Concours de nouvelles

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Des lycéens aux personnes sous main de justice en Normandie

Normandie Livre & Lecture organise depuis 2006 un concours de nouvelles à destination des adultes et des lycéens. Avec un thème qui change à chaque édition, le concours propose aux participants d’envoyer des œuvres originales qui mettent en jeu des notions telles que le déplacement, le cinéma, la métamorphose, la chute… ou encore le voyage sans repère, thème de l’édition 2020.

Chaque année, une centaine de nouvelles sont reçues par Normandie Livre & Lecture, catégories “adulte” et “lycéen” confondues.

La catégorie lycéenne est toujours très bien représentée grâce au partenariat avec la région académique Normandie qui s’associe au concours de nouvelles pour proposer, avec Normandie Livre & Lecture, la réalisation d’un parcours Métiers du livre.

Après une présélection opérée par la structure et des délibérations menées par un jury de professionnels du livre (éditeurs, libraires, bibliothécaires, rectorat), les meilleures des nouvelles sont primées : prix de la meilleure nouvelle adulte, prix de la meilleure nouvelle lycéenne, prix de la meilleure intrigue lycéenne. Une remise des prix est organisée chaque année, les lauréats adultes, lycéens et les classes partenaires du parcours Métiers du livre sont invitées.

Le parcours Métiers du livre sous son format actuel a été créé en 2012. Chaque année, six classes lycéennes de la région sont associées au concours et accueillent un auteur, visitent une librairie indépendante de proximité et rencontrent un éditeur normand. Action au long cours, ce concours vise à sensibiliser les jeunes à la création littéraire contemporaine, à favoriser leur créativité via l’écriture d’une nouvelle et tout simplement à partager le plaisir de la lecture grâce aux rencontres avec les écrivains dans leurs établissements scolaires.

Les classes partenaires sont sélectionnées par la région académique Normandie et Normandie Livre & Lecture, un avantage étant donné aux établissements les moins privilégiés en termes d’accessibilité culturelle sans oublier l’importance du maillage territorial (dans la mesure du possible, un établissement par département). Aujourd’hui ce sont 31 établissements différents sur le territoire normand qui ont pu participer au parcours Métiers du livre.

« Cela […] fait prendre conscience des multiples interactions entre les sphères culturelles, sociales et économiques »

Ce dernier permet à Normandie Livre & Lecture et à la région académique Normandie de proposer un projet d’Éducation Artistique et Culturelle qui encourage la pratique de l’écriture, de la lecture et permet aussi la découverte des métiers essentiels de la chaîne du livre. Les classes sélectionnées ont ainsi la chance de travailler à la rédaction de nouvelles individuelles, d’étudier un livre en lien avec le thème du concours, de rencontrer son auteur, de découvrir un éditeur de la région et de visiter une librairie indépendante. Le parcours a en plus l’intérêt d’être pensé en collaboration avec les professeurs documentalistes des établissements. L’écosystème du livre au sens large est ainsi mis en avant.

« Ce concours de nouvelles met en exergue tous les enjeux culturels qui me tiennent à cœur en tant que professeur de français, souligne Antoine Merdrignac, professeur de français au lycée Napoléon, L’Aigle, qui participe en 2019/2020 pour la troisième fois au parcours Métiers du livre, *donner aux élèves le goût de l’écriture, comme un voyage à l’intérieur de son imaginaire ; leur faire lire une œuvre contemporaine dont le thème est lié à leur travail d’écriture ; leur faire prendre conscience que la littérature c’est tout autant l’affaire des écrivains que des lecteurs et que le livre ne concerne pas qu’un individu mais met en jeu différents acteurs économiques et culturels. Il est une chance inespérée pour un enseignant et c’est sûrement la meilleure manière de les faire aimer la littérature, car ils deviennent à la fois témoins et acteurs de cette « fabrique du livre ». *Le parcours métiers du livre est un devoir en tant que professeur de français car nous faisons partie de cette chaîne. Nous aussi, à l’instar des libraires et des éditeurs, sommes des « passeurs de livres ». Non seulement c’est une expérience enrichissante pour les élèves de rencontrer ces « actifs » qui œuvrent à toutes les strates de la chaîne du livre, mais cela leur fait également prendre conscience des multiples interactions entre les sphères culturelles, sociales et économiques. »

Pour valoriser l’investissement des élèves et des professeurs sur l’année, les classes participantes concourent pour le prix de la meilleure classe qui valorise le niveau général des nouvelles envoyées. Ce dernier est remis à l’occasion de la remise des prix qui se déroule dans un cinéma d’art et d’essai de l’agglomération de Caen. Les lycéens et le lauréat adulte s’y retrouvent pour assister à la projection d’un film en lien avec le thème de l’année puis à la remise des prix.

