La médiation du livre audio en médiathèque

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Nicole Laurent, responsable du département langues et littérature de la médiathèque André-Malraux de Strasbourg, présente les actions de médiation menées depuis dix ans autour du livre audio en médiathèque.

Depuis quand disposez-vous d’un fonds de livres audio à la médiathèque André-Malraux ?

Dès son ouverture en 2008, la médiathèque André-Malraux a proposé un fonds de livres audio au public adulte. Si lors de la conception de la médiathèque, les livres audio étaient pensés essentiellement pour permettre une certaine accessibilité, les usages du public et les évolutions de l’édition en ont vraiment élargi l’horizon.

Quelle est votre politique d’acquisition de livres audio ?

Notre fonds de livres audio se compose de littérature et de documentaires. La médiathèque y consacre un budget annuel d’environ 3 300 € (soit 0,9 % du budget total), ce qui nous permet d’acheter près de 200 titres par an. Nous maintenons le fonds à 2 500 titres en moyenne, dont 75 % de littérature générale, principalement du roman contemporain, du roman policier (le plus demandé par le public) et de l’imaginaire. Nous proposons aussi quelques classiques et environ 12 % de titres en anglais et en allemand. La parution rapide des titres médiatisés au format audio rend le fonds très vivant. Nous complétons notre offre avec 25 % de documentaires, tous domaines confondus, mais là, les acquisitions sont plutôt fonction de l’offre éditoriale, très inégale selon les thèmes.

Quel est leur taux de rotation ?

En 2019, le taux de rotation des livres audio a été de 2,5 (contre 2 pour le format papier). Le succès des titres audio va de pair avec celui des titres papier. C’est le roman policier qui a le taux de rotation le plus important (4,1 contre 3,2 pour le format papier), suivi par la philosophie et la psychologie (3,1).

Quels sont les publics du livre audio dans votre médiathèque ?

Le public est très varié, tout autant que les usages : déplacements, détente, travaux manuels, goût pour une voix particulière, etc. Il est indéniable que les audiolecteurs sont tous des personnes qui aiment lire, assez souvent uniquement sous cette forme. Les emprunts de livres audio en anglais et en allemand se font parfois dans une démarche d’apprentissage de la langue, mais surtout par des usagers dont c’est la langue maternelle. Nous avons une liste de romans audio avec la version papier en regard à destination des personnes en apprentissage du FLE, mais ils sont assez peu utilisés, car cela demande du temps. Nous proposons aussi la version audio quand le format papier est indisponible, mais rares sont les usagers qui se laissent tenter.

À quel endroit se trouve votre rayon livres audio ?

La part de littérature étant la plus importante, ils sont présentés dans le département langues et littératures. La configuration de nos locaux nous a amenés à y exposer aussi les livres audio de l’espace langues, ce qui les rend un peu moins repérables, mais les rapproche d’autres documents aux normes d’accessibilité spécifiques : gros caractères, sensibilisation au braille, LSF, Dys.

Quelles actions avez-vous développées autour du livre audio ?

Depuis 2011, notre médiation autour du livre audio se construit en partenariat avec l’association La Plume de Paon, soutenue par la ville de Strasbourg et par des partenaires privés et institutionnels. La Plume de Paon œuvre en faveur du développement du livre audio en organisant notamment des récompenses (le Grand Prix, le prix du Public, le prix des Lycéens) à partir de sélections de livres audio qu’elle effectue en début d’année parmi les nouveautés, et un Festival du livre audio en mai.
Lors du festival, un certain nombre d’événements se déroulent à la médiathèque. Nous participons donc à la programmation, à la logistique, à l’accueil et à l’animation lors des rencontres. À défaut d’un financement direct, la médiathèque met à disposition son personnel, ses espaces et ses moyens techniques, et assure la communication.
Il y a eu beaucoup de tâtonnements et d’expérimentations pour parvenir à proposer des activités qui puissent toucher le public : concours avec récompenses, ateliers de lecture à voix haute avec un comédien, casting de lecture à voix haute, salon d’éditeurs, livres audio en anglais avec les lycéens, soirées de lecture avec ou sans remise de prix, avec musique, croque’livres avec les étudiants de la Haute École des arts du Rhin, soirées buffet, rencontre franco-allemande autour d’une étude de marché, etc. Les ateliers pratiques, notamment le casting, ont beaucoup de succès.

Prêtez-vous uniquement des livres audio au format physique ?

Actuellement, nous ne proposons en effet que du format physique, mais nous sommes attentifs à l’offre BiblioStream de Book d’Oreille, qui permet aux bibliothèques de prêter des livres audio numériques en streaming.
Depuis 2015, nous notons une légère baisse des prêts, qui reflète une évolution des usages. Les gens sont moins équipés de lecteurs CD qu’avant, et ils sont nombreux à enregistrer des fichiers audio pour l’usage nomade qui leur conviendra le mieux. Comme pour la musique et les méthodes d’apprentissage des langues, les médiathèques sont confrontées à la question de la dématérialisation. 

Avez-vous un fonds spécifiquement dédié au public malvoyant ?

Le public malvoyant ne représente qu’une petite proportion d’audiolecteurs, mais il connaît le livre audio, nous est très fidèle et très demandeur de nouveautés. Pour faciliter leur autonomie, nous équipons tous nos livres audio d’étiquettes en braille (avec auteur et titre), mais l’accompagnement pour l’aide au choix reste primordial : les personnes viennent rarement seules ou font appel à nous. 
Nous avons signé une convention avec l’Association Valentin Haüy nous permettant d’acquérir 200 CD gravés au format Daisy, que nous proposons en prêt indirect avec le lecteur Daisy à toute personne empêchée de lire en raison d’un handicap.


Interview de Nicole Laurent réalisée par Cécile Palusinski dans le cadre de la Semaine du Livre audio organisée par l’Agence régionale du livre Provence-Alpes-Côte d’Azur du 23 au 26 novembre 2020.