Développement de la lecture : le soutien des fondations ET du public

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Une revue par et pour les femmes détenues soutenue à 99 % par des fondations.

Alain Faure, directeur des Établissements Bollec , association loi 1901 réunissant un collectif de dessinateurs, d’auteurs et de graphistes à Rennes, revient sur les origines de Citad’elles. Ce magazine fait par et pour les détenues du Centre  pénitentiaire des femmes de Rennes, a remporté début 2018 le Prix Éducation aux Médias et à l’Information à l’occasion des 11es Assises Internationales du Journalisme de Tours, dans la catégorie “Projets associatifs”.

Dès le lancement du projet, les Établissements Bollec et la Ligue de l’enseignement 35, en charge de la coordination culturelle au Centre pénitentiaire des femmes, se sont tournés vers le financement privé pour pérenniser le projet, en complément des premières aides publiques du Service pénitentiaire d’insertion et de probation d’Ille-et-Vilaine, et de la Direction régionale des affaires culturelles de Bretagne : « Après une longue phase de recherche parmi des répertoires de fondations privées, nous avons contacté la Fondation ELLE, qui correspondait bien à notre projet mis en place pour des femmes. Nous les avons rencontrés et ils nous ont aidé à la hauteur de nos besoins et même davantage, avec des apports en matériel et en compétence : des journalistes du Groupe Lagardère étaient présents lors des comités de rédaction de notre magazine, pour échanger avec les personnes détenues, et orienter notre travail. »

Les contreparties sont essentiellement des relais de communication : la fondation valorise ce soutien sur sa lettre d’information, ses réseaux sociaux, et dans son rapport annuel d’activités. Alain Faure précise qu’il n’a constaté aucune ingérence des financeurs privés dans le fonctionnement ou le contenu du magazine. Le premier contact avec la Fondation ELLE a même permis d’étendre le champ des mécènes : « La Fondation ELLE, grâce à son réseau, nous a ensuite orienté vers d’autres fondations susceptibles de soutenir notre action : la Fondation Raja, la Fondation La Poste qui aide la publication d’écrits, et la Fondation M6, qui défend explicitement des projets mis en place dans le monde carcéral. »

Une convention est signée entre les Établissements Bollec et chacune des fondations, impliquant pour l’association de rendre un bilan à ses mécènes. Les logos des financeurs privés apparaissent également pour la plupart en quatrième de couverture de chaque numéro. Alain Faure souligne l’importance d’un interlocuteur unique au sein d’une même fondation : « Un atout primordial est de pouvoir échanger avec un seul référent, engagé, qui connaît le dossier, suit son évolution, se déplace et permet un gain de temps considérable au moment de renouveler notre demande d’aide. Notre interlocutrice de la Fondation M6 travaille particulièrement sur la réinsertion des personnes détenues, à laquelle participe cette valorisation de la parole des femmes. Son aide a été très utile pour inviter des journalistes de la chaîne M6 à intervenir lors de rencontres organisées en prison, pour présenter et désacraliser leur métier. »

Alain Faure reconnaît que ce recours au mécénat, qui s’avère essentiel pour la pérennisation de la revue et pour lui donner de l’ampleur, est chronophage : « La recherche de financement privé est assez lourde, notamment en termes de temps consacré à la rédaction des dossiers, à renouveler chaque année, des bilans à remettre à mi-parcours, puis une fois le projet réalisé, en fonction des grilles d’évaluation des différents fondations. L’accompagnement de la Ligue de l’enseignement 35 sur ce plan a été précieux. »

Et le financement participatif ? «La question s’est posée au démarrage du projet, mais les nécessaires contreparties à remettre à chaque contributeur représentaient un frein pour nous : nous aurions dû calculer le nombre d’exemplaires supplémentaires à imprimer pour les donateurs, alors que nous ne diffusons le magazine en version papier qu’au sein de l’établissement pénitentiaire. Depuis peu, le magazine est également accessible à tous dans une version numérique sur le site internet des Établissements Bollec, ce qui permet notamment à chacune des fondations qui nous soutient de relayer le lien de consultation sur son propre site internet. »

Un article de Livre et lecture en Bretagne, juillet 2018

En 2015, la start-up nantaise MOBiDYS, spécialisée dans l’édition d’e-books accessibles aux personnes en difficulté avec la lecture (notamment dyslexiques), a eu recours avec succès au financement participatif via la plateforme Ulule.

Mobidys est financée à son lancement par la Banque publique d’investissement (BPI), dans le cadre de la French Tech, un dispositif de soutien aux projets innovants créateurs d’emplois. « Nous entrions parfaitement dans les critères et, de plus, nous étions deux femmes, ce qui nous donnait une priorité», souligne Marion Berthaut, devenue directrice de Mobidys. Au bout de six mois d’étude, le projet apparaît viable, avec un marché potentiel encore plus important que prévu, vu l’intérêt manifesté par les professionnels de santé, mais aussi par le secteur scolaire. Une fois les problèmes techniques résolus et les verrous technologiques surmontés, l’entreprise Mobidys est créée fin 2015, grâce à une opération de financement participatif via la plateforme Ulule destinée à la fabrication d’un prototype : «À notre grande surprise, nous ne connaissions pas 57 % des contributeurs. Nous n’avons pas tellement touché les parents d’enfants dys, par exemple, puisqu’il s’agissait de créer un produit dont ils ne savaient rien.»

Les contreparties proposées aux donateurs sont progressives en fonction du montant attribué, mais toujours axées sur cette démarche de don solidaire : offrir des livres numériques à un enfant dyslexique, ou directement à une structure associative de son choix, bénéficier en tant que professionnel d’un atelier ou d’une conférence proposés par Mobidys sur des thématiques liées aux troubles de lecture…

Le projet Mobidys voulait réunir 10 000 €, il en aura finalement récolté 12 500, sur un budget prévu de 20 000 €. L’engagement des banques et des maisons d’édition a ensuite permis de boucler le projet, et depuis la structure se développe, avec d’excellents retours du public.

Un article de Livre et lecture en Bretagne, janvier 2017