La Bibliothèque de l’Alcazar de Marseille fête ses 20 ans !
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En novembre 2024, le vaisseau-amiral du réseau de lecture publique marseillais souffle ses 20 bougies. Retour sur l’histoire de cette grande bibliothèque et sur les festivités prévues pour cet anniversaire.
Le bâtiment que nous connaissons aujourd’hui a ouvert ses portes pour la première fois en mars 2004. Avant cela, les fouilles archéologiques, préambule obligatoire aux travaux de construction, ont permis de mettre en lumière le passé très ancien de ce lieu, remontant jusqu’au VIe siècle avant J.-C., époque de la fondation de la cité par les Phocéens. Domaine agricole pendant plusieurs siècles, l’endroit fut ensuite un couvent puis une auberge, avant de devenir en 1857 une salle de spectacle mythique : L’Alcazar-Lyrique. Le café-concert acquiert d’ailleurs rapidement une grande popularité auprès des habitants. Dans une architecture et des décors inspirés de l’Alhambra de Grenade, le lieu accueille un auditoire socialement diversifié, pouvant compter jusqu’à 2 000 personnes. Les représentations y sont variées et la salle devient un tremplin pour les célébrités locales ainsi qu’ une date incontournable pour les stars nationales.
Mais les années 1960 lui sont fatales : le spectacle vivant est de plus en plus délaissé au profit de la télévision et du cinéma, et les cachets des artistes augmentent. L’équation aboutit à la faillite financière de l’établissement, qui ferme définitivement ses rideaux en 1966. S’en suit une période d’abandon de plusieurs décennies, durant laquelle le bâtiment, derrière les restes de sa marquise, abrite un dépôt-vente de meubles. Il est finalement démoli, faute d’entretien, à la fin des années 1970. La fin d’une époque pour ce lieu antérieur à Notre-Dame-de-la-Garde et au Palais Longchamp… Mais celui-ci renoue avec son destin à la fin des années 1990, lorsqu’il est choisi comme emplacement pour construire la bibliothèque de l’Alcazar, un même nom pour un nouveau chapitre de son histoire, qui va continuer de marquer le quartier et les visiteurs.
Entre 1992 et 1997, l’État lance un programme de financement pour la construction de BMVR (Bibliothèques Municipales à Vocation Régionale), afin d’équiper en grandes bibliothèques les villes d’au moins 100 000 habitants qui en sont dépourvues. Douze communes au total bénéficient de ce dispositif, dont Marseille. Équipement intégré dans un réseau de bibliothèques déjà existant, la BMVR de l’Alcazar vient remplacer Saint-Charles dans son rôle de tête de réseau. Il s’agit d’un projet ambitieux, dont la réalisation est confiée aux architectes Adrien Fainsilber, à qui on doit la cité des sciences de la Villette à Paris, et Didier Rogeon.
Les travaux débutent en 1999 et cinq ans plus tard est inaugurée en présence de Jacques Chirac la plus grande bibliothèque de France (après la BnF) en termes de surface publique : 20 000 m2 répartis sur 4 niveaux, qui contiennent plus d’un million de documents. On compte parmi eux environ 250 000 ouvrages patrimoniaux, une collection d’intérêt national conférant à l’institution le statut de BMC (Bibliothèque Municipale Classée).
De l’ancien édifice, le nouvel Alcazar a conservé, en plus du nom, quelques vestiges de son passé : le mur courbe du promenoir, que l’on peut encore voir au troisième étage de la bibliothèque, et son emblématique porte d’entrée dont la marquise et les boiseries, sont classées aux Bâtiments de France.
À cet héritage viennent s’ajouter les éléments du « 1 % artistique » intégrés dans le projet architectural. Le peintre américain Douglas Martin a réalisé des motifs sur les ascenseurs en verre, sur lesquels on peut lire « Alcazar » lorsqu’ils sont alignés. Le sculpteur Bernard Pagès a incrusté dans le sol en marbre une plaque d’acier représentant le ruisseau originel de la calanque du Lacydon, là où s’est construit le Vieux Port, gravée de dessins symbolisant l’histoire du lieu. Au-dessus de l’escalier de la salle de conférence, le collectif Cooked in Marseille a conçu un lustre qui fait écho au passé flamboyant de l’ancien music-hall.
