Podcasts, technologies : demain, tous audiolecteurs ?
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Si l’essor du podcast concourt à familiariser les publics avec l’écoute, les auditeurs de podcasts sont-ils de potentiels auditeurs de livres audio ? Le développement du podcast aura-t-il un impact sur l’édition de livres audio ?
Si l’on se réfère à la publication « Le marché mondial du livre audio » édité en 2018 par Livres Canada Books, des études ont montré que les auditeurs de podcasts écoutaient deux fois plus de livres audio que les non-auditeurs.
Interrogé dans le cadre de l’étude menée en 2019 par Numered Conseil auprès des éditeurs de livres audio français, Patrick Frémeaux, fondateur de Frémeaux & Associés , souligne que le podcast est à la fois le premier promoteur du livre audio mais aussi son premier concurrent. Le développement du podcast l’a d’ailleurs amené à questionner son positionnement, en tant que producteur de livre audio, face aux radios et à repenser l’éditorialisation de ses archives. Il y a intégré un contenu introductif et une mise en contexte, à l’inverse d’une approche plus radiophonique, avec des invités par exemple.
Cette réflexion éditoriale est aussi celle de Véronique Haïtse, éditrice à l’ École des Loisirs , qui estime que les éditeurs de livres audio pourraient s’inspirer des feuilletons radiophoniques et proposer de nouvelles formes de créations sonores, mais aussi penser le contenu du podcast au-delà du podcast de promotion du livre, tout en conservant un catalogue de fonds cohérent.
Eric Marbeau, responsable du secteur diffusion numérique et partenariats du groupe Madrigall, considère également que le podcast installe des usages d’écoute quotidienne et que les auditeurs de podcasts pourraient devenir des audiolecteurs, avec cependant un enjeu de taille qui est de convertir un client « gratuit » en un client « payant ». C’est ainsi qu’émergent de nouveaux modèles de plateformes numériques, comme Majelan ou Tootak , qui ambitionnent de coupler les deux modèles.
Enceintes connectées, compagnons de route intelligents, voix de synthèse et intelligence artificielle… Ces technologies vont-elles contribuer à la croissance du marché du livre audio ?
Selon l’étude Global Audio réalisée en 2019 en France par Médiamétrie, 96% des internautes écoutent des contenus audio chaque mois, dont 0,5% du volume d’écoute consacré aux livres audio.
La technologie mobile au service du livre audio ?
Si aujourd’hui on peut écouter un livre audio numérique sur son ordinateur, son ordinateur portable, sa tablette ou son smartphone, de nouvelles technologies de distribution de contenus numériques émergent, telles les enceintes connectées (Echo d’Amazon, Google Home, etc.) ou encore les services de connectivités dans les voitures du type Opel Connect, qui sont autant d’occasions pour le consommateur d’accéder à des contenus audio et de devenir un auditeur régulier.
C’est ainsi qu’Audible, filiale d’Amazon, a proposé en 2019, à titre d’essai, deux livres audio interactifs, The Abominable Snowman et Journey Under, aux personnes équipées d’une enceinte intelligente, qui peuvent alors interagir avec Alexa. Si le Baromètre des usages du livre numérique Sofia-SNE-SGDL indique que seuls 2% des lecteurs de livres audio numériques utilisent leur enceinte connectée pour les écouter, il est probable que la croissance de l’équipement en enceintes intelligentes sera propice à l’essor du livre audio numérique. L’étude sur les assistants vocaux et enceintes connectées, menée par l’Hadopi et le CSA en 2019, fait en effet apparaître que 10% des internautes français de 15 ans et plus ont déjà utilisé une enceinte connectée et 46% des assistants vocaux (Siri d’Apple, Google Assistant, Alexa d’Amazon, Cortana de Microsoft, ou encore Djingo d’Orange). Elle précise aussi que l’enceinte connectée est très utilisée pour les pratiques culturelles (musique et radio notamment), ce qui pourrait en faire un équipement de prédilection pour les usages audio. Ce sont ainsi 28% des utilisateurs interrogés qui, selon l’étude, y ont déjà eu recours pour écouter un livre audio.
Une voix numérique ?
Malgré les évolutions en matière de synthèse vocale, les options disponibles aujourd’hui n’offrent pas toujours la qualité attendue. Il faudra encore attendre quelques années avant que la synthétisation de voix humaine par l’intelligence artificielle améliore la qualité de la lecture en créant des voix plus naturelles. Pour l’heure, les audiolecteurs continuent à préférer écouter une véritable voix humaine et se laisser porter par la lecture, chargée d’émotions, de grands interprètes.
Interview d’Élizabeth Sutton, co-fondatrice d’IDboox, réalisée par Cécile Palusinski dans le cadre de la Semaine du Livre audio organisée par l’Agence régionale du livre Provence-Alpes-Côte d’Azur du 23 au 26 novembre 2020.