À la rencontre de deux prestataires de l'auto-édition

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Émilie Le Coguiec, responsable marketing/communication, explique le fonctionnement de la plateforme Bookelis (Aix-en-Provence).
Harald Bénoliel, éditeur chez IS Édition (Marseille), expose sa vision de l'auto-édition.

Lancée en 2013, la plateforme Bookelis (Aix-en-Provence) accompagne les auteurs dans la publication de leur livre en auto-édition. Son fondateur, Jean-Yves Normant, bénéficie d’une vingtaine d’années d’expérience dans l’édition de livres.

Entretien avec Émilie Le Coguiec, responsable marketing/communication.

Dans son parcours professionnel, Jean-Yves Normant (fondateur et directeur de Bookelis) est passé de l’édition traditionnelle à l’auto-édition. Pourquoi ce choix d’évolution ?

« Jean Yves Normant travaillait dans l’édition traditionnelle il y a quelques années et voyait les manuscrits reçus chaque jour s’empiler sur les bureaux des éditeurs. L’importante quantité de textes reçus versus la faible proposition de textes effectivement édités l’a amené à penser à tous ces auteurs qui ont un réel potentiel ou tout simplement l’envie de voir leur texte devenir un livre. À cette époque, le phénomène de l’auto-édition était déjà développé aux États Unis, aussi il a étudié le modèle des principales plateformes. Il a alors eu l’idée de tester le concept en France, d’abord en créant la première version du site Bookelis pour observer l’intérêt des auteurs. Les visites sur le site sont arrivées naturellement, les premiers auteurs ont publié leurs livres et Bookelis a pu ainsi développer son offre. »

Quel type de contrat la société Bookelis propose-t-elle aux auteurs qui font appel à ses services ?

« Nous ne proposons aucun contrat aux auteurs, ils sont totalement libres de supprimer leurs publications à tout moment. Ils gardent l’entièreté de leurs droits et sont totalement autonomes dans leurs démarches. Beaucoup d’autres plateformes imposent un contrat qui les lient aux auteurs pendant un an, nous avons fait le choix de laisser aux auteurs leur liberté, ce sont eux les créateurs des textes, ils peuvent donc en disposer complètement. »

Connaissez-vous la forme juridique sous laquelle les auteurs exercent leur activité ?

« Tant que les auteurs ne vendent que très peu de livres, ils ne créent pas de statut juridique pour la grande majorité, c’est quelque chose de toléré. En revanche, une fois que les ventes sont plus importantes, ils créent un statut d’auto-entrepreneur pour les déclarer. Dans tous les cas, nous leur conseillons de consulter un expert juridique pour toute question plus pointue. »

Quel est le support (papier ou numérique) le plus demandé par les auteurs ?

« C’est le format papier qui est le plus plébiscité par les auteurs, il représente 65 % des publications faites sur notre plateforme. Le format numérique arrive en complément afin de pouvoir élargir son lectorat et proposer le livre à un prix plus faible. Mais le format papier reste important, l’objet a une place particulière qui ne tend pas à disparaitre. »

Votre plateforme d’auto-édition est l’une des seules à proposer la distribution des ouvrages en librairie. Qu’en est-il des ventes et de vos rapports avec les libraires ?

« Nous avons effectivement un partenariat de longue date avec Hachette Livre en tant que distributeur. Nous référençons donc les livres des auteurs qui en font la demande dans les bases de données des libraires et sur les principaux sites libraires. En librairie, les livres sont disponibles à la commande. Nous observons que 80 % des ventes des auteurs se font via ce circuit. 

Les libraires apprécient le fait de pouvoir les commander comme ils le font pour n’importe quel livre, sans démarche spéciale parce qu’il s’agit d’auteurs indépendants. Ils sont de plus en plus ouverts à des dédicaces d’auteurs qui vont faire la démarche auprès d’eux. L’image des auteurs indépendants est en train de changer et les libraires ont un vrai rôle à jouer. Il est très important pour les auteurs indépendants d’avoir un contact avec des libraires, de rencontrer ainsi leurs lecteurs. La vente en ligne n’est pas une fin en soi et ne peut pas résumer l’auto-édition. »

Plus techniquement, sous quelle forme reversez-vous à l’auteur la part qui lui revient suite à une vente ?

« Nous versons les redevances aux auteurs tous les 4 mois, par virement ou Paypal, selon le moyen choisi par l’auteur dans son compte. Sur une vente faite en librairie, l’auteur perçoit 15 % du prix de vente, sur une vente faite sur la librairie Bookelis, l’auteur perçoit la différence entre le prix de vente et le prix de fabrication. En ce qui concerne les ebooks, l’auteur perçoit 50 % du prix de vente sur les sites libraires et 80 % sur la librairie Bookelis. »

Cette maison d’édition marseillaise a créé en 2013 le label “Libres d’écrire” pour distinguer son activité d’édition à compte d’éditeur de son activité de prestataire en auto-édition.

Harald Bénoliel, éditeur chez IS Édition, expose sa vision de l’auto-édition comme pratique alternative à l’édition à compte d’auteur, trop propice aux abus envers les auteurs.

« Il ne faut pas confondre l’auto-édition avec les services d’auto-édition. L’auto-éditeur est auteur et éditeur dans le sens où il garde tous ses droits, s’occupe réellement de l’entièreté du projet et ne paie pas pour être édité. Lorsqu’il paie, c’est pour être aidé et accompagné dans les tâches qu’il ne peut gérer (comme le fait un éditeur en déléguant les couvertures à un graphiste, la correction à un correcteur, etc.). Un auto-éditeur a recours à des services sur lesquels il garde la main, les prestations étant réalisées à partir de contrats définissant les attentes et demandes de l’auteur. L’auto-édition offre bien plus de libertés que l’édition à compte d’auteur.

Il n’y a pas de mal à l’existence du compte d’auteur. Ce qui pose problème, ce sont les conditions dans lesquelles il s’exerce : ambiguïté, édition à demi, compte d’auteur déguisé en éditeur, manipulation de l’auteur en jouant sur ses méconnaissances, l’affect lié à son livre et le désir de le voir publié.

L’auto-édition, c’est bien ; se faire accompagner, c’est mieux ! Notamment sur les aspects que l’auteur ne connaît et/ou maîtrise pas (mise en page, correction, fabrication, etc.). S’appuyer sur une aide, qu’elle soit issue d’un cercle proche ou de prestataires, permet au livre de gagner en professionnalisme, en qualité et donc de trouver plus facilement son public.

L’auto-édition va continuer à se développer car l’écart entre petites et grandes maisons d’édition ne cesse de s’agrandir, avec un grand nombre de gens qui veulent être édités et qui se trouvent entre les deux (les grandes maisons n’étant pas intéressées, les petites n’ayant pas les moyens de tout éditer). L’auto-édition permet de répondre à ce besoin ; la baisse des coûts d’impression et des divers services (correction, graphisme, mise en page, etc.) proposés aux auteurs la rendent d’autant plus accessible. »