de livres vendus par des libraires indépendants répartis dans toute l’Espagne. Il est possible d’y réserver un livre avant d’aller le chercher dans sa librairie préférée ou de l’acheter directement en ligne. Les utilisateurs peuvent voir en temps réel dans quelle librairie est disponible tel livre : le stock est actualisé plusieurs fois par jour. Plus qu’un simple site d’achat, les lecteurs et le personnel peuvent également écrire des avis de lecture.
Contrairement à d’autres plateformes de ventes en ligne, aucune commission sur les ventes n’est demandée aux libraires. Ces derniers doivent tout de même s’acquitter d’un abonnement de 100 euros par an pour y être répertoriés.

Librel (Belgique)

Créé en 2014 par Philippe Goffe, Librel est le portail de vente en ligne des libraires indépendants belges francophones. Au départ consacré uniquement à la vente de livres numériques, depuis fin 2020 le site propose également des livres papier.
Sur Librel, comme sur Todos Tus libros, les utilisateurs ont accès au stock de chaque titre dans leurs librairies de proximité. Une fois leur panier d’achats constitué et transmis à la librairie de leur choix, ils se rendent sur place pour récupérer leur commande. Loin de vouloir concurrencer le géant mondial de la vente en ligne, Librel veut avant tout maintenir le contact entre les 57 librairies référencées et leurs lecteurs.

De l’impression à la distribution, en passant par le contenu, les acteurs de la filière sont de plus en plus nombreux à penser le livre sous l’angle de l’écologie. Parmi ces retours d’expériences, la librairie en ligne de l’AMAP Livr&Co ou « Le comptoir des livres durables », explique ne proposer à la vente que des livres contemporains, francophones et écoresponsables. Au total, 16 éditeurs sont présents sur la plateforme, dont 3 maisons d’édition de la région Sud (Le Souffle d’Or, Yves Michel Éditeur et les éditions du Ricochet).
Son credo : la traçabilité. Chaque éditeur fournit des informations sur ses choix d’impression et de fabrication (papiers, encres, transports) ou encore sur sa politique de rémunération des auteurs. Ces données sont accessibles à tous les utilisateurs, et elles sont facilement repérables grâce à des pictogrammes attribués à chaque livre.
L’équipe de Livr&Co travaille, depuis sa création en 2020, sur des modes de livraisons responsables : la livraison à vélos dans les grandes villes, mais aussi la création de librairies éphémères sur le modèle des AMAP et le « Clique&Rapplique » dans les librairies indépendantes sont à l’étude.