Décloisonner l'art et le patrimoine

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Ancien lieu d’étude et de lecture publique, la bibliothèque du Musée d’Art de Toulon a été transformée en une structure spécialisée assortie d’un cabinet de curiosités. Le tout dans un cadre d’époque rénové et préservé. Suivez le guide !

Les étagères en bois, d’époque, s’élèvent jusqu’au plafond, accessibles pour les plus hautes par deux coursives qui surplombent la salle accessible au public. Une ambiance studieuse, une lumière diffuse issue de verrières au plafond, des tables de travail disposées entre des livres d’art mis en valeur par des sélections, et même un espace d’exposition d’objets anthropologiques… C’est le cadre actuel de ce lieu créé en 1888.

Ouverte au 19e siècle dans un bâtiment qui héberge également le musée des Beaux-Arts et le musée d’Histoire naturelle de la ville, la bibliothèque est alors un établissement d’étude. Une section adulte de lecture publique s’y adjoint à partir des années 1960. Dans les années 2010, deux projets parallèles amènent à repenser l’équipement : d’un côté, le réseau des bibliothèques toulonnais lance le projet d’une grande médiathèque centrale, qui deviendra la médiathèque Chalucet ; de l’autre, le Musée d’Art de Toulon entre dans une phase de rénovation, dans la cadre de sa labellisation “Musée de France”.

Ces travaux posent deux nouveaux enjeux pour la bibliothèque du Musée d’Art de Toulon : se différencier de la nouvelle médiathèque, proche géographiquement, et se rapprocher du musée d’Art, car les travaux ont permis de faire communiquer directement ces équipements jusque-là cloisonnés. L’équipe de la bibliothèque choisit donc de développer les collections autour de deux axes :

  • Des livres sur l’histoire des Beaux-Arts placés en libre accès au rez-de-chaussée.
  • Un fonds local sur la Provence, tant patrimonial que contemporain, localisé dans les coursives.

Des recueils de sciences humaines de niveau universitaire et des ouvrages et documents sur le vieil Alger sont également présents sur place. “On essaie de faire correspondre les fonds, explique Michel Borchia, responsable de la bibliothèque, afin qu’ils se complètent, se répondent et composent un ensemble cohérent.”

Volet emblématique de cette volonté de faire un ensemble ayant du sens : le Cabinet de curiosités. Il s’agit d’un espace scénographié, hommage rendu au savant provençal du 17e siècle Nicolas Gabriel Fabri de Pereisc qui en possédait un. Les vitrines mettent en avant les collections anthropologiques du musée, à savoir des objets des cinq continents issus de donations comme celle du marquis de Fauverge ou encore celles d’amiraux et marins affectés à l’arsenal de Toulon. Les statuettes, défense d’éléphant sculptée, armure de samouraï, calebasses gravées guyanaises…, installées par l’équipe du musée, sont accompagnées dans leurs vitrines par des ouvrages patrimoniaux sur les explorations (issus des réserves de Lagoubran), et par des collections sur l’histoire des aires géographiques représentées.

La rénovation s’inscrit dans la deuxième phase des travaux du musée, la première concernant le premier étage du bâtiment. Début 2018, les 65 000 livres présents sont déménagés à Lagoubran*. Là, les collections sont désherbées, mises au pilon pour certaines, tandis que les nouvelles acquisitions sont faites. Au total, 220 000 documents sont manipulés sur trois ans. La bibliothèque rouvre en juin 2021 avec 35 000 livres en rayon. Le fonds local étant destiné à s’accroître, une partie des étagères est restée vide pour une capacité totale de 45 à 50 000 volumes. L’équipe de la bibliothèque, et celle du musée pour le Cabinet de curiosités, ont pu être associées aux travaux menés par le cabinet d’architecture Duchier + Pietra et par Maffre Architectural Workshop pour la scénographie.

Si sa fréquentation n’est pas comparable à celle d’une bibliothèque de lecture publique, c’est un véritable succès depuis son ouverture : “Les retours auprès de nous sont très positifs, commente Michel Borchia, les gens nous disent que la salle a été extrêmement bien rénovée et qu’ils sont contents de trouver cette documentation sur l’art.” L’établissement accueille désormais un public diversifié : à la fois les étudiants, lycéens et personnes qui viennent rechercher le calme des espaces pour travailler sur place, et les visiteurs du musée qui terminent désormais systématiquement leur visite par cette nouvelle belle découverte.


*Proche de la zone d’activités de Lagoubran, la bibliothèque abrite les collections patrimoniales, dans des magasins spécifiques, ainsi que les réserves de lecture publique (romans et documentaires).