Le Living Lab Casemate : un outil pour penser collectivement les bibliothèques de demain

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Un article de Raphaël Besson

Docteur en sciences du territoire, Raphaël Besson forge au cours de sa thèse la notion de Systèmes Urbains Cognitifs, à travers l’étude de grands projets urbains situés à Buenos Aires, Barcelone et Grenoble. Il fonde en 2013 le bureau d’études Villes Innovations, spécialisé sur les thématiques des villes créatives et des Tiers Lieux.

La Casemate est le Centre de Culture Scientifique et Technique de Grenoble. Depuis 2012, elle déploie un Living Lab dans le cadre du programme Inmédiats (Innovation - Médiation - Territoires) porté par un partenariat de 6 centres de sciences régionaux (Bordeaux, Rennes, Caen, Toulouse, Paris et Grenoble). L’objectif du Living Lab : expérimenter un nouvel outil de médiation, pour renforcer l’égalité des chances dans l’accès aux sciences et techniques, notamment pour les 15-25 ans.
 
L’un des terrains privilégiés du Living Lab de la Casemate est le salon Experimenta qui se tient chaque année au mois d’octobre dans la Maison Minatec de Grenoble. Pendant 3 jours, ce salon devient un espace d’innovation ouverte où les visiteurs testent et évaluent des prototypes arts-sciences. Des technologies de matière augmentée, des dispositifs immersifs et interactifs, sont ainsi évalués ou détournés de leur fonction originelle dans le cadre d’ateliers de créativité. En 2015, sur les 6 000 visiteurs accueillis à Experimenta, plus de 300 personnes ont participé à la démarche Living Lab, avec une part importante d’étudiants en design, en architecture (ENSAG), en urbanisme (IUG), en géographie (IGA) et en sociologie (IAE). Des collégiens, des jeunes de l’École de la deuxième chance, des habitants et quelques professionnels (médiateurs, journalistes, villes de Grenoble) ont également participé à la démarche.

Une quarantaine de personnes ont suivi les ateliers de créativité, qui portaient en 2015 sur les thèmes de l’affichage en ville et de la transformation des bibliothèques. Pour les aider dans la construction de leurs scénarios, des experts, des médiateurs et des dessinateurs étaient présents. Les participants ont également bénéficié de l’apport des réseaux sociaux (Twitter, Facebook, Instagram), grâce à un travail d’animation réalisé en temps réel par Marion Sabourdy, journaliste et médiatrice à la Casemate. L’objectif était de faire intervenir des experts extérieurs afin qu’ils enrichissent les séances de créativité avec l’apport d’informations, d’idées ou de croquis. Ce recours aux réseaux sociaux a fait l’objet d’une méthodologie précise décrite dans un article récemment publié sur Echosciences

Un des ateliers de créativité du Living Lab portait sur le thème de la mutation des bibliothèques, avec comme terrain d’expérimentation la Bibliothèque d’étude et d’information de Grenoble. Face au caractère monumental et quelque peu cloisonné de cette bibliothèque, un certain nombre de scénarios ont cherché à rendre l’architecture plus vivante et dynamique. La proposition « Dinamicothèque » transforme ainsi la façade principale en surface digitale interactive. Sont également aménagés sur la toiture des espaces dédiés à l’agriculture urbaine, ainsi qu’un nouvel accès de la bibliothèque sur la place Valentin-Hauy. Le scénario « Biblio Lab Evolutive » réhabilite la façade arrière en un jardin-musée végétal et installe à l’intérieur du bâtiment une signalétique numérique de localisation des livres.

D’autres scénarios comme « Domestiquer le commun » ou « Procreatech » imaginent la création d’espaces de sociabilité au sein de la bibliothèque : espaces d’exposition, co-working spaces, lieux d’expression artistique, cafétéria, etc. À cet effet les scénarios proposent de reconfigurer l’ensemble des espaces de la bibliothèque (rez-de-chaussée, archives, toiture) selon des logiques de modularité et de réversibilité des fonctions et des usages. Les lieux de travail personnels sont quant à eux déconnectés et isolés des espaces communs, grâce par exemple à l’aménagement de « mobiliers-bulles ». 

Au-delà des idées et des scénarios déployés lors du Living Lab, l’intérêt de cet outil est qu’il permet à des acteurs informels (habitants, usagers, étudiants, artistes, etc.) de participer activement à la réflexion et à la conception des bibliothèques de demain. Par ailleurs, les méthodes du Living Lab permettent de décupler la créativité des participants, tout en favorisant la rencontre entre des acteurs de professionnalités diverses. Or c’est souvent dans ces temps d’interaction et de rencontres informelles qu’émergent les idées les plus novatrices. Reste à trouver le cadre pour que les idées issues du Living Lab connectent davantage avec le réel, et participent à la transformation des infrastructures et des services de la bibliothèque de demain.