La bibliothèque dans son ensemble a été conçue dans un souci de fluidité, de lumière et de transparence : façades vitrées, verrière au plafond, ascenseurs panoramiques. Située sur le cours Belsunce, à deux pas de la Canebière, l’objectif était aussi de redynamiser ce quartier du centre-ville historique.
Vingt ans plus tard, malgré des difficultés internes qui ont mené un temps à la réduction de ses horaires d’ouverture, la BMVR enregistre 1 million de prêts de documents par an et reçoit en moyenne 1,2 million de visiteurs chaque année. Une part non négligeable de ses usagers y vient aussi pour le cadre de travail qu’elle propose. La programmation culturelle, servie par ses différents espaces d’exposition et d’évènements, constitue une part importante de son activité.
La bibliothèque de l’Alcazar a encore de beaux jours devant elle et des défis à relever : améliorer sa fréquentation et son accessibilité, diversifier son public, adapter ses services, entretenir et moderniser les locaux… Ses horaires d’ouverture viennent d’être élargis et une enquête participative sur sa fréquentation a été lancée. Le réseau marseillais dans son ensemble, avec deux nouvelles constructions prévues dans les années à venir et un plan de rénovation et de réaménagement, est en voie d’évolution pour se moderniser et répondre mieux aux besoins de sa population.
Pour célébrer cet anniversaire, plusieurs rendez-vous sont proposés.
L’art visuel a tout d’abord été choisi pour mettre en avant les années qui passent et l’histoire de Marseille. Ne m’oublie pas donne à voir la collection de Jean-Marie Donat, constituée des archives photos du Studio Rex : logé au cœur de Belsunce, il a réalisé entre les années 1960 et 1980 des centaines de portraits, photos de famille ou administratives pour des personnes en parcours migratoire depuis l’Afrique du Nord et de l’Ouest. Cette exposition, conçue par les Rencontres photographiques d’Arles, met en relief toute la force de la photographie vernaculaire. À voir jusqu’au 1er mars 2025.
La littérature jeunesse est également à l’honneur, avec une rétrospective du Prix du Livre Jeunesse de Marseille, un programme partenarial entre écoles, collèges, bibliothèques et librairies de la ville, qui sur une année scolaire incite les enfants à lire une sélection, rencontrer des auteurs et découvrir des lieux culturels locaux. Pour chaque édition, depuis un peu plus de 20 ans, un dessin original est commandé auprès d’un illustrateur ou d’une illustratrice jeunesse afin de réaliser l’affiche du Prix. Ce sont ces dessins originaux qui sont exposés dans le hall central de l’Alcazar, tous conservés précieusement par l’Île aux Livres, service patrimonial de la bibliothèque dédié à la littérature jeunesse. En parallèle seront proposés au jeune public des lectures ainsi que des ateliers en présence d’auteurs et d’autrices jeunesse de la région, et même un concert dessiné. L’occasion de rencontrer Jeanne Macaigne, Mo Abbas, Aude Léonard, Delphine Bournay ou encore Corinne Dreyfus.
Deux autres expositions font également la part belle à l’histoire du lieu. Dans le foyer de la salle de conférence, une série de photographies revient sur les années de construction de la BMVR et le chantier de fouilles archéologiques. L’Espace régional propose au 3e étage de découvrir des documents historiques conservés par la bibliothèque, qui retracent l’histoire de la salle de concert mythique que fut l’Alcazar.
On peut encore citer au programme des réjouissances une conférence du Comité du Vieux-Marseille sur l’Alcazar Lyrique le 23 novembre, ou encore une série de podcasts créée par les bibliothécaires à découvrir en ligne.