La Convention européenne des Droits de l'homme au secours de l'éditeur en mal de liberté d'expression ?

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La Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’homme et des Libertés fondamentales (Convention EDH) prévoit que « Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière (…) ».



Un éditeur turc a eu le malheur de publier un ouvrage sur un chanteur turc à succès, très influent semble t-il (Tarkan). La star n’appréciant pas le contenu du livre a assigné l’éditeur en justice afin que le livre soit saisi et ne puisse donc plus être diffusé. Sans se préoccuper de motiver sa décision, le juge a ordonné la saisie et le livre a disparu des étagères. C’était sans compter sur l’opiniâtreté de l’éditeur qui, mécontent de perdre devant toutes les juridictions nationales, a saisi la Cour européenne des droits de l’homme (Cour EDH, affaire Sapan, 8 juin 2010).

Bien lui en a pris, car celle-ci a conclu à la violation de l’article 10 (liberté d’expression), en reprochant l’ingérence du juge qui a ordonné la saisie sans donner le moindre élément d’explication, ni a fortiori de raisonnement juridique, et l’ayant pourtant conduit à prendre une décision particulièrement grave au regard du principe de la liberté d’expression.



Rappelons que la Convention EDH a une valeur juridique supérieure à celle des lois (article 55 de la Constitution française) et est ainsi pleinement et directement applicable par le juge national. Mieux vaut invoquer la Convention devant le juge national plutôt que d’attendre la saisine de la Cour européenne, dont les décisions sont rendues au bout de plusieurs années. Ce n’est en tout état de cause que si le plaignant n’obtient pas satisfaction devant les juges nationaux qu’il peut saisir la Cour EDH, située à Strasbourg.

On ne peut que louer cet éditeur d’avoir été « jusqu’au bout », alors même que le livre saisi par décision de justice a disparu des rayons pendant près de trois ans…


© Vincent Schneegans, avocat à Marseille, avec Emma douzou, pour l’ArL Provence-Alpes-Côte d’Azur, 2011