Une maison qui n'a rien de commun

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Fondée à Paris en 2014 par un couple d’autodidactes, Chose Commune a aujourd’hui trouvé sa place dans le paysage éditorial régional, national et à l’étranger. Nous avons rencontré la directrice à Marseille, où la maison d’édition de livres d’artistes est installée depuis l’été 2020. Elle nous expose sa politique éditoriale et ses projets.

Si le métier d’éditeur leur était étranger, Cécile Poimboeuf-Koizumi et Vasantha Yogananthan avaient déjà tous deux de nombreuses expériences dans le domaine de la photographie. « Nous avons créé Chose Commune en 2014, pour publier le premier travail de photographe de Vasantha qui rend compte de la vie des habitants de Piémanson avec qui il a campés durant 5 étés. », explique la gérante. « Nous avons sollicité plusieurs éditeurs, qui ont tous demandé une contribution financière. Comme nous avions déjà une idée très claire de ce que nous souhaitions faire, nous avons décidé de le publier nous-mêmes. Grâce à une campagne de crowfunding réussie, la maison d’édition voit le jour en structure associative. » L’expérience, imaginée comme un « à-côté » a évolué en une véritable volonté de « défendre et publier le travail d’autres photographes, émergents ou plus établis ». Cécile Poimboeuf-Koizumi en prend la direction à Paris en 2016, quand la structure passe au statut d’entreprise. Avec Vasantha Yogananthan, qui travaille sur un nouveau projet photographique dans le sud de la France, elle s’installe à Marseille en 2020.

« Chose Commune vient du latin Res Communis, qui désigne un bien commun, partagé entre tous, comme la mer, l’atmosphère. Un livre est un objet démocratique qui n’est pas nécessairement fait pour être possédé mais pour circuler. »

Jeux de mains, Stephen Ellcock.

 Le catalogue compte 29 titres dont 13 disponibles. Tous sont bilingues français-anglais et façonnés avec soin dans les moindres détails. En moyenne, sept livres sortent par an, tirés à 1 500 exemplaires. « Je publie mes coups de cœur. Le fil rouge se situe dans la démarche. Je travaille pendant une année, parfois plus, avec les artistes. Comme un agent, j’aiguille les photographes pendant leur production puis quand je sens qu’ils sont prêts, nous avançons ensemble sur une sélection, une séquence, un graphisme…  Pour certains ouvrages comme Astres NoirsetBehind the Glass, j’ai carte blanche, les artistes me donnent ainsi la possibilité d’imaginer un livre de toutes pièces. C’est un peu comme le travail d’un commissaire d’exposition, avec l’aspect fabrication d’objet en plus. »

L’éditrice fait intervenir des graphistes indépendants choisis en fonction des besoins (un travail particulier sur une maquette, une typographie…), mais aussi des traducteurs, plusieurs relecteurs…

Un bestseller ? Jeux de mains, un livre qui regroupe des représentations de mains dans l’art. La sélection a été faite avec le « collectionneur d’images » Stephen Ellcock. Le tirage initial à 2 000 exemplaires a dû être renouvelé 2 mois après la sortie : « J’ai été étonnée de voir combien cette thématique parlait à un très grand nombre de personnes ! »

« La volonté de présenter des artistes étrangers en France, et des artistes français à l’étranger a toujours été dans l’ADN de Chose Commune ». Dès ses débuts en 2014, la diffusion a été mise en place au Japon et confiée à Twelvebooks. Une décision naturelle pour la fondatrice aux origines japonaises, qui, après des études littéraires puis des stages dans le domaine de la photographie à Tokyo, voulait y faire connaître son travail. Au-delà ce pays, la maison pratiquait l’autodiffusion jusqu’en 2020, mais les livres étaient trop peu représentés en librairie. Par conséquent, les ventes en Europe étaient faibles. En outre, le fait de ne pas déléguer cette partie à un prestataire « crée une impression de fragilité aux yeux des libraires. Il s’agit aussi d’un vrai critère pour les demandes de subventions. »

Depuis Janvier 2021, Interart s’occupe de la diffusion en France et en Belgique : « cela a énormément changé les choses. Les librairies de quartier passent une commande globale d’ouvrages provenant de 15 éditeurs différents, c’est plus simple pour eux. En termes d’administration, pour nous c’est une facture en fin de mois qui comprend toutes les commandes. Un temps fou gagné pour moi. »

Cécile Poimboeuf-Koizumi propose de suivre des projets de A à Z, de la conception à la livraison en passant par la fabrication. Elle intervient en tant que coach individuel de photographe ou experte de l’édition dans des masterclass. Elle développe aussi depuis peu une activité de consultante pour des marques : « C’est une autre façon de travailler, la relation avec un client est forcément différente de celle qu’on peut avoir avec un artiste. Et les budgets ne sont pas les mêmes, ils me permettent parfois une créativité illimitée. »