Le livre audio, un outil pédagogique

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Cycles primaires et secondaires, enseignement du Français langue étrangère (FLE) : le livre audio se révèle être un formidable outil éducatif. Son usage par les enseignants fait partie des recommandations de l’Éducation nationale. Depuis 2016, les livres audio peuvent intégrer la sélection des ouvrages destinés à introduire la culture littéraire dans le 1er degré, à la condition qu’ils existent en version papier. Mais l’écoute a-t-elle le même impact sur le cerveau que la lecture ? Alors que l’oralité est remise à l’honneur, découvrez les usages possibles du livre audio en classe et les effets de son écoute sur l’apprentissage.

Plusieurs recherches ont été menées ces dernières années qui attestent des vertus pédagogiques du livre audio pour l’apprentissage de la lecture. L’organisme de recherche et de développement WestEd, dont l’objet est d’améliorer l’éducation et l’apprentissage chez les enfants et les adultes aux États-Unis, a réalisé en 2016 une étude qui révèle que l’écoute de livres audio aide à l’alphabétisation. En partenariat avec le fournisseur de livres audio Tales2go, WestEd a mené, dans le cadre d’un programme parascolaire, un essai randomisé contrôlé  auprès d’élèves âgés de 7 à 9 ans. Les résultats indiquent que les élèves ayant bénéficié de séances d’écoute de vingt minutes trois fois par semaine, complétées par deux séances à domicile, présentaient environ trois mois d’avance en compréhension écrite en seulement dix semaines par rapport aux autres élèves. Cela représente une augmentation de 33 % du taux d’apprentissage au cours de cette période. Les enfants ont multiplié par trois leur compréhension de la lecture, par sept la diversification de leur vocabulaire et par quatre leur envie de lire.

En 1995 déjà, les américains Betty Hart et Todd Risley avaient montré, dans leur étude , que selon le statut socioprofessionnel de leurs parents, les enfants étaient très différemment exposés à la répétition de mots parlés. Le recours au livre audio pourrait ainsi devenir un moyen de compenser ces disparités et d’offrir une certaine égalité des chances à des enfants issus de milieux socio-économiques différents, dès leur accès aux structures d’accueil et d’éducation. Quand on sait que pour devenir un lecteur compétent, l’enfant doit être exposé de manière répétitive à un vocabulaire riche, on mesure tout l’intérêt d’introduire au plus tôt le livre audio comme outil pédagogique dans l’apprentissage scolaire.

Le guide “Les usages pédagogiques du livre audio” , co-réalisé par l’association La Plume de Paon, l’académie de Strasbourg et la commission livre audio du Syndicat national de l’édition (SNE), recense les utilisations possibles du livre audio en classe : écoute collective d’un chapitre, écoute individuelle, écoute et lecture combinée, etc. La lecture audio-assistée se révèle pertinente pour aider les élèves qui éprouvent des difficultés à lire à voix haute : elle favorise le maintien de l’attention et améliore la vitesse de lecture. Par ailleurs, les élèves sont sensibilisés aux enjeux de la lecture à voix haute et de la mise en sens du texte : la lecture expressive des textes présentés à l’oral de l’épreuve anticipée de français fait partie de l’évaluation du candidat.

Forte de ce constat, l’association La Plume de Paon, en partenariat avec la délégation académique à l’action culturelle du rectorat de l’académie Strasbourg, a initié il y a dix ans un prix du livre audio dans les lycées d’enseignement général, technologique et professionnel : La Plume de Paon des lycéens. Le déroulement de ce prix présente quatre temps forts qui rythment l’année scolaire :

  • une journée de formation sur les usages du livre audio, organisée à l’attention des enseignants de français et des documentalistes ;
  • des ateliers de lecture à voix haute animés par des comédiens ;
  • la mise à disposition de cinq titres de livres audio ;
  • et l’organisation de rencontres avec des auteurs, des comédiens et des éditeurs.

 

Livre audio et FLE

En 2019, à Strasbourg, une première expérimentation de l’usage du livre audio en classe de FLE a été initiée conjointement par La Plume de Paon, le rectorat, l’Alliance française, l’Institut français et Gallimard. Du matériel pédagogique a ensuite été mis à disposition des antennes volontaires de l’Alliance française et de l’Institut français. Si les résultats ont été variables selon les structures, ceux obtenus à l’Alliance française de Bizerte se sont révélés très intéressants, sans doute parce que, selon sa directrice Nada Najahi, le livre audio y est « entré en résonance avec une culture ancestrale, celle de la lecture à voix haute, des contes en particulier ». Les étudiants ont pris plaisir à écouter des livres audio, « une façon motivante d’apprendre ».

Cette expérience, qui s’adressait à des publics très variés, des scolaires (niveau B2) jusqu’aux futurs enseignants de FLE (niveau C1), devra être réitérée en développant des outils didactiques adaptés à une grande diversité d’étudiants. Les enseignants de FLE suggèrent également que les éditeurs intègrent désormais dans les métadonnées du livre audio le choix du niveau de langue (selon le classement du Cadre européen commun de référence pour les langues) afin d’en faciliter l’utilisation par les élèves.

L’Institut français accorde aujourd’hui une attention particulière à la dimension pédagogique du livre audio et propose d’en emprunter à la ” Culturethèque “, sa bibliothèque numérique. Lancée en juillet 2019, l’offre a  rencontré un succès certain, avec 330 écoutes jusqu’à fin 2019, et 1 727 écoutes entre janvier et juin 2020.

Fatma Deniz, chercheuse en neurosciences, et son équipe de l’université de Californie à Berkeley ont créé des cartes interactives permettant d’observer les régions du cerveau activées lors de différentes activités. Les résultats, parus le 19 août 2019 dans le Journal of Neuroscience, révèlent notamment que le traitement de l’information sémantique par le cerveau est identique lors de l’écoute ou de la lecture d’un texte. Cela suggère donc que la représentation sémantique du langage serait indépendante de la modalité sensorielle par laquelle l’information linguistique est reçue. Selon ces neuroscientifiques, cette découverte pourrait ouvrir la voie à d’autres études, notamment auprès de personnes dyslexiques, aphasiques ou atteintes d’un trouble du traitement auditif, et permettrait d’améliorer leurs conditions d’apprentissage.

Une autre étude , menée en 2016 sur un échantillon de 91 adultes, indique qu’il n’y a pas de différence significative de compréhension d’un texte lu ou écouté, voire lu et écouté simultanément. Une bonne nouvelle pour les médias numériques, qui permettent désormais aux individus de choisir entre écouter un livre, le lire ou faire les deux en même temps.

Vidéos réalisées dans le cadre de la Semaine du Livre audio organisée par l’Agence régionale du livre Provence-Alpes-Côte d’Azur du 23 au 26 novembre 2020.