Marisol Bufala : être attachée de presse dans une petite maison d'édition
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Avoir un titre de son catalogue dans les journaux, sur les ondes ou les écrans est une garantie de toucher plus de lecteurs et de libraires. Si les relations presse sont un outil précieux à la promotion des livres, il reste difficile à maitriser et rares sont les maisons d’édition indépendantes à y consacrer du temps.
Marisol Bufala travaille pour l’éditeur marseillais Le Mot et le Reste. En charge des relations librairies, festivals et presse, elle aborde dans cette interview et au travers de son expérience l’exigence de son métier.
Quel est votre parcours professionnel ?
Je suis originaire des Alpes-Maritimes. Après un lycée international, j’ai étudié à Sciences Po Aix-en-Provence puis je me suis tournée vers la littérature et j’ai intégré l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) située à Paris. Je me suis alors rendue compte que ce n’était pas la recherche qui m’intéressait le plus dans les Lettres mais le côté créatif et artisanal de l’édition. Je suis donc retournée dans le Sud de la France pour suivre un master en Métiers du livre et, dans ce cadre, j’ai réalisé un stage aux éditions Le Mot et le Reste. J’y suis employée maintenant depuis deux ans, après une première expérience professionnelle dans la capitale.
Quelles sont vos missions ? Comment articulez-vous vos différentes tâches ?
Je m’occupe des relations extérieures de la maison d’édition, je fais donc l’interface avec tous les professionnels du monde du livre. Je leur transmets les informations sur nos parutions, nos temps forts, notre actualité. Je collabore aussi avec les librairies pour organiser des rencontres. C’est une grosse partie de mes missions : pour un petit éditeur comme Le Mot et le Reste, ce relationnel est déterminant. En amont et en aval de la sortie des livres, j’essaie d’avoir le plus de coups de cœur, qui peuvent déboucher sur des rendez-vous organisés entre nos auteurs et le public. Je m’occupe également du démarchage des festivals et des salons. Le dernier aspect de mon travail, ce sont les relations presse. Je ne me définis pas uniquement comme une attachée de presse car c’est une partie de l’ensemble de mes tâches.
Dès que nous avons le programme des publications, je réunis un maximum d’informations, et le plus tôt possible, pour faire des argumentaires à destination de la presse. Ensuite, il y a tout un travail de relance mail et téléphone à effectuer afin que notre actualité soit relayée dans les médias.
C’est parfois complexe de faire coïncider notre calendrier de production avec celui des journalistes qui est très rigide. Leurs échéances sont très tôt, de plus en plus tôt d’ailleurs. Pour des chroniques à la rentrée littéraire de septembre, il faut que je les contacte dès fin avril.
Je dirai que la difficulté est de composer avec les différentes temporalités de chaque professionnel, celle des libraires, des festivals et de la presse, pour réussir à créer une dynamique qui va porter un livre.
Sachant que c’est d’autant plus compliqué que nous sommes une petite maison d’édition en région. J’essaie de me déplacer régulièrement partout en France pour rencontrer mes interlocuteurs et en trouver des nouveaux.
Par quels moyens contactez-vous les journalistes ?
Les deux tiers du catalogue du Mot et le Reste sont dédiés à la musique, domaine qui compte beaucoup de presse et de médias spécialisés. La maison d’édition est bien identifiée et je suis sollicitée spontanément, à la suite de nos newsletters.
Le dernier tiers de notre production est consacré à la littérature, pour laquelle je vais être plus dans la recherche.
Nous faisons deux à trois lettres d’information par mois pour communiquer sur nos nouveautés ou pour partager l’agenda des rencontres et des festivals. Elles sont envoyées aux libraires et aux journalistes. Pour la presse en particulier, nous en avons une qui part tous les deux mois et qui annonce le programme des sorties, elle est très importante. Je l’envoie très en amont, en février pour les ouvrages qui sortiront en avril, par exemple. J’en rédige également autour de temps forts comme l’obtention d’un prix ou la rentrée littéraire. Elles sont alors plus focalisées sur un titre. Comme cela n’est pas suffisant, je fais beaucoup de démarchage ciblé par mails.
Comment crée-t-on un réseau de journalistes ?
C’est un peu un travail d’archéologie sur internet. Par exemple, leurs adresses mails ont toujours la même racine après le « @ » donc, si on en a une, on sait comment s’écrivent tous les courriels d’un même média.
