La créativité des villes, levier d'action politique ?

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La ville est au centre des préoccupations de l’Unesco à travers huit programmes, dont celui des Villes créatives. Né en 2004, il regroupe aujourd’hui 90 pays et 300 communes. 42 font partie du réseau dédié à la littérature.

Mur peint à Angoulême – « Blake et Mortimer » – 2000 – Edgard P. Jacobs – 80 Rue Saint-Roch

À travers le réseau des villes créatives (RVCU), l’Unesco « engage les villes membres à soutenir leur vie artistique et à collaborer à l’international en partageant les meilleures pratiques, à défendre la liberté d’expression, et à lancer des projets qui assurent que la création touche un public aussi large et diversifié que possible, localement comme à l’international ». Une démarche qui valorise donc les capacités de la culture à renforcer l’attractivité et l’identité urbaines, à promouvoir l’expression et les échanges ; ce secteur étant identifié comme levier économique producteur d’emplois.

Chaque cité investit le domaine créatif le plus approprié à son histoire et à la dynamique en œuvre sur son territoire pour assurer son développement. 7 “clusters” existent : littérature, cinéma, musique, artisanat et arts populaires, design, arts numériques et gastronomie.

Le programme est extra budgétaire : aucune subvention n’est attribuée par l’Unesco. Les villes et métropoles s’engagent à investir de l’argent à la fois sur leur territoire, dans la filière du domaine choisi et pour les déplacements lors des rencontres annuelles (RVCU et “cluster”). Ce réseau agit comme catalyseur de financement et permet d’attirer l’attention des mécènes.

En France, Cannes (cinéma), Angoulême (littérature), Metz (musique), Lyon et Enghien-les-Bains (arts numériques), Limoges (artisanat et arts populaires), Rouen (gastronomie) et Saint-Étienne (design), appartiennent au réseau.

Si des partenariats naissent entre les participants, au sein d’un groupe, c’est aussi le cas entre les membres d’un même pays, entrainant ainsi une coopération nationale au-delà de la thématique. Une logique qui ne doit pas être négligée.

Les plus représentées sont en Europe et en Amérique du Nord (31) majoritairement anglo-saxonnes, puis viennent celles d’Asie et du Pacifique (6), les États arabes (3). Une seule est située en Afrique et une seule en Amérique du sud. Québec, Beyrouth et Angoulême sont les villes francophones qui participent au réseau. Le “cluster” cherche à s’ouvrir à d’autres zones géographiques.

Chaque ville a une identité littéraire différente. Par exemple : Angoulême est rattachée à la bande dessinée, Melbourne à la poésie ; Milan est, quant à elle, un centre italien de l’édition et Manchester une cité multiculturelle.

« Le réseau des villes littéraires est un des plus actifs », affirme Lorenzo Kihlgren Grandi, Directeur du City Diplomacy Lab, Columbia Global Centers, Paris. Celui-ci se réunit une fois par an à l’automne (Québec en 2023) et de façon virtuelle au printemps. Tous les échanges se font en anglais ; il est donc impératif que les représentants parlent cette langue couramment.

Désignée Ville créative en 2019, la commune, dont le festival de la bande dessinée a eu 50 ans en 2023, avait déjà un ancrage solide dans ce domaine. Elle compte notamment, 350 auteurs installés sur son territoire, des infrastructures comme le musée de la BD, le Campus de l’image qui forme 1 600 étudiants, des entreprises directement liées au 9e art ainsi qu’un réseau de sociétés et d’associations dédiées à l’animation, au numérique et au multimédia.

La candidature d’Angoulême reposait dès le départ sur une volonté politique locale forte et s’est appuyée sur les acteurs de la filière ainsi que sur la société civile, les secteurs privé et public, les milieux éducatif et associatif. Deux personnes portent le projet au sein de la direction développement des arts et de la culture de la municipalité : le responsable rayonnement territorial et politique de l’image, Sylvain Pothier-Leroux et une chargée de mission. Leur rôle est de susciter des croisements entre la littérature et d’autres secteurs, de mettre en place des passerelles entre l’administration et le programme ainsi que de créer une synergie sur le territoire.

Sylvain Pothier-Leroux explique : « Le premier plan d’action arrive à son terme. On est en période d’évaluation et de projection. Le RVCU a permis de formaliser les instances de travail, d’accélérer les projets, d’en améliorer la qualité, de les mettre en cohérence et d’impulser des échanges réguliers entres les acteurs de la filière. Un second temps axé sur la lecture publique et la BD dans l’espace public est d’ores et déjà envisagé ».

L’association CAP BD | Clubunesco a été créée en 2020 pour fédérer autour du programme Unesco, tout au long de l’année, sur le territoire.

Un forum « ensemble pour le développement de la filière bande dessinée » a été organisé avec un premier rendez-vous autour des auteurs à l’automne 2022.

Le renforcement et la qualité des échanges au sein du cluster ont favorisé une ouverture vers de nouveaux projets, comme l’exploration des webtoons avec Bucheon en Corée. Des actions avec d’autres villes créatives françaises ont également été impulsées, par exemple un concert dessiné avec l’orchestre national de Metz.

Un nouvel appel à candidatures biannuel a été lancé en 2023, la date butoir étant le 30 juin.

Un système de mentorat est proposé pour accompagner les candidats. Pour plus d’informations, John Keynyon, d’Iowa city, est le coordinateur du groupe des villes littéraires. La candidature doit être validée par la commission nationale, qui dépend en France du ministère des Affaires étrangères. Deux villes par pays peuvent postuler.

Les dossiers sont ensuite répartis par “cluster” et évalués selon une grille par les membres déjà labellisés. Un classement est alors effectué collectivement et un comité d’experts entérinent la décision finale.