3 questions à... Fabrice Rinaudo

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Né en 1976 dans le Pas-de-Calais, il habite et travaille aujourd’hui à Nice. Après des études dans différents domaines, il est tour à tour éducateur spécialisé, agent en bibliothèque et officie également désormais comme auteur (nouvelles, romans…). Un parcours qui lui a permis de développer, sans aucun doute, une fibre sociale et engagée qui se retrouve dans certains de ses écrits.

J’ai écrit le scénario de Prison, une BD parue fin 2022 chez La Boîte à Bulles, en coédition avec La Ligue des droits de l’Homme et illustrée par Anne Royan et Sylvain Dorange.
À mi-chemin entre documentaire et roman noir, ce livre montre la réalité carcérale à travers plusieurs personnages incarnant chacun un thème propre à la prison : l’absence de droit du travail, la surpopulation, la violence, l’insalubrité, la difficulté d’accès aux soins etc.
Il y est décrit comment l’institution-prison est une machine à déshumaniser, à broyer et à favoriser la récidive plutôt que la réinsertion.

Malgré la noirceur du propos, les retours sont « bons » (je viens d’ailleurs de recevoir le 1er prix du public de la BD adulte au festival de Villers-lès-Nancy), ce qui me laisse à penser que ce type d’ouvrage permet de poser un petit caillou dans la réflexion et l’engagement pour la défense des droits des détenus.

En outre, va paraître fin 2023 chez l’éditeur Petit à Petit un docu rock-BD que j’ai scénarisé.

En parallèle, je relis et retouche beaucoup d’anciennes productions – adulte ou jeunesse – que je compte soumettre à des éditeurs, n’ayant pas eu jusqu’à présent l’audace de le faire.
Sans rentrer dans les détails, un des écrits en question, et auquel je tiens particulièrement, est un hommage appuyé au génialissime… Rendez-vous à la question suivante !

Sans aucun doute, Un Privé à Babylone de Richard Brautigan !
Ce livre est culte et probablement inclassable, comme l’est son auteur (on associe Brautigan à la Beat Generation, je me permets modestement de le comparer à un Extra-Terrestre…).
Pour résumer le roman, c’est l’histoire de ce type, C. Card, détective privé fauché, narcoleptique, rêvant à Babylone. Un minable, vraisemblablement, mais looser parfait (on ne peut pas tout avoir) qui est embauché pour voler le cadavre d’une prostituée dans une morgue, où travaille un de ses meilleurs copains.
Brautigan détourne avec brio les archétypes du polar au point que tout peut paraître stupide, et pourtant, tout est drôle et réussi : les personnages, les situations, la trame, les dialogues, les réparties. Au-delà des crises de fous rires, en le lisant et le relisant, je me rends compte à chaque fois de la force de la liberté dans la création littéraire. Comme tout un chacun, je le savais d’une manière “théorique et intellectuelle”, mais là, j’ai ressenti avec les tripes cette possibilité d’écrire sans rentrer dans un carcan déterminé, de lever les barrières et de m’essayer à plusieurs genres littéraires. En somme, Un Privé… a aussi été un guide. Alors, merci pour ça, Brautigan ! 

Il s’agit de la bande dessinée Le Combat ordinaire, de Manu Larcenet. Probablement parce qu’à une époque, j’ai pu me reconnaître dans les réflexions, les états d’âme, mais aussi les évènements que vit Marco, le personnage principal. Ce qui montre bien le talent de Larcenet qui a su capter l’environnement psychologique mais aussi sociétal dans lequel nous évoluons.
Le Combat ordinaire, c’est la vie quotidienne dans laquelle chacun d’entre nous baigne. Une des forces de l’auteur a été de réussir à nous montrer d’une manière introspective ses propres failles pour aborder des thèmes plus globaux propres à tous, tels que le passage à l’âge adulte, la vie amoureuse, la parentalité, le suicide et le deuil, sans jamais être ennuyeux, nombriliste ou pompeux.
Les réflexions et les émotions sont mises sur la table, sans tricherie, au point qu’elles transpercent les pages pour venir nous chambouler. Sans oublier la puissance de certains dessins. C’est une vraie réussite !