Reddition de comptes : éditeur peu scrupuleux ou auteur trop tatillon ?

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Monsieur P., auteur d’une biographie sur Serge Gainsbourg aux éditions Sand, insatisfait du travail de son éditeur, tente de récupérer les droits sur son livre. D’abord de façon amiable, puis en justice… Il fait feu de tout bois ! Haro sur son éditeur qui aurait violé son obligation d’exploitation permanente et suivie, ne l’aurait pas suffisamment informé sur ses intentions de réédition, aurait violé le droit moral de l’auteur et porté atteinte à l’intégrité de son œuvre (sur ce dernier point, la Cour lui donnera raison). Monsieur P. sollicite également la résiliation de son contrat (lui permettant de reprendre les droits sur son œuvre) au motif que l’éditeur ne se serait pas conformé « aux obligations tant légales que contractuelles de rendre compte pour les ventes intervenues en 2004 et 2005 ».

L’obligation de rendre compte (article L.132-13 du Code de la propriété intellectuelle) est essentielle puisqu’elle permet à l’auteur d’être informé sur la permanence de l’exploitation de son œuvre, d’en contrôler l’étendue, et de s’assurer des redevances qui en découlent… Pour certains juges, l’éditeur doit transmettre à l’auteur les arrêtés de compte au moins une fois par an (Cour d’appel de Bordeaux, 29 janvier 2007, qui analyse l’article précité comme étant d’ordre public). Selon d’autres juges, ce rythme n’est impératif que si le contrat ne prévoit pas d’autres modalités, même moins contraignantes (le juge vérifiera alors que la clause du contrat est suffisamment claire, et qu’elle n’empêche pas le légitime droit à information de l’auteur).  

Le contrat d’édition en cause (biographie de S. Gainsbourg) prévoyait des arrêtés annuels sauf en cas de compte débiteur. L’éditeur a réalisé les arrêtés, les a bien transmis à l’auteur mais avec retard. Violation du contrat, certes, mais pas suffisante pour permettre à l’auteur de reprendre ses droits : « ce retard de deux mois ne peut suffire à entraîner la résiliation du contrat et ce d’autant moins que ce relevé est débiteur et que l’article 5.15 du contrat dispensait l’éditeur de l’envoi du compte présentant un solde débiteur »… (Cour d’appel de Paris, 25 Juin 2010).

© Vincent Schneegans, avocat à Marseille, pour l’ArL Provence-Alpes-Côte d’Azur, 2011