Originalité de la photographie, personnalité du photographe : comment la justice tranche ?

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La photographie est une œuvre de l’esprit (article L112-2, 9° du Code de la propriété intellectuelle).

L’engouement pour la photographie, chaque année rappelé lors des Rencontres d’Arles, n’a pas laissé le droit indifférent. La question de la protection des œuvres photographiques est régulièrement en débat devant les juridictions.

Le juge, pour reconnaitre ou non la protection de la photographie qui est soumise à son étude, doit vérifier si elle est « originale », c’est-à-dire si elle est bien l’expression de la personnalité du photographe. Même si la tentation doit être grande, le juge n’a pas à décider de la qualité artistique de la photographie pour accorder la protection, mais à caractériser l’originalité.

Le photographe, pour revendiquer la protection, ne peut plus se contenter de prouver qu’il est bien l’auteur de l’œuvre et d’affirmer une « présomption d’originalité ». Il doit, pour chaque photographie, décrire les éléments qui caractérisent l’empreinte de sa personnalité. C’est à celui qui revendique un droit d’apporter les éléments de preuve, ce qui rend le travail très fastidieux lorsque vous avez des centaines de photographies en jeu… Et il ne suffit pas de lister les photographies, il faut les reproduire intégralement.

Sur la base des éléments proposés, le juge doit examiner chaque photo et apprécier leur originalité respective. Un ancien reporter-photographe de La Provence, furieux de retrouver ses photos de joueurs de foot dans des livres publiés par la maison d’édition Hugo&Cie, sans avoir donné son accord, a agi en contrefaçon contre la maison d’édition. Il a perdu son procès devant la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, la Cour ayant considéré que la preuve de l’originalité n’était pas rapportée s’agissant de photographies prises en rafale, sans choix de mise en scène et d’éclairage, le cadrage et le choix de l’angle de vue étant selon les juges « en partie le fruit du hasard ». Or, la Cour de cassation a rappelé au juge d’appel qu’il ne peut se contenter d’une analyse globale des photographies. À suivre, donc, l’affaire ayant été renvoyée devant la Cour d’appel de Lyon (Cour de cassation, 11 mai 2017).

© Cécile Deschanel, docteur en droit, pour l’ArL Provence-Alpes-Côte d’Azur, 2020