Marine Durand, journaliste culture
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Après une longue expérience au magazine Livres Hebdo, Marine Durand se consacre désormais à la presse régionale culturelle et littéraire. Au sein de l’édition marseillaise de La Provence, ses écrits reflètent son amour pour la culture ainsi qu’un ancrage local fort. Elle se livre ici sur sa carrière de journaliste et la spécificité de traiter de sujets culturels dans un journal quotidien en province.
Après une prépa littéraire et une licence d’histoire, j’ai passé les concours des écoles de journalisme et j’ai étudié deux ans dans celle de Lille. J’exerce le métier depuis 12 ans.
Mon premier poste était à franceinfo.fr en tant que secrétaire de rédaction. Je vérifiais les informations, la structure des articles et les corrigeais. J’ai ensuite fait de la pige pour la presse féminine et un journal gratuit.
Puis, un peu par hasard, je suis entrée à la rédaction de Livres Hebdo. Je n’avais pas de connaissances dans l’industrie du livre mais ce n’était pas gênant. J’y suis restée deux ans avant de partir vivre à l’étranger, où je suis devenue correspondante pour la presse écrite au Canada et aux États-Unis. En parallèle, je continuais à écrire pour Livres Hebdo, notamment sur l’édition. Quand je suis rentrée en France, j’ai commencé à faire de l’éducation aux médias dans des collèges, des lycées et des associations pour expliquer le métier de journaliste.
Depuis un an, je suis au service culture de La Provence, au siège, à Marseille. La rédaction couvre toute l’actualité culturelle, mais selon les affinités de chaque journaliste, il est possible de traiter plus de danse ou de théâtre par exemple. Naturellement, j’ai apporté ce regard sur l’industrie du livre et j’ai traité des sujets sur la rentrée littéraire ou les éditeurs en région. J’essaie aussi de repérer les auteurs marseillais ou provençaux qui vont sortir des livres intéressants et dont je peux parler selon tel ou tel angle. Je n’ai fait que deux critiques littéraires pour l’instant car c’est une page à part dans notre journal qui est gérée par une seule personne.
Pour le livre, oui. Ce monde m’était inconnu jusqu’à ce que je rentre à Livres Hebdo. D’ailleurs, je ne connaissais pas la revue non plus puisque c’est un média dédié aux professionnels du livre et non au grand public.
En revanche, l’univers de la culture m’a toujours intéressé, tout en m’impressionnant un peu. J’avais l’impression qu’il fallait un énorme bagage pour pouvoir s’exprimer sur le cinéma, la danse, les livres, etc. J’ai commencé à faire mes premières armes pendant mes études avec le magazine gratuit Let’s Motiv, distribué dans le Nord et en Belgique. J’ai réalisé plusieurs interviews et ça m’a appris à avoir un regard désacralisé sur la culture et de m’y sentir de plus en plus à l’aise.
Pour l’instant, elle est assez faible. Je dirai que cela représente 10 % de ce que je fais, en particulier parce que c’était quelque chose qui était assez peu traité à La Provence avant mon arrivée.
Et puis, dans ce journal, l’ancrage local est nécessaire, donc je ne peux pas faire un article sur la rentrée littéraire avec un angle national par exemple. En revanche, je fais une veille de ce que publient les maisons d’édition de la région ou les auteurs locaux.
L’actualité, bien évidemment, comme la publication d’un titre. C’est ce qui a motivé quasiment 100 % des articles « livre » que j’ai rédigés ces derniers mois. J’essaie de me caler sur un rendez-vous, soit la rentrée littéraire d’hiver, soit celle de septembre, et de repérer un ouvrage qui peut avoir un écho.
L’ancrage local est essentiel dans le choix de mes sujets. L’un de mes derniers articles portait sur la bande dessinée Chroniques du grand domaine de l’autrice marseillaise Lili Sohn. On y découvre l’immeuble dans lequel elle vit à Marseille et dont elle retrace l’histoire : il a accueilli différentes diasporas, des militants et des artistes.
C’est peut-être un tort mais, dans la presse régionale quotidienne, on part toujours du principe que si les articles parlent de gens d’ici, ça va intéresser notre lectorat. Je pense que c’est ce qu’il recherche en achetant La Provence. De plus, je me dis que si ça m’intéresse, ce sera aussi le cas pour les autres.
Pour un artiste qui vient de sortir un nouvel album ou un réalisateur qui explique sa démarche, je pense que je m’oriente plus facilement vers des interviews. Pour des écrivains, par exemple, j’utiliserai surtout le portrait. Ça permet d’insérer un peu de critique dans mon article et de citer l’ouvrage, c’est important de donner à voir l’écriture de l’auteur.
Il y a aussi des « retours d’expériences » que je peux rédiger à la suite d’un spectacle par exemple, et que je trouve plus difficile à faire pour le livre, et puis ça se rapprocherait de la critique et ce n’est pas une page que je gère.
J’essaie d’avoir un regard sur les sorties éditoriales de la région mais je manque de temps pour créer des relations privilégiées, qui sont importantes dans notre métier.
Ça peut m’arriver quand même de développer des liens : par exemple, il y a une éditrice avec qui j’avais déjà échangé pour un de ses ouvrages qui m’a proposé d’aller boire un café.
Je me suis aussi déjà rendue à des présentations d’éditeurs, et c’est sûr que personne ne parle aussi bien d’un livre qu’un éditeur, ou son auteur, mais je ne peux pas toutes les faire, c’est trop chronophage.
Ça me plairait de pouvoir partager les évènements et les dédicaces en librairie, ce qui intéresserait mes lecteurs, mais je n’ai pas encore réussi à mettre en place une veille efficace.
Quand je travaillais à Livres Hebdo, j’entendais souvent qu’elle s’amenuisait, tout comme celle de la culture, et je suis d’accord avec ce constat. La presse écrite elle-même va mal.
Il y a différentes causes à cela mais la principale pour moi est la concurrence : il y a une offre culturelle de plus en plus étendue. Netflix est le premier concurrent au livre. Il y a 100 ans, dans les médias, on parlait peut-être plus de littérature car il y avait moins de loisirs.
Aujourd’hui, toutes les rédactions, dont La Provence, simplifient leur pagination et proposent des formats toujours plus courts.
Il est aussi peut-être difficile de se renouveler pour parler du livre et sortir de l’exercice de la critique. On peut malgré tout citer des tentatives de propositions différentes avec l’animateur Augustin Trapenard qui a fait des émissions télévisées comme Plumard ou 21 centimètres, et bien sûr La Grande librairie qui reste le plus gros prescripteur littéraire en France.