4 questions à... Thibault Bérard

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Après avoir suivi des études littéraires, ce parisien né en 1980, devient journaliste, puis éditeur. Pendant près de quinze ans, il est responsable des romans aux éditions Sarbacane, avant de décider en 2022 de « faire le grand saut » pour se consacrer exclusivement à l’écriture. Thibault Bérard est l’auteur de plusieurs livres, dans les secteurs adultes et jeunesse.

Couverture du livre Le grand saut de Thibault Bérard

En 2020, une foule d’événements se sont succédés qui m’ont amené, en très peu de temps, à un changement de vie radical. J’ai publié mon premier roman, Il est juste que les forts soient frappés, qui a connu un succès tout à fait inattendu. Dans ma lancée, j’ai écrit un deuxième roman, Les Enfants véritables, puis un troisième, Le Grand saut. 

À cause de la pandémie, ma famille et moi avons décidé de quitter l’ouest parisien pour goûter une meilleure qualité de vie. Nous nous sommes donc installés dans le Sud, dont mon épouse est originaire. Et pour finir, avec ce choix est venu mon autre « grand saut » personnel : j’ai quitté mon emploi salarié aux éditions Sarbacane pour vivre pleinement ma vie d’auteur, en continuant de publier des romans en littérature générale (le prochain est prévu en avril 2024 chez La Ville Brûle) et en publiant des livres pour le secteur jeunesse : des albums illustrés chez Albin Michel, une série de premières lectures chez Milan, des romans juniors chez Gallimard jeunesse, des romans ados chez Bayard…

À présent, je fourmille de projets, j’anime des rencontres scolaires et des ateliers d’écriture partout en France, et je vis au paradis, dans le petit village de Forcalquier où ma femme, mes enfants et moi sommes parfaitement heureux.

Je travaille sur une série de romans historiques pour enfants (9-11 ans), Léo et les orphelins de Paris, qui paraîtra en 2024 chez Albin Michel jeunesse. L’action se situe en 1870, durant la guerre franco-prussienne, qui aboutira à la Commune de Paris.

C’était un défi, pour moi, de me frotter à ce genre, parce que je n’ai jamais été très bon en Histoire… En revanche, je connais assez bien le 19e siècle et j’adore les romans-feuilletons de cette époque. Sur une idée de ma formidable éditrice Karine Van Wormhoudt, je me suis lancé ; après m’être documenté, j’ai créé Léopoldine, une héroïne sortie des univers de Hugo et Dickens. Elle est jetée à la rue suite aux manigances d’un oncle cruel déterminé à s’emparer d’une formule chimique créée par son père… Et elle trouvera finalement refuge au sein d’un groupe de gamins des rues, les maraudeurs.

Je me rappelle, vers onze ans, de la lecture de Sa Majesté des mouches de William Golding. 

Ce qui m’a plu, c’est le sentiment d’être arraché à mon quotidien pour atterrir sur une île déserte où tout pouvait être un danger… Or, il s’avère que le pire danger que rencontrent les enfants réfugiés sur cette île, c’est eux-mêmes. Le moment où le groupe se sépare en deux clans opposés, pour conduire à une escalade de violence terrifiante, m’avait glacé. Je crois que c’est la première fois qu’un livre m’a parlé comme à un être capable de comprendre ce que racontaient les adultes. La violence existait, et elle était en nous ; j’allais y être confronté, tôt ou tard.

Et puis, il y avait tous ces passages de pure poésie à propos de la fameuse « majesté des mouches », justement, que je lisais sans tout à fait les comprendre mais qui me fascinaient…

Ah, je vais être obligé de citer Ulysse de James Joyce, dont je n’ai jamais réussi à achever la lecture – et je sais que je ne suis pas le seul ! 

Mais d’ailleurs, cela m’amène à une question intéressante : qui décide de ce que seront les chefs-d’œuvre futurs ? Comment le deviennent-ils ? C’est parfois un succès populaire qui concourt à la renommée d’un écrivain, mais dans d’autres cas, le caractère génial d’un ouvrage émerge de cercles plus restreints, et cela reste mystérieux.

On ne peut pas douter, en lisant Ulysse, de l’ambition extraordinaire de ce roman ; mais qui pourra nier que l’on s’ennuie terriblement à le lire, qu’on peine à discerner l’intrigue, que même les morceaux de bravoure stylistique, au bout d’un moment, finissent par lasser ?

Je reste, sur ce plan, un lecteur « simple » : j’ai besoin d’être happé par une histoire. C’est pour cela que j’aime tout autant les grands romans classiques que le cinéma hollywoodien des années 40-60, les comics Marvel ou la littérature fantastique !