L'édition féministe s'ancre dans la région

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Coup de projecteur sur trois maisons ayant placé le féminisme au cœur de leur travail. Malgré leur objet proche, elles diffèrent non seulement par leur ligne éditoriale, mais aussi par leur statut et leur taille.

Anne-Lise Nadaud décrit la SAS qu’elle a fondée à Avignon comme un projet “passionné”. Documentaliste et férue de littérature, elle est investie au sein du mouvement du Planning Familial. Souhaitant devenir éditrice, elle obtient une licence professionnelle édition à Aix-en-Provence en 2017-2018. Elle crée alors la maison et s’oriente vers la réédition d’œuvres du domaine public, écrites par de grandes figures féministes oubliées. “Un travail passion, de tous les instants, mené en parallèle d’un engagement associatif”. Le premier titre, qui rassemble deux textes du XVIIe siècle (Égalité des hommes et des femmes et Grief des dames) par Marie Le Jars de Gournay, est sorti en 2021. Les productions en préparation, le sont avec la complicité, pour la traduction et le corpus critique, de Nathalie Zimpfer, docteure en littérature anglaise et enseignante-chercheuse.

La réédition d’autrices méconnues et la promotion d’un “matrimoine littéraire”, d’une bibliothèque idéale au féminin, est aussi au centre de la réflexion des Prouesses. Cette association, fondée en 2021 est installée dans la Maison des métiers du livre de Forcalquier. Aux manettes, deux sœurs, Flora Boffy-Prache, qui travaille dans l’édition depuis 15 ans et Zoé Monti-Makouvia, qui vient de terminer une thèse en littérature comparée. Les co-fondatrices consacrent bénévolement un jour par semaine aux Prouesses et s’appuient sur un comité éditorial composé d’Audrey Bangou, Gwenaël Ben Aïssa, Marie Chuvin et Estelle Coppolani, quatre femmes dont les compétences complètent les leurs.
Leur premier livre, Un Chant écarlate de l’écrivaine sénégalaise Mariama Bâ, est sorti en 2022 après une campagne de financement participatif couronnée de succès. L’objectif, tenu l’année dernière, est de publier trois titres par an.

Les éditions Hors d’atteinte sont installées à Marseille depuis cinq ans. Leur 35e titre vient de paraître. Leur cofondatrice, Marie Hermann, est désormais seule à la barre, mais reste bien entourée, tant par ses auteurs et autrices que par des collaborateurs de longue date. Un “nous” composé notamment de sa graphiste, de son attachée de presse, de son distributeur Harmonia Mundi, ou encore des libraires alliés. Au menu, une ligne éditoriale fondée sur deux axes, essai et fiction, basée sur “l’articulation du féminisme, de l’antiracisme, de la lutte sociale et écologiste, de l’attention au vivant et la lutte contre toutes les dominations” et la volonté de “rendre visible des personnes qui ont peu l’occasion de s’exprimer”.
L’Amour de nous-même, un des derniers romans de la maison, a été écrit par une jeune autrice marseillaise découverte par le biais d’une liste de diffusion féministe, Erika Nomeni. Son récit des amours quand on est une femme noire, en surpoids, queer et pauvre, a “tout de suite été identifié par un public qui se reconnaît dedans, mais a aussi été lu par des personnes dont l’univers est très éloigné. Et là, pour nous, c’est le succès !”, explique Marie Hermann.

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