Olivier Dorchamps : De la création à la réception

Publié le

Après avoir vécu de nombreuses années à Londres, l’auteur Olivier Dorchamps s’est récemment installé à Nice. En pleine promotion de son second roman Fuir l’Eden (éditions Finitude), le lauréat 2021 du Prix littéraire des lycéens et appprentis de la Région Sud répond à quelques questions sur la création et la réception de son œuvre.

Photo de l'auteur Olivier Dorchamps

C’est assez inconscient, je n’écris pas en ayant une idée en tête. Par exemple, Fuir l’Eden est né suite à deux évènements.
En juillet 2019, j’ai été témoin d’un suicide à Londres : j’ai vu une femme se jeter sous un train. Je me suis interrogé sur qui elle était, pourquoi elle avait fait eu geste et comment j’aurais pu l’aider. Peut-être que si je lui avais demandé l’heure, elle ne se serait pas jetée sous un train ou peut-être que ça n’aurait fait que retarder son acte.
Puis, dans le cadre d’un prix littéraire, j’ai rencontré des lycéens de la Seine-Saint-Denis (Île-de-France) qui ont aussi influencé l’écriture de ce roman. Fuir l’Eden, qui devait être à l’origine l’histoire d’amour d’un personnage principal adulte, s’est transformé en récit de la violence urbaine vécue par un adolescent. La difficulté de grandir dans une cité et l’absence d’amour durant son enfance le rendront plus fort.

Sans doute, l’identité est un sujet important pour moi. Qu’elle soit culturelle, comme dans le premier titre, ou sociale, comme dans le deuxième, c’est un thème qui m’habite. Savoir si l’identité est déterminée, si on peut s’en sortir, si on doit s’en sortir, comment on gère la honte, comment on gère le désir de s’élever ou pas… Autant de questions relatives à notre époque.
J’ai naturellement dédicacé mon roman à cette femme et ces élèves.

Et puis il y a des sujets qui méritent d’être sans cesse explorés comme l’amour. Fuir l’Eden est quand même un roman d’amour : celui d’un frère pour une sœur, d’une mère pour ses enfants, des enfants pour leur mère, du père pour la mère et de cet adolescent pour cette jeune femme qu’il rencontre. Il y a aussi l’amour-amitié avec ses copains de cité. L’amour, sous toutes ses formes peut nous aider à nous sortir d’un déterminisme social.

Beaucoup de rencontres ont dû se faire en visioconférence, c’était un peu frustrant. Malgré cela, elles m’ont toutes marqué.
Dans la région Sud, j’ai parlé avec des élèves d’un lycée agricole (L’Isle-sur-la-Sorgue) et d’un lycée hôtelier (Marseille) qui m’ont particulièrement touché parce que j’ai vu d’autres réalités que celle dans laquelle j’ai grandi.
Tous ces gamins ont une soif de vivre. On nous dit que la jeunesse est désabusée, qu’elle ne sait pas où elle va mais j’ai vu des jeunes qui étaient, au contraire, plein de dynamisme.
Tandis que dans les lycées généralistes les élèves sont dans une grande incertitude, j’ai ressenti une vraie confiance en eux dans les lycées professionnels. Ils ont choisi leur avenir et ça les rassure, je les ai trouvés extrêmement mâtures.

En Seine-Saint-Denis, c’était un peu plus difficile car leur avenir est fait d’incertitudes. Ils étaient nombreux à me poser des questions sur Londres. Il voulait s’installer là-bas pour travailler. Ils ont cette idée qu’un départ va leur permettre une nouvelle vie.
Ça m’a aussi ramené à ma propre adolescence. Je me suis souvenu des problématiques que j’avais, ça n’a pas tellement changé. À 18 ans, on nous dit qu’on doit avoir planifié toute sa vie d’adulte, alors que ça se passe beaucoup par tâtonnements. On ne sait rien du monde du travail, des relations à l’autre, etc. Il faut se forger de nouvelles armes pour affronter le monde des adultes. Je comprends leurs peurs. À leur âge si j’avais su ce que je voulais faire, peut-être que mon adolescence aurait été différente.
Ce qui m’a aussi marqué c’est la générosité de leur accueil, leur gentillesse et leur humour. La connexion s’est faite très facilement et avec tous. Mon appréhension de départ s’est vite dissipée, ils sont ouverts à de vraies discussions.

De ne pas se regarder écrire, de ne pas essayer de faire de la littérature. Simplement d’écrire ce qu’on ressent, de trouver sa plume, ses propres codes. Il faut être le plus sincère possible.

Je n’aime que la fiction. L’auto-fiction m’intéresse peu, sauf quand elle se rattache à des choses universelles et qu’une identification est possible pour moi.
Je lis beaucoup de classiques : Dostoïevski, Albert Camus, Jane Austen, Romain Gary…; En littérature contemporaine, je suis les recommandations de mes libraires. J’ai lu le dernier roman de Nicolas Mathieu ou encore Ultramarins de Mariette Navarro.
En ce moment, je m’intéresse aussi à des essais sur la littérature comme L’art de la fiction de Robert Louis Stevenson.

J’en suis au bourgeonnement du troisième roman. Il s’inspire d’une anecdote racontée par une amie. Les choses se passent dans ma tête pour l’instant : l’histoire, les personnages…; J’observe et j’écoute les gens autour de moi. Cette étape prend un peu de temps.
J’ai aussi commencé l’écriture d’une pièce de théâtre. C’est peut-être un projet que je vais mettre entre parenthèses pour l’écriture du troisième roman. C’est un genre qui m’attire, mais c’est une toute autre technique donc je ne peux pas mener les deux de front.