Il s’agit, à travers ces rendez-vous, de créer des situations d’écoute, un lieu d’expression et d’échanges favorisant la réflexion et la pensée collective.

Ainsi, les configurations favorables à ces pratiques sont recherchées par les intervenants : en cercle pour que chacun puisse se voir, assis sur des tapis, sur des chaises, des coussins, dans un environnement “calme et chaleureux”, l’idée étant que chacun se sente à l’aise.

La durée varie en fonction de l’âge des participants, de 30 minutes pour les maternelles à 2 heures pour les adultes. Il faut compter entre 8 et 20 participants, en classe entière parfois, mais le plus souvent en demi-groupe.

La séance peut commencer par un temps de relaxation, de méditation ou par un simple rappel des règles du débat philosophique : parler n’est pas obligatoire, écouter chacun, respecter son propos, répondre à la problématique posée, argumenter puis passer la parole à quelqu’un d’autre dans le cercle (un bâton de parole est parfois utilisé), compléter ce qui a été dit avant, pour faire avancer la discussion collective et éviter les redites (règle dite de la “boule de neige”). Il est bien sûr tout à fait possible d’exprimer son accord ou son désaccord avec ce qui a été dit précédemment.

L’animateur est là pour reformuler, prendre des notes, veiller au bon déroulement du débat et au respect de chaque participant. Il surveille l’écoulement du temps et est garant du caractère philosophique de la discussion par ses relances sous forme de questionnement. Ces différentes missions peuvent également être distribuées au sein du groupe pour que le professionnel s’efface petit à petit.

Lors d’une première séance, il paraît important d’introduire et de définir la philosophie, sa pratique et de donner l’étymologie du mot.

Une simple question permet parfois de mettre en perspective les différentes visions du monde. Cependant, des supports variés - albums jeunesse, films ou extraits de films, dilemmes moraux (comme celui du tramway¹), œuvres d’art, spectacles, allégories et mythes platoniciens, jeux, exposés peuvent aussi venir amorcer la réflexion. Ils posent certains concepts et interrogent des paradoxes ou relancent les discussions.

Pour clôturer la séance, il est important de résumer les idées et les concepts qui ont été énoncés et de retracer le parcours fait par le raisonnement. La question : “comment s’est passé l’atelier pour vous ?” peut servir de conclusion. On peut aussi imaginer un prolongement ou une restitution. La poursuite de la discussion peut être impulsée à travers des dessins, des affiches, la rédaction d’un carnet ou encore par un atelier d’écriture, et ce afin de valoriser la parole et de conserver une trace personnelle ou collective, pour soi ou partagée et exposée.

Edwige Chiroutier, philosophe et titulaire de la chaire de l'Unesco “Pratiques de la philosophie avec les enfants : une base éducative pour le dialogue interculturel et la transformation sociale” affirme que si les enfants se posent des questions métaphysiques dès le plus jeune âge, s’interrogent sur la justice, le bien et le mal, sur l’amour…, autant de questions “délicates et difficiles”, il est du rôle des adultes de les accompagner dans un cheminement, pas à pas, vers “une pensée autonome et éclairée”.

Aurélien Alerini de Graine de Philo précise que « lors de ces ateliers les plus jeunes sont amenés à découvrir par eux-mêmes divers raisonnements élaborés. L’objectif n’est pas de leur demander de répondre en une heure à des problèmes philosophiques deux fois millénaires mais de les sensibiliser au débat démocratique. À savoir : demander la parole, écouter l’autre, ne pas se moquer, apprendre à convaincre et se laisser convaincre par les arguments les plus justes. Autre objectif conceptuel : les amener à remettre en question les idées toutes faites, les préjugés, tout en s’appuyant sur leur propre connaissance. Il ne s’agit pas de faire un cours sur le « bonheur » quand la question posée est « Qu’est-ce que le bonheur ? » mais de les aider à construire une définition à partir de leur propre connaissance du sujet, de leur expérience personnelle à l’école, dans les jeux, les contes, les histoires qu’ils connaissent. »

De nombreux supports existent comme par exemple le jeu Philodéfi, les collections « Chouette ! Penser » ou « Philophil » des éditions Gallimard Jeunesse, les éditions « les Petits Platons » ou encore les « goûters philo » chez Milan. Les éditions L’initiale ont créé depuis plusieurs années une collection Philo et citoyenneté. En continuité, Juliette Grégoire, fondatrice de la maison d’édition et philosophe de formation, anime des ateliers avec les enfants en utilisant : les albums de la collection, des jeux (le jeu de l’oie Philo ou le jeu Philo-mime), des films (pour Cinéma du Sud ou Scènes et Cinés) ou une exposition consacrée à la philosophie. Elle a créé un blog proposant les « Fiches Ateliers Philo » des éditions L'initiale (unblog.fr). Elle est également l’autrice de deux albums « C’est quoi la philosophie » et « les philosophes parlent d’amour ».

L’association Sève, dont le président est le philosophe et écrivain Frédéric Lenoir, propose un parcours de formation aux ateliers de philosophie et de pratique de l’attention pour les éducateurs. « La mise en place de partenariats avec des collectivités locales, des établissements scolaires, des organismes de loisirs (…) pour animer directement des ateliers de réflexion philosophique avec les enfants » est également impulsée.

Graines de philo, est un projet mis en place par les Francas – fédération de loisir éducatifs inscrite dans une démarche d’éducation populaire. Il concerne le public adolescent de 11 à 17 ans et comprend une partie animation sur 3 séances dans des centres participants (centres sociaux, maison pour tous, accueils de loisirs…), une section formation en direction des animateurs de ces structures afin qu’ils puissent poursuivre l’action, et un dernier volet de valorisation à travers un festival dont la dernière édition s’est déroulée le 21 septembre 2022. Ce programme est mené sous l’égide de la chaire Unesco, en partenariat avec la revue belge « Philéas et Autobule, les enfants philosophes ».