Pour la 14e édition du concours de nouvelles il a été décidé d’étendre le parcours métiers du livre, jusqu’alors exclusivement destiné aux classes de lycées, aux centres de détention et maisons d’arrêt. Ce nouveau partenariat a pu être mis en place grâce à la mission Lecture-Justice portée par Normandie Livre & Lecture.

Si l’édition 2019/2020 est une année test, le souhait de la structure est de pouvoir proposer à un établissement différent chaque année, un travail avec des personnes sous main de justice autour du concours de nouvelles. Tout comme pour la version lycéenne, le projet a pour objectif de mettre en perspective les métiers du livre.

« C’est aussi expliquer aux personnes détenues qui écrivent ou qui désirent écrire les quelques règles à respecter pour parvenir à être lu par un éditeur »

Le parcours légèrement remanié pour l’occasion propose en tout début de parcours un atelier d’écriture animé par un professionnel. Cet atelier, moment d’échange, est la porte d’entrée pour appréhender le concours de nouvelles.

Christophe Tostain (auteur, metteur en scène, vidéaste), témoigne de son expérience après avoir animé un atelier d’écriture à la maison d’arrêt d’Évreux : « Il est toujours impressionnant d’entrer dans une maison d’arrêt. On a toujours la sensation d’accéder à un univers parallèle.Quand je suis arrivé dans la petite salle où patientaient une quinzaine de personnes détenues, un petit exercice d’échauffement sur la contrainte d’écriture a permis de rassembler et de concentrer tout le monde. Sur ces deux premières heures d’atelier, l’objectif était de les lancer sur l’écriture d’une nouvelle, de trouver les grandes pistes de ce qu’ils allaient écrire. Les imaginaires de chacun se sont mis en route et le silence de l’écriture a trouvé sa place. Est ensuite venu le temps de la lecture. Chacun a livré ses prémices, et déjà on pouvait entendre des débuts prometteurs faisant preuve d’une grande qualité d’écriture et d’imagination. »

À la suite de cet atelier, le professeur référent prend en charge le suivi de l’écriture des nouvelles et la mise en place de la suite du parcours. En effet, la rencontre avec un éditeur de la région et la lecture d’un ouvrage suivie par la rencontre avec l’auteur sont deux temps forts naturellement maintenus dans le parcours à destination des personnes détenues.

L’éditeur Jean-Charles Lajouanie explique les raisons qui l’ont poussé à accepter de participer au parcours métiers du livre à la maison d’arrêt d’Évreux : « Le livre est sans aucun doute le seul moyen de s’évader de prison sans enfreindre aucune loi, aucun règlement. On choisit son univers, sa destination… et c’est parti, on décolle. Alors présenter le métier d’éditeur à des lecteurs privé de liberté me paraît une évidence. C’est l’occasion d’expliquer comment un livre, une possibilité de rêve, se conçoit. C’est l’occasion d’expliquer comment telle ou telle histoire est retenue et pas telle autre, c’est l’occasion d’expliquer la différence entre la fiction et la réalité, c’est expliquer les contraintes du métier mais aussi ses plaisirs. C’est décrire les rencontres avec les auteurs, la diversité de leurs origines, de leurs professions, de leurs parcours. Enfin c’est aussi expliquer aux personnes détenues qui écrivent ou qui désirent écrire les quelques règles à respecter pour parvenir à être lu par un éditeur. »

Les nouvelles écrites par les personnes détenues concourent pour le prix de la meilleure nouvelle adulte. S’ils ne peuvent se rendre à la remise des prix officielle, une remise de prix à la maison d’arrêt est également pensée dans le parcours pour permettre de clore de manière festive la fin de ce parcours et de remercier les participants.


* La mission Lecture-justice portée par Normandie Livre & Lecture est soutenue par la DRAC de Normandie, la DISP de Rennes et la Dirgo PJJ.