Retours d'expériences

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Le réseau des Balises de Dunkerque et la bibliothèque Méjanes d’Aix-en-Provence ont expérimenté deux dispositifs différents de médiation dans le champ de l’Éducation aux médias et à l’information : l’accueil de services civiques pour l’un, l’intervention de journalistes au sein d’ateliers critiques pour l’autre.

Ces retours d’expérience révèlent les points forts - mais aussi les difficultés - à prendre en compte dans le montage d’une action de médiation en bibliothèque.

Financées par la DRAC, des actions d’éducation aux médias ont régulièrement lieu dans le réseau des bibliothèques de la région de Dunkerque (dit “les Balises”).

Une expérimentation menée en 2018 par l’Afev (Association de la fondation étudiante pour la ville) s’est poursuivie pendant l’année scolaire 2019-2020. Des jeunes en service civique ont ainsi mené des actions de médiation autour des médias pour toucher les publics déterminés avec les bibliothécaires : les plus jeunes, les anciens, les bénéficiaires d’autres associations du territoire…

Trois objectifs ont été prédéterminés pour l’année :

  • développer un socle commun de connaissances sur l’EMI pour les bibliothécaires et les autres acteurs du territoire et dresser un panorama des actions menées par tous ces acteurs ;
  • positionner des volontaires en service civique en bibliothèque et développer des partenariats existants avec des acteurs du territoire ou de nouvelles actions ;
  • enrichir la stratégie numérique du réseau des Balises pour pallier le déséquilibre territorial entre les bibliothèques.

Ainsi, les actions des services civiques ont permis de faire remonter des besoins du terrain. Ces retours d’expérience ont pu nourrir la stratégie numérique en cours d’élaboration par les coordinateurs du réseau.

Concrètement, les services civiques ont imaginé avec les bibliothécaires différentes activités à destination de publics hétérogènes : “escape game“ autour du thème « Se repérer dans l’information » (abordant les sources des journalistes, les théories du complot ou encore la double lecture possible d’un même fait), des ateliers numériques, des conférences sur la protection des données ou le cyberharcèlement.

En bref :

  • 207 participants (en 2-3 mois) recensés sur les animations
  • 4 partenariats développés (CCAS, CSC, écoles, collège)
  • 12 animations réalisées
  • 60 % des animations se sont déroulées à la médiathèque, 18 % dans un établissement scolaire, 16 % dans une structure partenaire (centre socio-culturel), 6 % dans une autre bibliothèque.

Témoignage de Laurence Brismalein, directrice de la médiathèque de Loon-Plage (réseau Balises), une commune d’environ 6 300 habitants

« Avant cette expérience, nous travaillions déjà en partenariat avec beaucoup de structures de la ville en accueil de groupes, de classes mais aussi sur du participatif de façon à rendre la bibliothèque de plus en plus inclusive. Quand j’ai accepté de participer à ce projet EMI et d’accueillir un binôme de l’Afev, je m’attendais à une certaine autonomie des jeunes volontaires mais, débutant tous cette nouvelle mission et bien que pleins de bonne volonté, nous avons dû improviser, naviguer à vue… ça n’a pas toujours été facile pour le binôme (qui ne se connaissait pas), ni pour l’équipe de leur trouver une place. Les jeunes sont restés de début février à début juillet. Nous avons eu la chance de “tomber” sur un binôme complémentaire en termes de compétences techniques, de personnalité.

Nous avons eu une période de doute et le comité de pilotage nous a permis d’évaluer les besoins de formation des jeunes et de formaliser le rôle de référent au sein de la bibliothèque et à l’Afev.

L’expérience a été particulièrement positive dans le concept de formation pair à pair [des jeunes parlent à des jeunes, non-professionnels]. L’approche “éducation” était beaucoup mieux perçue, moins moralisatrice. Nous avons aussi insisté sur le format convivial des “ateliers” : autour de café, jus de fruits, petits gâteaux. Nous avons aussi, surtout pour le groupe RSA, travaillé le lien parent-enfant autour de jeux de société sur les médias.

Les ateliers ont permis aux bénéficiaires de développer leur esprit critique, interroger la manière dont ils s’informent, savoir rechercher et traiter l’information, interroger leurs pratiques numériques et les usages des réseaux sociaux, être sensibilisés aux notions de “fake news”, “hoax”, etc.

Lors du bilan a été souligné le temps conséquent que demande l’accompagnement des volontaires et le peu de disponibilité dont disposent les bibliothécaires pour les accompagner. Le partenaire CCAS a pour sa part exprimé son agréable surprise de constater le professionnalisme dont ont fait preuve les volontaires dans les animations qu’ils ont conduites avec le public bénéficiaire du RSA. Suite au bilan, nous avons émis un avis favorable à une reconduction de l’expérimentation à Loon Plage, des pistes de nouveaux partenariats ont été envisagées, notamment avec un nouveau public : les personnes en situation de handicap. »


Entretien avec Coline Charbonnier et Hélène Bourgon, journalistes, anciennes correspondantes au Moyen-Orient pour la presse, radio et télévision française, et membres de l’équipe fondatrice du média en ligne 15-38 Méditerranée.