Une fois le contact établi, il y a tout un travail de confiance qui se met en place. Je vais échanger avec un journaliste, éventuellement par téléphone, puis je vais lui demander des conseils et de m’orienter vers des personnes qui seraient intéressées par notre fonds. Le réseau se fait petit à petit.
Parallèlement, j’essaie aussi de trouver des articles qui se rapprochent de nos thématiques et d’en joindre les auteurs. Cela nourrit notre fichier presse, qui est actualisé systématiquement. C’est un travail très long.
Utilisez-vous ou envisagez-vous d’utiliser les outils payants qui permettent d’accéder à des fichiers presse établis ?
Pour le tarif, ce serait difficilement envisageable, mais surtout ce ne serait pas adapté étant donné que nous sommes une petite maison d’édition à double casquette (musique et littérature). Notre objectif est d’avoir une image de marque et un réseau fidélisé. L’idée n’est pas de télécharger une grosse quantité de courriels et de les mettre en copie d’un mail générique.
Il faut connaitre son interlocuteur, ses goûts, sa façon de travailler : est-ce qu’il préfère la version papier ou PDF ? Est-ce que je lui envoie le livre ou est-ce qu’il voudra une présentation avant ? Est-ce qu’il participe à un festival ?
Dans tous les cas, je ne suis pas une machine ! Même si j’avais toutes ces adresses, je ne pourrais pas les exploiter en construisant une coopération durable. On est obligé de faire des choix, parfois on se trompe, parfois on tombe juste et cela débloque un certain nombre de portes.
Travaillez-vous aussi avec d’autres types de médias (télévision, radio) ? Êtes-vous en contact avec des influenceurs du livre ?
Si je vois le profil d’un instagrammeur qui parle de nos thématiques, je peux entretenir une collaboration. Toutefois, comme je suis seule sur cette mission, je n’ai pas la possibilité d’y consacrer trop de temps et nous travaillons donc de manière réduite avec les bookstagrammeurs.
La télévision est assez difficile d’accès. À l’inverse, du fait de notre catalogue orienté vers la musique, nous avons beaucoup de contacts en radio, notamment des stations publiques. Elles nous sollicitent très souvent, même en Belgique et en Suisse.
Pour nos ouvrages de littérature, c’est différent. Il y a nettement moins d’émissions radio consacrées à ce sujet et beaucoup d’éditeurs. On y entend surtout des noms de grandes maisons ou d’auteurs connus. On se concentre donc sur la presse régionale et spécialisée.
Selon vous, quelle est l'utilité des relations presse pour une petite maison d’édition ?
Quand on travaille avec une librairie, on a forcément des résultats alors que les relations presse c’est assez aléatoire. C’est quelque chose sur laquelle on a assez peu de pouvoir. Si un ouvrage se retrouve dans les coups de cœur d’un journal prescripteur comme Le Monde, Libération ou Télérama, ça peut changer sa vie : des personnes vont l’acheter à la suite de cette recommandation, cela va attirer l’œil du libraire et des autres journalistes. Cela est moins vrai en musique, l’effet boule de neige étant infime.
Quels conseils donneriez-vous aux éditeurs qui se lancent dans les relations presse ? Y-a-t-il des qualités ou des compétences particulières à avoir ?
Il faut savoir créer une relation à la fois professionnelle et personnelle, un lien particulier qui ne ressemble à aucun autre.
Le travail d’archéologie sur internet et le ciblage sont très importants. La clé est d’avoir un fichier presse propre et à jour.
Chaque mail et chaque newsletter doivent être bien pensés : concis, avec des mots-clés et une organisation. Il est important d’avoir un argumentaire bien fait, d’être convaincu et convaincant, de ne pas avoir peur de « vendre » son livre. Et de ne pas hésiter à relancer les journalistes, sans tomber dans le harcèlement.
Que préférez-vous dans votre métier ?
Dans les relations presse, ce sont les échanges, la dimension sociale. Quand on aime les livres qu’on défend, c’est agréable d’en parler avec quelqu’un d’autre, d’avoir son avis, de donner des conseils de lecture, etc. Mais les relations presse c’est aussi ingrat et aléatoire : parfois on se donne du mal sans obtenir ce que l’on veut, et parfois on en fait moins et on obtient des résultats.
Ce qui me plait, c’est surtout le côté artisanal des petites maisons d’édition. Nous ne sommes pas nombreux dans l’équipe et on a une vision globale de notre activité. Chacun à son mot à dire sur chaque étape, on échange énormément. J’apprécie particulièrement de construire un argumentaire, de trouver les forces d’un livre pour le mettre en valeur, de chercher les bons mots.