RELIEF : un engagement affirmé
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Le réseau des événements et festivals littéraires a réactualisé son manifeste en 2023 et s’est doté d’une charte des bonnes pratiques en juin 2024.
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Maya Michalon met en lumière son métier d’animatrice littéraire, considéré plutôt comme une profession “de l’ombre” mais pourtant essentiel pour donner vie aux rencontres et événements culturels organisés partout en France.
Après une classe préparatoire littéraire (Hypokhâgne), j’ai suivi un DESS Master 2 en littérature anglophone. Je rêvais d’avoir un diplôme dans l’édition mais je n’avais encore aucune expérience dans les « métiers du livre ». J’ai donc contacté l’association Libraires du Sud, qui m’a proposé, non pas un stage, mais mon premier emploi.
Après six ans de plongée dans l’organisation de tournées d’auteurs auprès des librairies de la région, j’ai été engagée par le Bec en l’Air, avant de reprendre la coordination de l’association Croq’livres qui organise des résidences d’auteurs mais aussi un festival de littérature jeunesse. En 2017, j’obtiens un poste au sein de l’École des loisirs, en parallèle de mon travail d’animatrice littéraire…
Ma première expérience dans ce domaine remonte à l’interview de l’écrivain irlandais Roddy Doyle dans le cadre de ma maîtrise. J’en sors transportée, mais aussi frustrée de ne pas avoir partagé ce moment privilégié avec d’autres lecteurs. Et lorsqu’en 2002 je rencontre Pascal Jourdana (animateur littéraire associé aux rencontres de Libraires du Sud), c’est un déclic : fascinée par son travail, il m’invite à monter sur l’estrade : « Viens, on le fait ensemble ». C’est cette formation de terrain qui m’a permis de me lancer. Nous avons reçu Jean-Jacques Pauvert pour son roman mémoire La Traversée du livre (aux éditions Viviane Hamy) au Parc Chanot de Marseille. Et ma première rencontre solo se déroule peu après, avec Hafid Aggoune, primo-romancier des Avenirs (aux éditions Farrago), en 2005.
Je propose une alternance théorie et pratique, généralement sur deux jours et essentiellement auprès de libraires et médiathécaires. Cela m’oblige à théoriser et observer mon propre travail. J’apprécie particulièrement ces moments d’échanges, parce que c’est justement une de ces formations qui peut rassembler des métiers complètement différents.
Je suis très heureuse de pouvoir partager des outils leur permettant d’être plus en confiance dans ce rôle spécifique - qu’ils n’ont pas toujours choisi.
Certains stagiaires donnent des nouvelles et des liens se tissent - je leur propose par exemple un suivi pour accompagner leur première rencontre.
Je me suis professionnalisée aussi dans l’administratif : après du troc en nature (livres ou repas), puis des « feuilles de salaire », je suis devenue auto-entrepreneuse en 2009 (au moment de la création du statut), ce qui me permet, depuis, de facturer officiellement mes interventions.
Il y a une grosse dizaine d’années, inspirés par la Charte des auteurs, les animateurs littéraires, « électrons libres » de la chaine du livre sans code de déontologie ni grille tarifaire commune, décident d’écrire leur propre charte reliée au réseau RELIEF.
Avec, à mes côtés, Yann Nicol, Pascal Jourdana, Evelyne Pradwidlo et Olivier Chaudenson, nous avons lancé une « codification de nos devoirs mais aussi de nos droits d’animateurs littéraires ». Après relecture, révision et affinage du texte, nous avons pu utiliser ce document pour sensibiliser le réseau des 40 manifestations RELIEF à notre métier : une vraie rémunération, parce que cela demande une préparation correcte et des délais professionnels, une réflexion sur les achats, les conditions d’hébergement et réception… encore un combat pour être payé dans tous les festivals ! Le 15 octobre 2024, j’ai présenté la charte durant les États généraux des festivals et salons du livre, organisés par la Société française des intérêts des auteurs de l’écrit (SOFIA).
À 11 ans, je rentre chez moi et trouve, assise dans mon salon, Susie Morgenstern. Invitée par ma mère, professeure de français, l’autrice de La sixième est là, devant moi ; c’est un choc : il s’agit d’une personne en chair et en os !
Pour moi, à travers l’animation, il s’agit de faciliter la rencontre entre les lecteurs et l’être humain qui est derrière le roman. De donner la place à la personnalité de l’auteur, son corps, sa voix. De voir la lecture, comme un plaisir personnel, mais aussi comme une manière de renouer avec l’oralité et de donner une dimension collective aux textes.
Tous les lecteurs sont différents : mon obsession est d’accueillir tout le monde. Il ne faut pas trop en dire pour laisser la découverte à ceux qui n’ont pas encore lu et d’aller quand même assez loin pour ceux qui le connaissent déjà. On ne dévoile jamais la fin d’un roman mais je demande à l’écrivain pourquoi il choisit tel ou tel mot, on est avec lui dans sa tambouille et sa voix continuera de résonner bien après son intervention.
Je reçois Dany Laferrière pour son texte L’énigme du retour, en septembre 2009, pendant le festival des Correspondances à Manosque. C’est un excellent orateur, très drôle, mais je ne veux pas me contenter de ça et souhaite mettre en avant la dimension très poétique et émotionnelle de l’ouvrage. J’ai réussi à l’emmener sur ce terrain et à contenir ma propre émotion.
Il a eu cette phrase qui m’habite toujours : « Quand on lit un livre, on peut rire, être ému, avoir peur, être dérangé, excité, choqué… tout ça avec 26 lettres ! ».
C’est fascinant l’écart entre la simplicité d’un alphabet et la puissance des émotions provoquées - qui fait toute la différence avec le cinéma à mon sens.
Inviter les gens à être ce qu’ils sont et ne pas se cacher derrière le rôle d’animateur. Vivre cet instant avec ce que l’on est ; proposer une version personnelle de l’interview qui tende vers la « discussion ». Le plus beau compliment que l’on m’ait fait sur mon travail est venu de mes filles : « Tu dis que tu travailles, mais en fait tu discutes ! »
C’est épuisant pour les auteurs d’être « en représentation », de toujours répondre aux mêmes questions. Ils apprécient de passer à des questions plus intimes, guidées par ce qui a résonné en nous. Sortir des sentiers battus, c’est ce qui m’anime moi.