Librairie : gagner en visibilité
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« Nous avons mené une campagne de crowdfunding et, dès le départ, nous savions que ce serait la seule. »
« Lancée en novembre 2017 et achevée début décembre, elle a porté sur deux projets : le réaménagement total de la librairie et l’ouverture de deux rayons consacrés aux jeux. Le montant estimé que nous souhaitions récolter était de 8 000 euros. Avoir recours au financement participatif était une nécessité, notre trésorerie ne permettant pas de supporter cet investissement.
Même si l’opération fut concluante, elle a été laborieuse : sachant dès le départ que nous ne ferions qu’une seule campagne de ce type, nous avons déployé tous les moyens. Une vidéo et toute une campagne de communication nous ont permis de conclure l’opération juste à temps.
Pour remercier les donateurs, nous avons organisé une soirée spéciale de remerciement. Et les contributeurs, en fonction du montant de leur don, ont reçu des livres et des jeux. »
Léo Noël, librairie La Zone du dehors
Témoignage recueilli par l’ALCA Nouvelle-Aquitaine, juin 2018
Le crowdfunding, un outil de communication en soi
Élise Feltgen connaît bien le fonctionnement des campagnes de financement participatif : elle y avait déjà eu recours via la plate-forme Babeldoor en 2011, lors de la création de sa librairie Les mondes magiques à Rouen. Pour créer une nouvelle librairie dans le village de Mellionnec (400 habitants) dans les Côtes-d’Armor en Centre-Bretagne, elle a choisi une plate-forme plus connue, Ulule, et a misé sur l’ancrage territorial de son projet… avec succès !
Il convient de préciser que le village de Mellionnec est un lieu d’implantation qui peut paraître surprenant, mais est tout réfléchi, comme en témoigne le nombre d’initiatives originales qui y sont implantées : une association de promotion du cinéma, un fournil bio, une épicerie bio… Élise a d’ailleurs pu compter sur le soutien d’une association locale, Le Poulpe, créée pour l’accompagner dans sa démarche.
Sur un objectif initial de 2 500 euros, atteint en seulement 3 jours, Élise a récolté plus du double, soit 5 030 euros, qui lui permettront non seulement d’acquérir les mobiliers souhaités, mais également de prévoir des évènements pour l’inauguration de sa librairie qui ouvrira ses portes en septembre 2018. Concernant l’objectif initial à atteindre, Élise est lucide, et recommanderait le réalisme ; pour sa part elle n’a misé que sur une campagne visant 2 500 euros, alors que le budget global du projet était de 80 000 euros : « D’après mon expérience, seul un lieu déjà connu, reconnu, et solidement implanté peut prétendre à récolter de fortes sommes, comme les librairies en difficulté qui ont fait appel au soutien de leur réseau via des plateformes de crowdfunding par exemple… Cela me paraît plus difficile pour des créations d’entreprises ».
Élise reconnaît trois avantages certains dans le recours au financement participatif, quand il fonctionne : « Tout d’abord, il permet d’obtenir une somme non négligeable, qui permet de boucler le budget, mais sur laquelle il ne faut absolument pas se reposer.
Ce type de campagne permet également de révéler le potentiel d’un projet aux autres financeurs : 126 personnes ont contribué pour la création de la librairie, ce qui montre bien aux institutions qui m’ont accompagnée notamment, que le projet est crédible, car il y a des soutiens, mêmes anonymes : parmi mes contributeurs, certes 1/3 appartiennent à mes réseaux précédents, et 1/3 avec un ancrage local, mais il y a également 1/3 d’inconnus. Tous peuvent être des futurs lecteurs potentiels.
Enfin, la campagne de financement participatif permet un temps de communication à la fois très court et très long : une diffusion sur un mois au maximum, qui permet de faire connaître le projet, notamment sur les réseaux sociaux, pour créer un réel buzz grâce à ceux qui ont contribué, et qui activent leur propre réseau le temps de la campagne. »
Élise souligne également que, selon elle, une campagne de financement participatif, lancée sur une plate-forme virtuelle, ne peut être efficace sans un réseau humain : parler du projet autour de soi est primordial, en s’appuyant sur toutes les opportunités de dynamique du territoire, et en ayant un support relai (par exemple une page Facebook, créée 6 mois auparavant). Les personnes inconnues ne contribueraient que dans un second temps, une fois que la campagne fonctionne déjà : « Un projet qui marche suscite plus vite l’adhésion. Le fonctionnement de la plateforme Ulule par exemple permet de faire figurer en page d’accueil toutes les campagnes à succès, ce qui permet de toucher de nouveaux publics, totalement étrangers au projet. »
Le choix de la plateforme s’avère en effet important : pour Élise, qui connaissait déjà l’interface d’Ulule, il était utile de se positionner sur une plateforme très fréquentée, et connue d’un large public. La Chambre de Commerce et d’Industrie lui préconisait une plateforme de financement participatif régionale qu’elle a jugé moins adaptée à son projet, car touchant un public plus ciblé géographiquement. Élise souligne d’ailleurs la forme attractive d’Ulule en terme d’affichage des visuels, essentiels selon elle pour présenter et promouvoir un projet de manière rapide et efficace.
Élise a opté pour des contreparties pour les contributeurs liées à l’univers de sa librairie, réalisées en quantité car mises en vente ensuite pour son public : des totebags, des cartes postales, des cahiers… Elle n’avait pas un budget suffisant, mais estime que des contreparties uniques, qui produisent une valeur propre, comme des œuvres originales d’artistes, sont un autre levier attractif pour des contributeurs potentiels.
En résumé, pour Élise, le crowdfunding : en aucun cas la base sur laquelle doit reposer un budget global, mais un atout important en termes de communication et de visibilité !
Un article de Livre et lecture en Bretagne , juillet 2018