L’association 15-38 Méditerranée informe et sensibilise le public en développant des liens directs entre journalistes et lecteurs (ou non-lecteurs) via des rencontres et des ateliers d’éducation à l’information autour de sujets de société.

En 2019 et 2020, Coline Charbonnier et Hélène Bourgon mènent un cycle d’ateliers à la bibliothèque Méjanes d’Aix-en-Provence autour de l’actualité, en lien avec l’équipe éducative de la bibliothèque. 

En bref :

  • 2 intervenantes journalistes
  • 3 ateliers d’une journée avec la bibliothèque Méjanes
  • Nombre de participants très variable (environ 10 par séance)

Comment les ateliers se déroulent-ils ?

On commence par questionner les participants sur le métier de journaliste et leur manière de s’informer. Nous disons aussi comment nous travaillons en tant que journalistes, quelles sont nos missions. Très important : on revient sur la définition de l’information et des sources. 

Quels atouts tirez-vous de l’atelier en bibliothèque ?

Le point fort de la bibliothèque, c’est de pouvoir interroger le public présent. Pour un micro-trottoir par exemple. Ici, le public n’est pas captif comme en lycée. Les ateliers sont ouverts à tous et on est libre d’y participer. C’est très riche car on ne sait pas à quoi s’attendre et on s’adapte en fonction du public qui se présente.

Aviez-vous une bibliothécaire référente ?

Cécile Candido, responsable du rayon “Information et Actualités”, a été notre référente. C’est avec elle que nous avons choisi les différents thèmes : on s’est calé sur la programmation culturelle mensuelle de la bibliothèque. Cela nous a amené à travailler sur la thématique des conditions des femmes puis sur la pollution autour de la Méditerranée. En filigrane, nous faisons de l’éducation aux médias, par la pratique journalistique citoyenne.

En amont des ateliers, Cécile Candido s’est chargée de faire connaître nos ateliers et s’est occupée des inscriptions. Nous avons inséré un petit texte de présentation dans le programme de la bibliothèque. Quelques jours avant notre venue, elle a l’habitude de nous contacter pour nous faire part du nombre d’inscrits. Le jour J, elle n’intervient pas sur le fond. Elle est là pour nous introduire auprès du public et faire le lien avec la programmation de la bibliothèque. Après, elle se charge de valoriser le rendu de l’atelier.

Quel média privilégiez-vous pour les ateliers en bibliothèque ?

Nous travaillons beaucoup sur le son et la technique du micro-trottoir. C’est un média rapide à confectionner, davantage que l’écriture qui demande du temps. Le montage est ensuite mis en ligne sur le site de la bibliothèque. Cela permet de mettre en valeur ce qu’un petit groupe a réalisé.

La Drac finance des projets d’éducation aux médias (dont celui-ci) initialement destinés au public scolaire. Cela évolue…

Oui, les formes d’appels à projets changent. Jusque-là, il y avait un projet par établissement. En 2019, il fallait proposer une série d’ateliers dans différents lieux de la région. Cela nous a fait sortir de notre zone de confort. Nous avons essayé de proposer des actions à une diversité plus large de publics et de lieux : en maternelle, en bibliothèque (à Aix, Marseille ou Carpentras) et avec une association qui crée des bibliothèques publiques de rue (à Forcalquier).

Quelle est la face invisible de l’atelier ?

Il y a la demande de devis, l’évaluation du temps de travail, de préparation et de montage, la signature de la convention… Avec le Coronavirus, des ateliers ont été annulés mais nous n’avions pas prévu ce cas de figure dans les conventions, ce qui ne permet pas de protéger les deux parties en cas d’annulation. Il faut veiller à ce que tout le monde s’y retrouve. De notre côté, nous devons comprendre l’organisation de la bibliothèque.

Quels sont les besoins à anticiper pour la tenue d’un atelier d’éducation aux médias en bibliothèque ?

En terme d’espace, il faut qu’il soit assez intime pour pouvoir échanger sur le sujet, sur l’information. On ne doit pas devoir se préoccuper de parler à voix basse. Il faut donc que les différentes équipes salariées soient au courant de notre présence avec un micro [ou autre matériel] et de notre déambulation entre les différents services de la bibliothèque. C’est bien de régler ces questions en amont.

Il faut prévoir que, lorsqu’on propose un projet financé par la DRAC, seul le temps de présence de l’intervenant est financé, le reste est à notre charge : un temps de réunion, de préparation, la valorisation du projet. La Méjanes a permis le défraiement de nos transports et de la préparation.

Comment garder une trace d’un atelier ?

Si on veut une restitution qualitative (publication, exposition…), il faut que l’établissement réfléchisse en amont aux moyens et sache ce qu’il veut. Par exemple, il est possible d’imaginer un rendu avec des bornes d’écoute en extérieur ou un rendu écrit sur panneau. Les personnes qui ont participé peuvent ainsi voir que ce qu’elles ont fait a un sens et peut être diffusé auprès d’autres publics. Cela rend le projet plus concret.