Écrire le monde entre quatre murs

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L’Agence régionale du Livre coordonne un cycle d’ateliers d’écriture journalistique pour les détenus, animés par des chroniqueurs et documentaristes du collectif 15/38 Méditerranée et des auteurs. Le bilan est positif.

L’Agence mène une mission de développement de la lecture en direction des personnes placées sous main de justice en Provence-Alpes-Côte d’Azur depuis 2015.
Cela se traduit par une proposition de cycles d’animations autour du livre élaborée avec des associations partenaires à destination des établissements pénitentiaires. Pour la période 2021/2023, l’Agence a choisi de travailler à l’organisation d’ateliers “Écrire le monde” avec le collectif 15/38 Méditerranée, média indépendant et participatif composé de journalistes et de documentaristes du pourtour méditerranéen.

Entre septembre 2021 et janvier 2022, quatre établissements pénitentiaires ont reçu des binômes formés d’un journaliste et d’un auteur de la région (écrivain, illustrateur, dessinateur, traducteur). Des témoignages émouvants de ces rencontres ont été recueillis.

  • Sophie Bourlet (journaliste) et Juliette Iturralde (autrice et illustratrice), à la maison d’arrêt de Nice.
    Juliette Iturralde revient sur cette expérience : «Échanger des paroles, des regards, de l’attention. Je ne pourrais pas dire exactement ce qu’il peut rester de nos ateliers mais nous nous sommes rencontrés. Nous sommes venues à la prison et ils sont venus à l’atelier. Ils ont accepté de participer et de s’investir. Nous avons pu nous exprimer et même rigoler. Vivre ensemble quelques moments que j’espère moins lourds que ce qu’ils ont décrits durant ces séances. J’ai envie de croire que des instants plaisants, même brefs, peuvent participer à éclaircir un horizon difficile à ensoleiller. »
    Un livret a été conçu, composé d’haïkus, de textes et dessins qui répondent à la question : « Que s’est-il passé à cette date dans vos vies ? ».

  • Hélène Bourgon (journaliste) et Nia Lotfi (poète et traducteur), au centre de détention de Tarascon
    Un détenu, Ben, raconte : « On est un groupe de six personnes. On discute. On chante. On raconte des histoires. On traduit. Des histoires, des récits, des chansons. Tous les jours. En français et en arabe. On a alors naturellement créé un programme bilingue : radio Assar. Le mot « assar » a plusieurs sens. Il peut s’agir de vestiges, de ruines ou encore des traces laissées dans le sable. « Assar » c’est aussi s’émouvoir. Quand vous me racontez une histoire triste par exemple, vous laissez un « assar » en moi, une émotion. »
    Trois posdcasts de Radio Assar ont été écrits et réalisés à cette occasion.

  • Thimoté Vinchon (journaliste) et Remi Kerfridin (dessinateur), au quartier des mineurs de la maison d’arrêt de Grasse.
    Remi Kerfridin met en évidence l’impact du rapport espace-temps, si particulier : « Ça rappelle l’école, mais ici il y a plus de surveillants que d’élèves. Capter l’attention des regards qui fixent le ciel à travers les barreaux. Dans ce cadre si resserré, les choses ont dû se faire vite. Ne pas perdre de temps ! Nous avons dû rapidement nous connaître et faire les choses simplement. »
    Les participants ont imaginé un livret de recettes illustrées qui pourraient être cuisinées en cellule.

  • Justin de Gonzague (journaliste) et Mo Abbas (poète et traducteur), à l’établissement pour mineurs de la Valentine (Marseille).
    Mo Abbas insiste sur l’intensité de ces moments : «denses et émotionnellement très forts, comme vous vous en doutez. Comme prévu, ils nous attendaient. Ils étaient tous là, même ceux qui ne semblaient  pas intéressés la dernière fois. Assis sur les canapés en plastique orange, ils attendaient notre venue, nos pains au chocolat et nos jus d’orange, nos casques, nos micros, notre présence - ils sont capables de refuser l’activité boxe pour venir nous voir, et ça, c’est une grande victoire pour moi. »
    Radio Chtar est née de ces ateliers. Des podcast où les jeunes détenus se racontent, s’interviewent sur les choses de la vie.