Le tagueur est-il un auteur ?
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L’art graffiti s’expose régulièrement. Il s’agit d’une forme d’expression artistique indéniable.
Si l’œuvre est réalisé sur un support autorisé, le droit d’auteur s’impose naturellement. Mais qu’en est-il de l’œuvre réalisée sur un support illicite (murs d’un immeuble, métro, train, etc.) ?
Il est rare que le propriétaire de l’immeuble, du métro ou du train ait consenti à l’utilisation de son bien, support très prisé des tagueurs.
Au nom du droit d’auteur, l’artiste peut-il interdire le propriétaire du support d’effacer (rageusement) son méfait ? Non, puisque il a réalisé son œuvre de façon illégale (il s’agit d’une contravention d’inscriptions sur le bien d’autrui, pénalement condamnable).
Mais le propriétaire du support utilisé illégalement peut-il pour autant faire interdire la diffusion de photos du tag réalisées avant qu’il n’ait eu le temps de l’effacer ? Non, car même éphémère et réalisée illégalement, l’œuvre reste protégée par le droit d’auteur. La SNCF n’a par exemple pas pu faire interdire la diffusion de photos de ses trains tagués (Cour d’appel de Paris, 27 septembre 2006).
L’éditeur peut-il sans risque publier un livre de ces œuvres éphémères, sans l’accord de ces derniers? Même s’ils sont rarement identifiables, il faudrait en principe obtenir leur accord. Car les tagueurs restent titulaires de tous les droits, patrimoniaux et moraux, que le code de la propriété intellectuelle reconnaît aux créateurs.
Ainsi, les juges, s’ils sont saisis, devront trancher entre deux droits, le droit d’auteur et le droit de propriété.
© Vincent Schneegans, avocat à Marseille, pour l’ArL Provence-Alpes-Côte d’Azur, 2012